ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
18 décembre 2014 (*)
«Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Législation fiscale – Droits de donation – Exonération s’agissant d’un ‘domaine rural’ – Non-exonération s’agissant d’un domaine situé sur le territoire d’un autre État membre»
Dans l’affaire C-133/13,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 13 mars 2013, parvenue à la Cour le 18 mars 2013, dans la procédure
Staatssecretaris van Economische Zaken,
Staatssecretaris van Financiën
contre
Q,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. J.-C. Bonichot (rapporteur), A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mai 2014,
considérant les observations présentées:
– pour Q, par MM. A. Bakker et D. Smit, assistés de Me M. Hamer, advocaat,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes B. Koopman et M. K. Bulterman ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et J.-S. Pilczer, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Brighouse, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,
– pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et W. Mölls, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 octobre 2014,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Economische Zaken (secrétaire d’État aux Affaires économiques) et le Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) à Q au sujet du refus des autorités néerlandaises de reconnaître la qualité de domaine rural («landgoed») à une propriété que l’intéressée possède dans un État membre autre que le Royaume des Pays-Bas, la privant ainsi de la possibilité de voir exonérée la donation qu’elle souhaite en faire.
Le droit néerlandais
3 L’article 1er de la loi de 1956 sur les successions (Successiewet 1956, ci-après «la loi sur les successions») dispose:
«1. En application de la présente loi, il y a lieu de recouvrer les impôts suivants:
[...]
2° l’impôt sur les donations sur la valeur de tout ce qui est obtenu par voie de donation d’une personne résidant aux Pays-Bas au moment de la donation;
[...]»
4 L’article 5 de la loi sur les successions est libellé comme suit:
«[...]
2. L’impôt sur les donations est recouvré sur ce que reçoit le donataire, le cas échéant après déduction des charges et obligations prévues au bénéfice du donateur ou d’un tiers».
5 L’article 1er de la loi de 1928 sur la protection des sites naturels (Natuurschoonwet 1928, ci-après «la loi sur la protection des sites naturels») dispose:
«1. Au sens de la présente loi, il faut entendre par:
a. domaine rural: un bien immobilier sis aux Pays-Bas, composé pour tout ou pour partie d’espaces naturels, de forêts ou d’autres arbres sur pied – y compris les superficies occupées par une maison de maître ou d’autres bâtiments assortis au caractère du domaine – pour autant que le maintien de ce bien dans son apparence caractéristique est souhaitable pour la préservation du site naturel;
b. propriétaire:
1° le propriétaire d’un bien immobilier qui n’est pas grevé du droit limité d’usufruit ou d’emphytéose, à l’exception des cas visés au paragraphe 3;
2° l’usufruitier ou l’emphytéote, à l’exception des cas visés au paragraphe 3;
c. propriété économique: un système de droits et d’obligations se rapportant à un bien immobilier qui représente une participation dans ledit bien. La participation comprend au minimum un certain risque de variation de valeur et revient à une personne autre que le propriétaire civil. L’octroi du seul droit de livraison n’est pas considéré comme un transfert de propriété économique;
d. Notre Ministre: notre ministre des affaires économiques, de l’agriculture et de l’innovation;
e. Nos Ministres: notre ministre des Affaires économiques, de l’Agriculture et de l’Innovation et notre ministre des Finances.
2. Par ou en vertu d’une mesure générale d’administration, des règles sont adoptées en ce qui concerne les conditions auxquelles un bien immobilier doit répondre pour pouvoir être considéré comme domaine. Ces conditions concernent:
a. la superficie du bien immobilier, qui peut inclure également la superficie d’un bien immobilier limitrophe qui est considéré comme domaine rural ou comme formant un tel domaine avec le premier bien immobilier cité s’il existe un lien historique étroit entre les deux biens immobiliers;
b. le pourcentage de la surface du bien immobilier qui doit au minimum être couverte d’espaces naturels, de forêts et d’autres superficies boisées, ainsi que la nature de ces espaces naturels, des forêts et autres superficies boisées;
c. la taille et la nature des terrains qui ne sont pas occupés par des espaces naturels, forêts ou autres superficies boisées, qu’ils soient ou non liés à la nature des terrains limitrophes directs du bien immobilier;
d. le mode et le type de construction;
e. le type d’utilisation qui est fait des terrains et des édifices construits.
[...]»
6 L’article 2 de la loi sur la protection des sites naturels prévoit:
«1. Le propriétaire désireux de voir son bien immobilier désigné en tant que domaine rural introduit auprès de nos Ministres une demande détaillée qui est présentée via notre Ministre.
[...]
