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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 octobre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Service de virement postal – Directive 97/67/CE – Champ d’application – Réglementation nationale attribuant un droit exclusif de prestation de service de virement postal – Aide d’État – Activité économique – Services d’intérêt économique général»

Dans l’affaire C-185/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 9 avril 2014, parvenue à la Cour le 14 avril 2014, dans la procédure

«EasyPay» AD,

«Finance Engineering» AD

contre

Ministerski savet na Republika Bulgaria,

Natsionalen osiguritelen institut,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), A. Arabadjiev, C. Lycourgos et J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour «EasyPay» AD, par M. B. Grigorov, directeur,

–        pour le Natsionalen osiguritelen institut, par M. B. Petkov, directeur,

–        pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et D. Drambozova, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme G. Koleva ainsi que par MM. R. Sauer et C. Vollrath, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO L 52, p. 3, ci-après la «directive 97/67»), ainsi que des articles 106 TFUE et 107 TFUE.

2        Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant «Easy Pay» AD et «Finance Engineering» AD au Ministerski savet na Republika Bulgaria (Conseil des ministres de la République de Bulgarie, ci-après le «Conseil des ministres») et au Natsionalen osiguritelen institut (Institut national de sécurité sociale, ci-après l’«Institut») visant à l’annulation ou à la déclaration de nullité de certains articles du décret sur les pensions et la période de cotisation (Naredba za pensiite i osiguritelniya stazh, ci-après le «décret»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 97/67:

«La présente directive établit des règles communes concernant:

–        les conditions régissant la prestation des services postaux,

–        la prestation d’un service postal universel au sein de la Communauté,

–        le financement des services universels à des conditions qui garantissent la fourniture permanente de ces services,

–        les principes tarifaires et la transparence des comptes pour la prestation du service universel,

–        la fixation de normes de qualité pour la prestation du service universel et la mise en place d’un système visant à assurer le respect de ces normes,

–        l’harmonisation des normes techniques,

–        la création d’autorités réglementaires nationales indépendantes.»

4        L’article 2 de cette directive prévoit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)       ‘services postaux’: des services qui consistent en la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux;

[…]

4)      ‘levée’: l’opération consistant pour un prestataire de services postaux à collecter les envois postaux;

5)      ‘distribution’: le processus allant du tri au centre de distribution jusqu’à la remise des envois postaux aux destinataires;

6)      ‘envoi postal’: un envoi portant une adresse sous la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé par le prestataire de services postaux. Il s’agit, en plus des envois de correspondance, par exemple de livres, de catalogues, de journaux, de périodiques et de colis postaux contenant des marchandises avec ou sans valeur commerciale;

7)       ‘envoi de correspondance’: une communication écrite sur un support physique quelconque qui doit être acheminée et remise à l’adresse indiquée par l’expéditeur sur l’envoi lui-même ou sur son conditionnement. Les livres, catalogues, journaux et périodiques ne sont pas considérés comme des envois de correspondance;

[…]»

5        La décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3, ci-après la «décision SIEG»), dispose, à son article 2:

«1.      La présente décision s’applique aux aides d’État sous forme de compensations de service public accordées à des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général au sens de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE], et qui relèvent d’une des catégories suivantes:

а)      compensations ne dépassant pas un montant annuel de 15 millions d’[euros] pour la prestation de services d’intérêt économique général dans des domaines autres que le transport et les infrastructures de transport.

[…]

2.      La présente décision ne s’applique que si la période pendant laquelle l’entreprise est chargée de la gestion du service d’intérêt économique général ne dépasse pas dix ans. Si la durée du mandat est supérieure à dix ans, la présente décision ne s’applique que dans la mesure où le prestataire de services doit consentir un investissement important qui doit être amorti sur une plus longue période, conformément aux principes comptables généralement admis.

[...]»

