ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
23 avril 2015 (*)
«Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Sixième directive TVA – Article 11, A – Affectation d’un bien assimilée à une livraison effectuée à titre onéreux – Affectation d’un immeuble à une activité exonérée de TVA – Base d’imposition pour cette affectation – Intérêts intercalaires payés lors de la construction de l’immeuble»
Dans l’affaire C-16/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le hof van beroep te Gent (Belgique), par décision du 7 janvier 2014, parvenue à la Cour le 16 janvier 2014, dans la procédure
Property Development Company NV
contre
Belgische Staat,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, M. A. Ó Caoimh, Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: M. M. Szpunar,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour Property Development Company NV, par Mes M. Vanden Broeck et S. Geluyckens, advocaten,
– pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement grec, par Mmes K. Paraskevopoulou et M. Skorila, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. G. Wils, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, A, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, et rectificatif JO L 149, p. 26, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Property Development Company NV (ci-après «Prodeco») au Belgische Staat au sujet de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») à laquelle a donné lieu l’affectation d’un immeuble à une activité de mise en location.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 La sixième directive a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des faits en cause, le litige au principal demeure régi par la sixième directive.
4 Aux termes de l’article 2 de la sixième directive:
«Sont soumises à la [TVA]:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
2. les importations de biens.»
5 L’article 4 de cette directive disposait:
«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 [...]
2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services [...] Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
[...]»
6 Le titre V de la sixième directive portait l’intitulé «Opérations imposables» et comprenait les articles 5 à 7 de cette directive, respectivement intitulés «Livraisons de biens», «Prestations de services» et «Importations».
7 L’article 5 de la sixième directive était libellé comme suit:
«1. Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.
[...]
6. Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA]. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons.
7. Les États membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux:
a) l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise dans le cas où l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la [TVA];
b) l’affectation d’un bien par un assujetti à un secteur d’activité non imposé, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA] lors de son acquisition ou de son affectation conformément à la lettre a);
[...]»
8 L’article 11 de ladite directive énonçait:
«A. À l’intérieur du pays
1. La base d’imposition est constituée:
a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers [...]
b) pour les opérations visées à l’article 5 paragraphes 6 et 7, par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations;
[...]
2. Sont à comprendre dans la base d’imposition:
a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la [TVA] elle-même;
b) les frais accessoires tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance demandés par le fournisseur à l’acheteur ou au preneur. Les États membres peuvent considérer comme frais accessoires ceux faisant l’objet d’une convention séparée.
[...]»
9 Les articles 18, 73 et 74 de la directive 2006/112 correspondent, respectivement, aux articles 5, paragraphe 7, 11, A, paragraphe 1, sous a), et 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive.
Le droit belge
10 Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, de la loi du 3 juillet 1969 créant le code de la taxe sur la valeur ajoutée (Belgisch Staatsblad, du 17 juillet 1969, p. 7046), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le «code TVA»):
«Sont assimilés à des livraisons effectuées à titre onéreux:
[...]
3° l’utilisation par un assujetti, comme bien d’investissement, d’un bien qu’il a construit, fait construire, fabriqué, fait fabriquer, acquis ou importé autrement que comme bien d’investissement ou pour lequel, avec application de la taxe, des droits réels [...] ont été constitués à son profit ou lui ont été cédés ou rétrocédés, lorsque ce bien ou les éléments qui le composent ont ouvert droit à la déduction complète ou partielle de la taxe;
[...]»
11 Par cet article 12, paragraphe 1, 3°, le législateur belge a entendu employer la faculté offerte à l’article 5, paragraphe 7, sous a) et b), de la sixième directive.
12 L’article 26 du code TVA énonce:
«Pour les livraisons de biens et les prestations de services, la taxe est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur du bien ou par le prestataire du service de la part de celui à qui le bien ou le service est fourni, ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.
Sont notamment comprises dans la base d’imposition, les sommes que le fournisseur du bien ou le prestataire du service porte en compte pour frais de commission, d’assurance et de transport, à celui à qui le bien ou le service est fourni, que ces frais fassent ou non l’objet d’un document de débit séparé ou d’une convention séparée.
Sont également à comprendre dans la base d’imposition les impôts, droits, prélèvements et taxes.»
13 L’article 33, paragraphe 1, du même code dispose:
«La base d’imposition est constituée:
1° pour les opérations visées à [...] l’article 12, par le prix d’achat des biens ou de biens similaires, ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations et en tenant compte, le cas échéant, de l’article 26, alinéas 2 et 3 [...]