4. Nos Ministres statuent sur la demande par décision commune.»
7 L’article 7 de la loi sur la protection des sites naturels dispose:
«1. Si une obtention au sens de la [loi sur les successions] inclut un bien immeuble classé comme domaine rural et que les conditions du paragraphe suivant sont remplies, il n’est pas procédé au recouvrement de la différence entre l’impôt sur les donations, ou sur les successions, mentionné dans l’avis d’imposition et l’impôt qui serait dû si le bien immobilier était évalué à la moitié de la valeur marchande qui devrait lui être reconnue à la date de l’obtention s’il pesait sur ce bien la charge de l’entretenir tel quel pendant une période de 25 ans, sans couper de bois de futaie au-delà de ce qui est nécessaire ou usuel dans le cadre des règles d’une gestion normale des forêts. Si le domaine est rendu accessible au public dans le respect des règles approuvées par nos Ministres, la valeur dudit domaine est, par dérogation à la phrase précédente, évaluée à zéro.
[...]»
8 L’article 1er de la décision de classification prise en application de la loi sur la protection des sites naturels prévoit:
«1. Dans la présente décision on entend par:
a. domaine rural: tout domaine visé à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la loi [...] sur la protection des sites naturels;
b. superficies boisées: les superficies boisées composées d’espèces autres que des essences d’arboriculture, des sapins de Noël, des vergers de basses tiges ou des oseraies;
c. résidence: un bien immeuble abritant une maison fortifiée d’origine, un château, une maison de campagne ou une gentilhommière, y compris leurs éventuelles dépendances, entourés d’un jardin ou d’un parc historique formant avec eux un ensemble architectonique d’au minimum un hectare, dont l’aménagement est antérieur à 1850 et reconnaissable si ce complexe, ou tout au moins un de ses composants, est un bâtiment protégé inscrit dans l’un des registres visés à l’article 6, paragraphe 1, de la loi de 1988 sur les monuments historiques;
d. espaces naturels:
1° landes, tourbières, marais, dunes mouvantes, champs de dunes, prés salés, chenaux, schorres, terrains alluviaux, vasières, plages vertes, roselières, broussailles, fourrés, marécages, marais, étangs, ruisseaux, petites rivières, étangs, cours d’eau fermés, rus, sources et griffons, dans la mesure où ces terres ne sont pas utilisées comme terrain agricole;
2° prairies calcaires, prairies fleuries de régions vallonnées, de régions sablonneuses et tourbeuses ou de régions fluviales et alluviales, prairies humides maigres, prés de populages de vallées fluviales ou de régions tourbeuses et argileuses, prairies humides moyennement riches en substances nutritives, prairies sèches et arides des terres hautes, prairies dunaires sèches pauvres en calcaire, prairies dunaires sèches riches en calcaire et prairies humides salines de l’intérieur des terres, dans la mesure où ces terres ne sont utilisées que comme terres de pâturage ou prairies de fauche et sont garnies des types de végétation caractéristiques de ces prairies.
[...]»
9 L’article 2 de l’arrêté de classement pris en application de la loi sur la protection des sites naturels dispose:
«1. Afin de pouvoir être désigné comme domaine rural, un bien immeuble doit satisfaire aux conditions suivantes:
a. ledit bien immeuble a une superficie d’au minimum 5 hectares;
b. les terres et les espaces aquatiques composant le bien immeuble forment une zone compacte;
c. une surface d’au moins 30 % du bien immeuble est couverte par des superficies boisées ou des espaces naturels;
d. l’usage pouvant être fait du bien immeuble ne nuit pas au site naturel.
2. Si les terrains, les bâtisses et les espaces aquatiques composant le bien immeuble ou l’usage qui en est fait nuisent au site naturel, lesdits terrains, bâtisses et espaces aquatiques ne sont pas pris en compte dans le bien immeuble à désigner comme domaine rural.
[...]»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Q, résidente fiscale néerlandaise, est propriétaire d’un domaine sis au Royaume-Uni («The Bean House») dont elle a l’intention de faire donation à son fils.
11 En vertu de la législation néerlandaise, une telle donation pourrait être, en tout ou partie, exonérée d’impôt à la condition, notamment, que «The Bean House» revête le caractère d’un domaine rural au sens de la loi sur la protection des sites naturels, et donc qu’il soit situé aux Pays-Bas.
12 Q a vainement demandé aux autorités fiscales néerlandaises le bénéfice d’une telle reconnaissance.
13 La juridiction de première instance, saisie par Q, a considéré que le droit d’être exonéré de droits de donation ne saurait être limité aux domaines ruraux situés aux Pays-Bas. Selon cette juridiction, l’entrave à la libre circulation des capitaux qui résulte d’une telle limitation n’est justifiée ni par l’intérêt de cet État membre à protéger son patrimoine naturel et culturel, ni par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.