6        Aux termes de l’article 3 de cette décision, relatif à la compatibilité et à l’exemption de notification:

«Les aides d’État sous forme de compensations de service public qui remplissent les conditions énoncées dans la présente décision sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], pour autant qu’elles [sont] conformes aux exigences découlant du traité [FUE] ou des législations sectorielles de l’Union.»

7        L’article 10 de la décision SIEG, portant sur les dispositions transitoires, prévoit:

«La présente décision s’applique aux aides individuelles et aux régimes d’aide comme suit:

а)      tout régime d’aide octroyé avant l’entrée en vigueur de la présente décision, qui était compatible avec le marché intérieur et exempté de l’obligation de notification conformément à la décision 2005/842/CE [de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106], paragraphe 2, [TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO L 312, p. 67)], reste compatible avec le marché intérieur et est exempté de l’obligation de notification pendant une période supplémentaire de deux ans;

[…]»

8        Selon l’article 11 de cette décision, «[l]a décision 2005/842/CE est abrogée».

9        L’article 12 de la décision SIEG dispose que «[l]a présente décision entre en vigueur le 31 janvier 2012».

 Le droit bulgare

10      Conformément à l’article 106 du code de la sécurité sociale (Kodeks za sotsialno osiguriavane), l’application du chapitre 6 de ce code, intitulé «Assurance retraite obligatoire», et le versement des pensions de retraite sont régis par un acte adopté par le Conseil des ministres.

11      Selon l’article 50 du décret, adopté par l’arrêté n° 30 du 10 mars 2000 du Conseil des ministres, «[l]es pensions de retraite et les compléments de celles-ci sont versés par les antennes locales [de l’Institut] par l’intermédiaire des bureaux de poste et des banques du pays […]».

12      L’article 51 du décret précise que «les pensions de retraite et les compléments de celles-ci sont versés par les bureaux de poste du lieu du domicile ou de l’adresse actuelle des retraités selon les modalités prévues par le décret».

13      Aux termes de l’article 54, paragraphe 1, du décret, «[l]’antenne locale [de l’Institut] établit, pour chaque retraité, une fiche de paiement selon laquelle le bureau de poste lui verse la pension (les pensions) de retraite et ses compléments. La fiche de paiement, dûment signée par le destinataire de la pension, sert de justificatif des paiements effectués».

14      L’article 58 du décret prévoit:

«[L’Institut] transfère régulièrement à la section locale de [‘Balgarski poshti’ EAD (ci-après ʻBalgarski poshtiʼ)] les montants nécessaires au versement des pensions de retraite et de leurs compléments, de façon à garantir leur paiement en temps voulu. […]»

15      L’article 92 du décret dispose:

«(1)      L’antenne locale [de l’Institut] transfère les montants nécessaires au paiement des pensions sur un compte de regroupement appartenant à la section locale de ‘Balgarski poshti’. Les comptes de l’antenne locale [de l’Institut] avec la section locale de ‘Balgarski poshti’ relatifs aux pensions de retraite payées pendant le mois concerné sont soldés avant la fin du mois en question.

(2)      Pour le travail de paiement des pensions effectué par le réseau postal, [l’Institut] paie aux sections locales de ‘Balgarski poshti’, par [l’intermédiaire] de ses antennes locales, 8,5 pour mille sur les pensions de retraite à verser au cours du mois. Ces montants sont transférés au plus tard le 7e jour du mois suivant.

(3)      L’antenne locale [de l’Institut] transfère la taxe sur la valeur ajoutée due sur le montant visé au paragraphe 2 à la section locale de ‘Balgarski poshti’ en même temps que ledit montant.

(4)      Les virements visés aux paragraphes 2 et 3 sont effectués sur la base d’une facture que la section locale de ‘Balgarski poshti’ émet après le paiement des pensions au cours du mois.

(5)      Si, par la faute d’un employé du bureau de poste, une pension de retraite est payée indûment, la section locale de ‘Balgarski poshti’ la restitue à l’antenne locale [de l’Institut]. […]»

16      Selon l’article 4 de la loi sur les services postaux (Zakon za poshtenskite uslugi), telle que modifiée (ci-après la «loi sur les services postaux»), «les services postaux comprennent un service postal universel et des services postaux non universels».