[...]»
14 L’article 22 bis, premier alinéa, de l’arrêté royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises (Belgisch Staatsblad, du 19 octobre 1976, p. 13460) ainsi que l’article 38 de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du code des sociétés (Belgisch Staatsblad, du 6 février 2001, p. 3008) énoncent:
«La valeur d’acquisition des immobilisations incorporelles et corporelles peut inclure les charges d’intérêts afférentes aux capitaux empruntés pour les financer, mais uniquement pour autant que ces charges concernent la période qui précède la mise en état d’exploitation effective de ces immobilisations.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 Prodeco a, entre l’année 1991 et l’année 1994, fait construire un immeuble de bureaux avec l’intention de le vendre. Elle a, par conséquent, comptabilisé cet immeuble dans ses stocks. Dans le cadre de l’évaluation de ces stocks, conformément aux règles d’évaluation définies par elle, Prodeco a inscrit à l’actif les intérêts intercalaires.
16 Ces intérêts intercalaires étaient les intérêts payés, au taux du prêt conclu aux fins de la construction dudit immeuble, sur les sommes de ce prêt débloquées pendant ladite construction.
17 Prodeco a déduit la TVA qu’elle avait payée sur les livraisons et les prestations de services en rapport avec la construction de l’immeuble.
18 Dans l’attente d’une vente de l’immeuble en cause, laquelle a finalement eu lieu au cours de l’année 2000, Prodeco a, dans les années 1995 et suivantes, mis en location des parties de cet immeuble. Lors de cette activité économique, elle a ignoré dans ses déclarations fiscales l’applicabilité de l’article 12, paragraphe 1, 3°, du code TVA, ce qui a été qualifié d’infraction à cette disposition à l’occasion d’un contrôle effectué par l’administration fiscale belge au cours de l’année 1998.
19 Prodeco a payé une partie du montant de TVA réclamé par l’administration fiscale belge, soit 1 178 489 euros, correspondant au total de la TVA précédemment déduite sur les factures entrantes relatives à la construction de l’immeuble.
20 Elle a toutefois refusé de payer l’autre partie du montant de TVA également réclamé par l’administration fiscale belge, soit 554 416,67 euros. Ce montant était calculé sur la base des intérêts payés par Prodeco dans le cadre du prêt ayant permis de financer la construction de l’immeuble.
21 Dans l’année 2004, Prodeco s’est vu signifier une contrainte portant sur ce dernier montant de TVA. Elle a fait opposition à cette contrainte devant le rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers), qui a rejeté cette opposition par jugement du 9 mai 2008.
22 Prodeco a interjeté appel de ce jugement devant le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers). Par un arrêt du 16 février 2010, cette juridiction a déclaré l’appel fondé en ce qui concerne les intérêts intercalaires qui, selon ladite juridiction, ne font pas partie de la base d’imposition en cas d’application de l’article 12, paragraphe 1, 3°, du code TVA.
23 L’administration fiscale belge a formé un pourvoi en cassation contre ledit arrêt. Par arrêt du 19 janvier 2012, le Hof van Cassatie (Cour de cassation) a annulé ce même arrêt en ce que celui-ci statue sur la question des intérêts intercalaires et renvoyé l’affaire devant le hof van beroep te Gent (cour d’appel de Gand).
24 Le hof van beroep te Gent relève que, pour motiver sa décision selon laquelle les intérêts intercalaires doivent faire partie de la base d’imposition, le Hof van Cassatie s’est fondé sur l’arrêt Muys’ en De Winter’s Bouw- en Aannemingsbedrijf (C-281/91, EU:C:1993:855). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, lorsqu’un fournisseur de biens ou de prestations de services accorde à son client un sursis au paiement du prix, moyennant le paiement d’intérêts, jusqu’à la livraison, ces intérêts sont un élément de la contrepartie obtenue pour la livraison des biens ou les prestations de services au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.
25 Le hof van beroep te Gent estime que, bien que le Hof van Cassatie se soit clairement prononcé, la question continue de se poser de savoir si les intérêts intercalaires doivent ou non être pris en considération.
26 Selon le hof van beroep te Gent, l’arrêt Muys’ en De Winter’s Bouw- en Aannemingsbedrijf (C-281/91, EU:C:1993:855) portant sur l’interprétation de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive n’est pas nécessairement pertinent dans un cas tel que celui de l’affaire au principal. Les intérêts intercalaires devraient plutôt être considérés comme faisant partie du «prix de revient», qui figure parmi les valeurs de référence mentionnées à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, ou être qualifiés de «frais accessoires» au sens de cet article 11, A, paragraphe 2.