14 Saisi de l’appel interjeté par le Staatssecretaris van Economische Zaken et le Staatssecretaris van Financiën, le Raad van State (Conseil d’État), qui considère également être en présence d’une restriction à la libre circulation des capitaux, s’interroge sur les justifications identifiées par la juridiction de première instance. Les autorités fiscales néerlandaises ont soutenu devant lui que l’entrave est justifiée par les difficultés pratiques posées par les contrôles fiscaux dans un État membre autre que le Royaume des Pays-Bas, notamment la nécessité de vérifier si les propriétaires respectent leur engagement de conserver le domaine rural pendant une période de 25 ans. À cet égard, il se demande dans quelle mesure les autorités des autres États membres seraient obligées d’assister les autorités néerlandaises dans leurs contrôles.
15 C’est dans ces circonstances que le Raad van State a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’intérêt de la préservation des sites naturels nationaux et du patrimoine culturel et historique, au sens de la [loi sur la protection des sites naturels], constitue-t-il une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une réglementation par laquelle l’application d’une exonération de l’impôt sur les donations (avantage fiscal) est réservée aux domaines ruraux sis aux Pays-Bas?
2) a) Dans le cadre d’une enquête visant à déterminer si un bien immobilier sis dans un autre État membre peut être qualifié de domaine rural au sens de la [loi sur la protection des sites naturels], les autorités d’un État membre peuvent-elles, pour obtenir l’assistance des autorités de l’État membre dans lequel le bien immobilier est situé, invoquer la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures [(JO L 84, p. 1)], lorsque le classement comme domaine rural sur le fondement de la loi précitée a pour effet d’ouvrir droit à une exemption du recouvrement de l’impôt sur les donations dû à la date de la donation du bien immobilier en question?
b) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous a), la notion d’‘enquête administrative’ figurant à l’article 3, point 7, de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE [(JO L 64, p. 1)], doit-elle être interprétée comme pouvant englober une enquête sur place?
c) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, sous b), la notion d’‘enquête administrative’ figurant à l’article 5, paragraphe 1, de la directive [2010/24] peut-elle être précisée en s’appuyant sur la définition de la notion d’‘enquête administrative’ figurant à l’article 3, point 7, de la directive [2011/16]?
3) S’il y a lieu de répondre par la négative à la deuxième question, sous a), à la deuxième question, sous b), ou à la deuxième question, sous c), le principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, lu en combinaison avec l’article 167, paragraphe 2, TFUE, doit-il être interprété en ce sens qu’il implique que, lorsqu’un État membre demande l’assistance d’un autre État membre dans le cadre d’une enquête visant à savoir si un bien immobilier sis dans cet autre État peut être qualifié de domaine rural au sens d’une loi ayant pour but la préservation et la protection des sites naturels nationaux et du patrimoine historique et culturel d’un pays, l’État membre requis est tenu de fournir cette assistance?
4) Une restriction à la libre circulation des capitaux peut-elle être justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux si cette efficacité ne semble pouvoir être compromise que par la circonstance que les autorités nationales sont contraintes de se rendre, pendant la période de 25 ans visée à l’article 7, paragraphe 1, de la [loi sur la protection des sites naturels], dans un autre État membre pour y effectuer les contrôles nécessaires?»
Sur les questions préjudicielles
16 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exonération de droits de donation afférents à certains sites protégés est limitée à ceux de ces sites qui sont situés sur le territoire dudit État membre.
17 En vertu de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
18 La Cour a déjà jugé que le traitement fiscal des donations, que celles-ci portent sur des sommes d’argent, des biens immeubles ou des biens meubles, relève des dispositions du traité FUE relatives aux mouvements de capitaux, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir arrêt Mattner, C-510/08, EU:C:2010:216, point 20).
19 Il en résulte qu’une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle une personne résidant dans un État membre effectue une donation portant sur un bien immeuble situé dans un autre État membre, relève du champ d’application de l’article 63, paragraphe 1, TFUE.
20 La Cour a déjà jugé, en matière de droits de succession, que le fait de subordonner l’octroi d’avantages fiscaux à la condition que le bien transmis soit situé sur le territoire national constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt Jäger, C-256/06, EU:C:2008:20, points 28 à 35). De même, concernant le cas des donations, des mesures ayant pour effet de diminuer la valeur de la donation d’un résident d’un État membre autre que celui sur le territoire duquel se trouvent les biens concernés et qui impose la donation de ceux-ci constituent également une telle restriction (voir arrêt Mattner, EU:C:2010:216, point 26).