17      L’article 25, paragraphe 2, de la loi sur les services postaux prévoit:

«L’opérateur postal chargé d’effectuer le service postal universel peut également assurer d’autres services postaux selon les modalités prévues par la présente loi et exercer d’autres activités relevant de son objet social en tant que société commerciale.»

18      L’article 29 ter de ladite loi précise:

«L’opérateur postal chargé d’assurer le service postal universel organise son activité et en rend compte conformément aux normes comptables applicables et il utilise un système de répartition des coûts tant globalement pour la société commerciale que de façon analytique et séparée pour:

1.      le service postal universel selon les types de services;

2.      les virements postaux;

3.      les services postaux non universels visés à l’article 38, points 1 à 3;

4.      d’autres activités commerciales.»

19      Il résulte de l’article 38 de la loi sur les services postaux que les services postaux non universels comprennent:

«1.      la réception, le transport et la livraison de publipostages;

2.      les services visés à l’article 3, point 2;

3.      les services de courrier exprès;

4.      les virements postaux.»

20      Aux termes de l’article 39, point 3, de la loi sur les services postaux une licence individuelle au sens de cette loi est un acte administratif individuel qui est émis, entre autres, pour des virements postaux.

21      Le paragraphe 1, point 9, des dispositions complémentaires de la même loi dispose que «[l]es ‘virements postaux’ sont des services postaux consistant en l’envoi de sommes d’argent par l’expéditeur au destinataire, sur un support papier, par l’intermédiaire des services postaux d’un opérateur postal titulaire d’une licence pour assurer les services visés à l’article 39, point 3».

22      Selon le paragraphe 70 des dispositions transitoires et finales de ladite loi, «[l]’opérateur postal auquel est confié une obligation de service postal universel conformément à l’article 24 est la société commerciale [‘Balgarski poshti’], pour une durée de 15 ans à compter du jour de la publication de la présente loi au Darzhaven vestnik [(Journal officiel) n° 102 de 2010, en vigueur depuis le 30 décembre 2010]».

 Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

23      Par un arrêté du 10 mars 2000, le Conseil des ministres a adopté le décret, entré en vigueur le 1er janvier 2000. Ce décret prévoit que les pensions de retraite sont versées par les antennes locales de l’Institut par l’intermédiaire des banques du pays et des bureaux de poste de l’opérateur postal national Balgarski poshti, société commerciale unipersonnelle dont le capital est détenu à 100 % par l’État. Ces virements postaux englobent le paiement des pensions de retraite tant dans les bureaux de poste qu’à l’adresse du destinataire par un employé de la poste. À la date de l’adoption du décret, seule Balgarski poshti était habilitée, en application de la loi sur les services postaux, à assurer le service postal universel, lequel comprenait les virements postaux.

24      À la suite d’une modification de ladite loi, les virements postaux ne sont plus inclus dans le service postal universel depuis le 3 novembre 2009. «EasyPay» AD et «Finance Engineering» AD sont des entreprises titulaires d’une licence, octroyée par la Commission de régulation des télécommunications, permettant de fournir un service de virement postal. Partant, ces entreprises considèrent que le décret, en conférant un droit exclusif à Balgarski poshti pour le versement des pensions de retraite par virements postaux, limite leurs droits en tant qu’opérateurs postaux et porte atteinte à la libre concurrence.

25      Le Conseil des ministres soutient que l’octroi et le paiement des pensions de retraite relèvent des fonctions de l’État en matière de sécurité sociale et ne peuvent, dès lors, être qualifiés d’activité économique. Balgarski poshti aurait été chargée, par un acte réglementaire, d’assurer une activité de service public qui n’entrerait pas dans le champ d’application du droit de la concurrence. Le Conseil des ministres ajoute que seule cette société dispose d’un réseau d’agences sur l’ensemble du territoire bulgare, y compris dans des zones de faible densité de population.