27 L’article 35, paragraphe 4, de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), constituerait un indice en faveur de cette conclusion. Cette disposition, qui a été transposée en droit belge par l’article 22 bis, premier alinéa, de l’arrêté royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises, énonçait que «[l]’inclusion dans le coût de revient des intérêts sur les capitaux empruntés pour financer la fabrication d’immobilisations est permise dans la mesure où ces intérêts concernent la période de fabrication».
28 Au demeurant, le principe de neutralité devrait également être pris en compte. À ce sujet, le hof van beroep te Gent attire l’attention sur le fait que les intérêts intercalaires ne sont pas soumis à la TVA et n’ont donc, contrairement aux livraisons et aux services occasionnés par la construction de l’immeuble, pas pu faire l’objet d’une déduction de la TVA.
29 Dans ces conditions, le hof van beroep te Gent a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les intérêts intercalaires qui, conformément à l’article 35, paragraphe 4, de la quatrième directive 78/660, peuvent être inclus dans le coût de revient dans la mesure où ils concernent la période de fabrication, font-ils partie de la base d’imposition d’un prélèvement au sens de l’article 5, paragraphe 6, de la sixième directive, c’est-à-dire du ‘prix de revient’ visé à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive et/ou des frais accessoires visés à l’article 11, A, paragraphe 2, de la même directive?»
30 Par lettre du 8 octobre 2014, le greffe de la Cour a transmis à la juridiction de renvoi une demande d’éclaircissements, visant notamment à savoir si l’opération imposable en cause au principal relève, selon l’appréciation de cette juridiction, de la situation visée à l’article 5, paragraphe 6, de la sixième directive ou, plutôt, de l’une des situations visées au paragraphe 7 de cet article. La juridiction de renvoi a également été invitée à vérifier si la valeur de référence pertinente dans l’affaire au principal est le prix de revient ou, plutôt, le prix d’achat de biens similaires.
31 Dans sa réponse, parvenue à la Cour le 11 février 2015, la juridiction de renvoi a précisé que l’affectation par Prodeco de l’immeuble en cause à l’activité économique, exonérée de TVA, consistant à mettre cet immeuble en location, relève de la situation visée à l’article 5, paragraphe 7, sous b), de la sixième directive et que, parmi les valeurs de référence mentionnées à l’article 11, A, de la sixième directive, celle pertinente pour la solution de l’affaire au principal est le prix d’achat de biens similaires au sens de cet article 11, A, paragraphe 1, sous b).
Sur la question préjudicielle
32 Compte tenu de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements de la Cour, il convient de comprendre la question posée comme visant à savoir si l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans un cas tel que celui en cause au principal, la base d’imposition pour le calcul de la TVA sur une affectation, au sens de l’article 5, paragraphe 7, sous b), de cette directive, d’un immeuble que l’assujetti a fait construire doit comprendre les intérêts intercalaires versés lors de la construction.
33 Il importe de rappeler, tout d’abord, que la règle énoncée à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, selon laquelle la base d’imposition pour les opérations visées à l’article 5, paragraphes 6 et 7, de cette directive est constituée par «le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations», déroge à la règle générale énoncée à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de cette directive, selon laquelle la base d’imposition pour les opérations soumises à la TVA est constituée par «tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire [...] de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers» (voir, par analogie, s’agissant des articles 73 et 74 de la directive 2006/112, arrêt Marinov, C-142/12, EU:C:2013:292, point 31).
34 En effet, les opérations visées à l’article 5, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive consistent, notamment, dans des prélèvements de biens par un assujetti pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou, comme en l’occurrence, dans des affectations à une activité économique exonérée de TVA. Dans tous ces cas d’assimilation à une livraison effectuée à titre onéreux, aucune contrepartie réelle susceptible de servir de base d’imposition pour le calcul de la TVA n’est obtenue par cet assujetti de la part d’un acheteur, d’un preneur ou d’un tiers, avec pour conséquence que la règle générale énoncée à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de ladite directive ne peut s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt Campsa Estaciones de Servicio, C-285/10, EU:C:2011:381, points 26 et 27).