21 Par conséquent, dès lors que des dispositions nationales telles que celles en cause au principal subordonnent l’application d’une exonération de l’impôt sur les donations à la condition que le bien immeuble concerné soit situé sur le territoire national, la charge fiscale plus lourde grevant la donation effectuée par une personne résidant dans un État membre lorsque cette donation porte sur un immeuble situé dans un autre État membre constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.
22 Pour qu’une telle restriction puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il est, notamment, nécessaire que la différence de traitement concerne des situations qui ne soient pas objectivement comparables, cette comparabilité devant s’apprécier à l’aune de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause au principal (voir arrêt X Holding, C-337/08, EU:C:2010:89, points 20 et 22).
23 Or, la Cour considère que tel est le cas dans l’affaire en cause au principal.
24 En effet, l’objet de l’exonération de droits de donation prévue par le régime néerlandais en cause au principal consiste à protéger l’intégrité des domaines ruraux typiques du paysage néerlandais traditionnel («landgoed») contre les morcellements ou les dénaturations susceptibles de résulter de l’obligation dans laquelle peuvent se trouver les donataires, afin de s’acquitter de l’impôt frappant cette transmission, de démembrer un domaine pour en céder une partie, ou de l’exploiter d’une manière qui nuirait à son caractère spécifique.
25 L’avantage fiscal qui s’attache à la transmission d’un «landgoed» poursuit ainsi, comme la juridiction de renvoi l’a elle-même relevé, un objectif de préservation de sites naturels nationaux qui englobe un objectif de préservation du patrimoine culturel et historique. Cet objectif peut, en particulier, être déduit de la définition tant du domaine rural figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la loi sur la protection des sites naturels, selon laquelle les superficies occupées par une maison ou par d’autres bâtiments assortis au caractère du domaine peuvent être considérées comme partie intégrante du domaine, que de la définition d’une «résidence» faisant partie d’un «landgoed» figurant à l’article 1er de la décision de classification, en vertu duquel le complexe doit être entouré d’un jardin ou d’un parc historique dont l’aménagement est antérieur à 1850 et doit être composé d’au moins un élément qui constitue un monument classé au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la loi de l988 sur les monuments historiques.
26 Il ressort du dossier soumis à la Cour que la donation en cause au principal concerne un domaine sis au Royaume-Uni d’environ 18 hectares comportant des monuments classés en vertu de la législation applicable dans ce dernier État membre.
27 Cependant, au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation nationale en cause, un contribuable envisageant de faire don d’un «landgoed» comprenant une «résidence» ne saurait être regardé comme étant dans une situation objectivement comparable à celle d’un contribuable envisageant, comme dans l’affaire au principal, de faire don d’un domaine situé sur le territoire d’un autre État membre, même si celui-ci comporte des monuments classés en vertu de la législation applicable dans ce dernier État membre. En effet, l’avantage fiscal en cause au principal visant à préserver l’intégrité de certains domaines qui relèvent du patrimoine culturel et historique national, le désavantage qui en résulte pour un contribuable placé dans la seconde de ces deux situations est donc inhérent à l’objectif poursuivi par le législateur néerlandais.
28 Il ne pourrait en aller autrement, comme il a été dit au point 33 de l’arrêt rendu ce jour dans l’affaire X (C-87/13), que dans l’hypothèse où un tel contribuable établirait qu’une propriété, bien que située sur le territoire d’un autre État que le Royaume des Pays-Bas, constitue néanmoins un élément du patrimoine culturel et historique néerlandais, et que cette circonstance serait de nature à la rendre susceptible, si ce n’était son extraterritorialité, de faire l’objet d’une protection au titre de la loi sur la protection des sites naturels.
29 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exonération de droits de donation afférents à certaines propriétés protégées en raison de leur appartenance au patrimoine culturel et historique national est limitée à celles de ces propriétés qui sont situées sur le territoire de cet État membre, pour autant que cette exonération n’est pas exclue s’agissant des propriétés susceptibles de se rattacher au patrimoine culturel et historique dudit État membre en dépit de leur localisation sur le territoire d’un autre État.
Sur les dépens
30 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une exonération de droits de donation afférents à certaines propriétés protégées en raison de leur appartenance au patrimoine culturel et historique national est limitée à celles de ces propriétés qui sont situées sur le territoire de cet État membre, pour autant que cette exonération n’est pas exclue s’agissant des propriétés susceptibles de se rattacher au patrimoine culturel et historique dudit État membre en dépit de leur localisation sur le territoire d’un autre État.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.