26      La juridiction de première instance a jugé que l’article 106 du code de la sécurité sociale confère au Conseil des ministres la possibilité de choisir la société qui satisfait au mieux les besoins publics et en a déduit que le recours introduit par «EasyPay» AD et «Finance Engineering» AD devait être rejeté comme étant non fondé. Les parties ont ensuite introduit un recours en cassation devant la juridiction de renvoi.

27      C’est dans ces conditions que le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut-il considérer qu’un service postal, tel que le service de virements postaux par lequel l’expéditeur, en l’occurrence l’État, envoie des sommes d’argent au destinataire, à savoir des personnes qui ont droit à des prestations sociales, ne relève pas du champ d’application de la directive 97/67 et qu’il est, par conséquent, soumis aux dispositions des articles 106 TFUE et 107 TFUE?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, les articles 106 TFUE et 107 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une restriction à la libre concurrence dans le cadre de la prestation d’un service postal tel que celui décrit, lorsque cela est justifié par des raisons impérieuses concernant la garantie d’un droit constitutionnel fondamental des citoyens et la politique sociale de l’État, et lorsque, en outre, la nature du service permet de qualifier celui-ci de service d’intérêt économique général, dès lors que la rémunération que reçoit le prestataire du service représente une compensation ne dépassant pas le montant défini à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision SIEG ?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

28      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 97/67 doit être interprétée en ce sens qu’un service de virement postal par lequel l’expéditeur, en l’occurrence l’État, envoie des sommes d’argent au destinataire, par l’intermédiaire de l’opérateur en charge du service postal universel, relève du champ d’application de celle-ci.

29      Il convient de rappeler que l’article 2, point 1, de la directive 97/67 énumère de façon exhaustive les services relevant de la notion de «service postal» au sens de cette directive, lesquels consistent en la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux. En outre, le point 6 de cet article décrit de manière détaillée ce qu’il y a lieu d’entendre par «envoi postal» au sens de ladite directive.

30      Or, ni l’article 2 ni aucune autre disposition de la directive 97/67 ne mentionne les services financiers, y compris ceux fournis à titre additionnel par les prestataires de services postaux (voir, en ce sens, arrêt Asempre et Asociación Nacional de Empresas de Externalización y Gestión de Envíos y Pequeña Paquetería, C-240/02, EU:C:2004:140, point 31).

31      Il y a également lieu de préciser que, compte tenu du caractère précis et limitatif de cette disposition de la directive 97/67, une interprétation extensive de celle-ci, qui aurait pour conséquence d’étendre le champ d’application de cette directive à des situations non couvertes par cette dernière, ne saurait être retenue (voir, en ce sens, arrêt Asempre et Asociación Nacional de Empresas de Externalización y Gestión de Envíos y Pequeña Paquetería, C-240/02, EU:C:2004:140, point 32).

32      Il a ainsi été jugé que des services de virement postal qui consistent à effectuer des paiements à travers le réseau postal public en faveur de personnes physiques ou morales pour le compte et à la demande d’autrui ne sont pas couverts par le champ d’application de la directive 97/67 (voir arrêt Asempre et Asociación Nacional de Empresas de Externalización y Gestión de Envíos y Pequeña Paquetería, C-240/02, EU:C:2004:140, point 34).

33      Partant, il convient de répondre à la première question que la directive 97/67 doit être interprétée en ce sens qu’un service de virement postal par lequel l’expéditeur, en l’occurrence l’État, envoie des sommes d’argent à un destinataire, par l’intermédiaire de l’opérateur en charge du service postal universel, ne relève pas du champ d’application de cette directive.

 Sur la seconde question

34      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre octroie à une entreprise telle que celle en cause au principal le droit exclusif de procéder au versement des pensions de retraite par virement postal.

35      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions visées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soient remplies. Ainsi, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources de l’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt Libert e.a., C-197/11 et C-203/11, EU:C:2013:288, point 74 ainsi que jurisprudence citée).