35 Il convient, ensuite, de relever que, dans l’hypothèse où les biens faisant l’objet d’un prélèvement ou d’une affectation au sens de l’article 5, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive ont été achetés par l’assujetti, la base d’imposition pour le calcul de la TVA sur ce prélèvement ou cette affectation est, conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, constituée par le prix d’achat de ces biens. À cette fin, il convient d’entendre par «prix d’achat des biens», la valeur résiduelle des biens au moment du prélèvement ou de l’affectation de ceux-ci (arrêts Fischer et Brandenstein, C-322/99 et C-323/99, EU:C:2001:280, point 80, ainsi que Marinov, C-142/12, EU:C:2013:292, point 32).
36 S’agissant du critère, mentionné à la même disposition, du «prix d’achat de biens similaires», il résulte de l’interprétation fournie au point précédent que ce critère permet de déterminer la base d’imposition pour un prélèvement ou une affectation au sens de l’article 5, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive dans des cas où les biens faisant l’objet de ce prélèvement ou de cette affectation n’ont pas été obtenus par l’assujetti au moyen d’un achat.
37 Il découle, pour le reste, sans ambiguïté dudit article 11, A, paragraphe 1, sous b), que ce n’est qu’à défaut de prix d’achat des biens ou de biens similaires que la base d’imposition est constituée par le «prix de revient».
38 Par conséquent, dans le cas en cause au principal, qui porte sur une affectation, visée à l’article 5, paragraphe 7, sous b), de la sixième directive, d’un immeuble que l’assujetti n’a pas acheté, mais qu’il a fait construire, et qui est caractérisé par la circonstance qu’il existe des biens similaires sur le marché, c’est en pleine conformité avec l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive que la juridiction de renvoi a constaté que la base d’imposition pertinente pour le calcul de la TVA sur cette affectation est constituée par le prix d’achat, au moment de ladite affectation, d’immeubles similaires.
39 Aux fins du calcul fondé sur cette base d’imposition, il importe que les biens dont le prix d’achat est pris en compte soient des immeubles dont la situation, la dimension et les autres caractéristiques essentielles sont similaires à celles de l’immeuble en cause (voir, par analogie, arrêt Gemeente Vlaardingen, C-299/11, EU:C:2012:698, point 30).
40 En revanche, il est sans importance de savoir si le prix d’achat des immeubles similaires comporte ou non les intérêts intercalaires qui ont, le cas échéant, été payés lors de la construction de ces immeubles. En effet, contrairement au critère du prix de revient, que l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive prévoit comme base d’imposition en cas de défaut d’un prix d’achat, le critère du prix d’achat de biens similaires permet à l’autorité fiscale de se fonder sur les prix sur le marché de ce type de biens au moment de l’affectation de l’immeuble en cause, sans avoir à examiner en détail quels éléments de valeur ont conduit à ces prix.
41 Pour la même raison, les intérêts intercalaires effectifs versés par l’assujetti lui-même lors de la construction de l’immeuble en cause, sont, dans un cas tel que celui au principal, dépourvus de pertinence pour la détermination de la base d’imposition.
42 Enfin, il convient de rappeler que, en aucun cas, la base d’imposition visée à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive ne saurait comprendre une valeur sur laquelle l’assujetti a déjà acquitté la TVA sans avoir pu la déduire par la suite. Il appartient à la juridiction nationale d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard (arrêts Gemeente Vlaardingen, C-299/11, EU:C:2012:698, points 31 à 33, et Gemeente 's-Hertogenbosch, C-92/13, EU:C:2014:2188, point 35).
43 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, dans un cas tel que celui en cause au principal, la base d’imposition pour le calcul de la TVA sur une affectation, au sens de l’article 5, paragraphe 7, sous b), de cette directive, d’un immeuble que l’assujetti a fait construire, est constituée par le prix d’achat, au moment de cette affectation, d’immeubles dont la situation, la dimension et les autres caractéristiques essentielles sont similaires à celles de l’immeuble en cause. Est, à cet égard, dépourvue de pertinence la question de savoir si une partie de ce prix d’achat est née du paiement d’intérêts intercalaires.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 11, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, dans un cas tel que celui en cause au principal, la base d’imposition pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur une affectation, au sens de l’article 5, paragraphe 7, sous b), de cette directive, d’un immeuble que l’assujetti a fait construire, est constituée par le prix d’achat, au moment de cette affectation, d’immeubles dont la situation, la dimension et les autres caractéristiques essentielles sont similaires à celles de l’immeuble en cause. Est, à cet égard, dépourvue de pertinence la question de savoir si une partie de ce prix d’achat est née du paiement d’intérêts intercalaires.
Signatures
* Langue de procédure: le néerlandais.