36      Ainsi, aux fins de la qualification d’aide d’État, l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose notamment l’existence d’un avantage accordé à une entreprise.

37      À cet égard, dans un premier temps, il y a lieu de souligner, d’une part, qu’est une entreprise, aux fins de l’application des dispositions du droit de l’Union en matière de concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement. D’autre part, constitue une activité économique, toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (voir arrêt Compass-Datenbank, C-138/11, EU:C:2012:449, point 35).

38      Il a par ailleurs été jugé que des organismes qui concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent une fonction de caractère exclusivement social. Cette activité est, en effet, fondée sur le principe de solidarité et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et indépendantes du montant des cotisations (voir, en ce sens, arrêt Poucet et Pistre, C-159/91 et C-160/91, EU:C:1993:63, point 18).

39      Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si l’activité de virement postal, exercée par Balgarski poshti, permettant le versement des pensions de retraite en cause au principal, concourt ou non au fonctionnement du service public de la sécurité sociale et, partant, si elle doit ou non être considérée comme une activité économique relevant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

40      Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que, pour écarter la qualification d’activité économique, cette activité doit, par sa nature, son objet ainsi que les règles auxquelles elle est soumise, être indissociablement liée au système national de retraite (voir, par analogie, arrêt Aéroports de Paris/Commission, C-82/01 P, EU:C:2002:617, point 81). Ainsi, dans l’affaire en cause au principal, l’éventuel caractère dissociable de l’activité de virement postal doit être pris en considération.

41      À cet égard, il ressort notamment des articles 50, 54, paragraphe 1, et 58 du décret que les prestations de vieillesse octroyées dans le cadre du système de sécurité sociale de l’État relèvent des missions de l’Institut, qui, dans l’exercice de cette mission, fait appel à Balgarski poshti uniquement pour assurer le versement des pensions de retraite.

42      En outre, l’article 50 du décret prévoit que le paiement des pensions de retraite peut également être effectué par l’intermédiaire d’établissements bancaires. Ainsi, selon les données fournies par l’Institut au gouvernement bulgare et citées par ce dernier lors de la procédure orale, au 1er mai 2015, environ 53 % du nombre total des pensions de retraite seraient versées par virement bancaire. Dès lors, les virements postaux opérés par Balgarski poshti ne sont effectivement pas l’unique moyen de procéder au versement des pensions de retraite.

43      Ces éléments constituent un indice permettant de considérer que l’activité de virement postal par laquelle sont versées les pensions de retraite pourrait être dissociable du système national de retraite. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier la pertinence de ces éléments, notamment au regard des autres éléments de fait et de droit dont elle dispose.

44      Dans un deuxième temps, dans l’hypothèse où l’activité de virement postal permettant le versement des pensions de retraite en cause au principal serait dissociable du service public de la sécurité sociale et devrait être considérée comme une activité économique, se pose la question de savoir si la mesure par laquelle un État membre octroie à une entreprise le droit exclusif de procéder au versement des pensions de retraite par virement postal peut constituer un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

45      À cet égard, il convient de rappeler que ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE une intervention étatique considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de placer ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes (voir arrêts Libert e.a., C-197/11 et C-203/11, EU:C:2013:288, point 84, ainsi que Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, EU:C:2003:415, point 87).

46      Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280/00, EU:C:2003:415, point 88).

47      Premièrement, il ressort du point 89 de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, (C-280/00, EU:C:2003:415) que l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et que ces obligations doivent être clairement définies pour qu’une telle compensation échappe à la qualification d’aide d’État.

48      En l’occurrence, la juridiction de renvoi doit examiner si Balgarski poshti est effectivement en charge de l’exécution d’obligations de service public et si ces dernières ressortent clairement de la législation nationale en cause au principal.

49      Deuxièmement, il résulte du point 90 de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, EU:C:2003:415) qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation sont préalablement établis de façon objective et transparente.

50      À cet égard, il peut être relevé que l’article 92, paragraphe 2, du décret indique le montant de base sur le fondement duquel la compensation de l’obligation de service public est calculée.

51      De même, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, en application de la troisième condition posée au point 92 de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, EU:C:2003:415), la compensation dépasse ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par le versement par virement postal des pensions de retraite en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de cette obligation.

52      Lorsque le choix de l’entreprise en charge du service d’intérêt économique général n’a pas, comme dans l’affaire au principal, été effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, il incombe également à la juridiction de renvoi de s’assurer, conformément à la quatrième condition édictée au point 93 de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, EU:C:2003:415), que le niveau de cette compensation est déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et équipée, aurait encourus pour exécuter ses obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéficie raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

53      Dans un troisième temps, alors que la juridiction de renvoi souligne que la rémunération perçue par Balgarski poshti représente une compensation ne dépassant pas le montant défini à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision SIEG, il doit cependant être précisé que cette décision concerne les mesures constituant des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Libert e.a., C-197/11 et C-203/11, EU:C:2013:288, point 102). En effet, ce n’est que dans l’hypothèse où les critères mentionnés aux points 47 à 52 du présent arrêt ne seraient pas respectés et que les conditions d’applicabilité de l’article 107, paragraphe 1, TFUE seraient remplies que la juridiction de renvoi pourrait faire application de ladite décision afin de déterminer si la mesure en cause au principal, qualifiable d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, est compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et peut être exemptée de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

54      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des articles 11 et 12 de la décision SIEG que cette dernière abroge la décision 2005/842 et entre en vigueur le 31 janvier 2012. Comme le relève la Commission européenne, l’article 10 de la décision SIEG prévoit que les régimes d’aide octroyés avant l’entrée en vigueur de ladite décision, qui étaient compatibles avec le marché intérieur et exemptés de l’obligation de notification sur le fondement de la décision 2005/842, restent compatibles avec le marché intérieur et demeurent exemptés de l’obligation de notification préalable pendant une période supplémentaire de deux ans, soit jusqu’au 31 janvier 2014. À compter de cette date, un régime d’aide d’État doit respecter les conditions de la décision SIEG afin de pouvoir être exempté de l’obligation de notification.

55      En outre, dans la mesure où, ainsi que cela ressort du point 23 du présent arrêt, le décret est entré en vigueur au cours du mois de janvier 2000, il doit être indiqué que, selon l’article 2, paragraphe 2, de la décision SIEG, dans l’hypothèse où un prestataire de services gère un service d’intérêt économique général depuis plus de dix ans, cette décision ne s’applique que pour autant que ce prestataire a dû consentir à des investissements importants afin de pouvoir s’acquitter de son obligation de service d’intérêt économique général, une telle appréciation incombant à la juridiction nationale.

56      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où l’activité de virement postal permettant le versement des pensions de retraite constitue une activité économique, ne relève néanmoins pas de cette disposition l’octroi par un État membre du droit exclusif de procéder au versement des pensions de retraite par virement postal à une entreprise telle que celle en cause au principal, dans la mesure où ce service constitue un service d’intérêt économique général dont la compensation représente la contrepartie des prestations effectuées par cette entreprise pour exécuter son obligation de service public.

 Sur les dépens

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      La directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, doit être interprétée en ce sens qu’un service de virement postal par lequel l’expéditeur, en l’occurrence l’État, envoie des sommes d’argent à un destinataire, par l’intermédiaire de l’opérateur en charge du service postal universel, ne relève pas du champ d’application de cette directive.

2)      L’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où l’activité de virement postal permettant le versement des pensions de retraite constitue une activité économique, ne relève néanmoins pas de cette disposition l’octroi par un État membre du droit exclusif de procéder au versement des pensions de retraite par virement postal à une entreprise telle que celle en cause au principal, dans la mesure où ce service constitue un service d’intérêt économique général dont la compensation représente la contrepartie des prestations effectuées par cette entreprise pour exécuter son obligation de service public.

Signatures


* Langue de procédure: le bulgare.