ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
23 décembre 2015 (*)
«Taxe sur la valeur ajoutée – Fait générateur et exigibilité – Transport aérien – Billet acheté mais non utilisé – Exécution de la prestation de transport – Délivrance du billet – Moment du versement de la taxe»
Dans les affaires jointes C-250/14 et C-289/14,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Conseil d’État (France), par décisions du 21 mai 2014, parvenues respectivement à la Cour le 26 mai 2014 et le 12 juin 2014, dans les procédures
Air France-KLM, anciennement Air France (C-250/14),
Hop!-Brit Air SAS, anciennement Brit Air (C-289/14)
contre
Ministère des Finances et des Comptes publics,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. F. Biltgen, A. Borg Barthet (rapporteur), E. Levits et S. Rodin, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour Air France-KLM et Hop!-Brit Air SAS, par Me A. Beetschen, avocate,
– pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et J.-S. Pilczer ainsi que par Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,
– pour l’Irlande, par Mmes E. Creedon et J. Quaney ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme A. Keirse, BL,
– pour le gouvernement grec, par Mmes K. Nasopoulou et S. Lekkou, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et R. Campos Laires ainsi que par Mme A. Cunha, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes C. Soulay et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999 (JO L 162, p. 63, ci-après la «sixième directive»), puis par la directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001 (JO L 15, p. 24, ci-après la «sixième directive modifiée»).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, Air France-KLM, anciennement Air France, et, d’autre part, Hop!-Brit Air SAS, anciennement Brit Air, au ministère des Finances et des Comptes publics au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’un titre de transport non utilisé et des sommes versées par une compagnie de transport aérien à une entreprise de même nature en contrepartie de la vente de billets de transport non utilisés.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
4 L’article 10 de la sixième directive prévoyait:
«1. Sont considérés comme:
a) fait générateur de la taxe: le fait par lequel sont réalisées les conditions légales, nécessaires pour l’exigibilité de la taxe;
b) exigibilité de la taxe: le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.
2. Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. [...]
Toutefois, en cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement à concurrence du montant encaissé.
Par dérogation aux dispositions ci-dessus, les États membres ont la faculté de prévoir que la taxe devient exigible pour certaines opérations ou certaines catégories d’assujettis:
– soit au plus tard lors de la délivrance de la facture ou du document en tenant lieu,
– soit au plus tard lors de l’encaissement du prix,
– soit, en cas de non-délivrance ou de délivrance tardive de la facture ou du document en tenant lieu, dans un délai déterminé à compter de la date du fait générateur.
[...]»
5 À l’article 10, paragraphe 2, troisième alinéa, premier et troisième tirets, de la sixième directive modifiée, la référence au document tenant lieu de facture avait été supprimée. Cette disposition ne faisait ainsi plus référence qu’à la délivrance de la facture.
6 L’article 11 de la sixième directive et de la sixième directive modifiée, relatif à la base d’imposition disposait:
«A. À l’intérieur du pays
1. La base d’imposition est constituée:
a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), partout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;
[...]»
Le droit français
7 Aux termes de l’article 256, point I, du code général des impôts (ci-après le «CGI»):
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.»
8 Aux termes de l’article 269 du CGI:
«1. Le fait générateur de la taxe se produit:
a) au moment où la livraison, l’acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectuée;
[...]
2. La taxe est exigible:
[...]
c) pour les prestations de services, lors de l’encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération.»
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C-250/14
9 Air France-KLM, qui est venue aux droits d’Air France en 2004, est une société établie en France exerçant une activité de transport aérien. Dans le cadre de cette activité, Air France-KLM effectue des services de transport aérien de passagers à l’intérieur du territoire français. Ces vols intérieurs étant soumis à la TVA, les billets d’avion afférents à ceux-ci sont vendus à des prix incluant cette taxe.
10 À compter de l’année 1999, Air France n’a plus versé au Trésor la TVA perçue sur le prix de vente des billets émis qui n’ont pas été utilisés par les passagers de ses vols intérieurs. Il s’agit, d’une part, des billets périmés non échangeables, en raison du fait que les passagers ne se sont pas présentés à l’embarquement, ainsi que, d’autre part, des billets périmés échangeables qui n’ont pas été utilisés dans le délai de leur validité.
11 À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que les sommes afférentes à ces «billets émis et non utilisés» auraient dû être soumises à la TVA au taux réduit de 5,5 % applicable aux prestations domestiques de transport aérien de voyageurs. En conséquence, elle a notifié à Air France-KLM des rappels de TVA portant sur la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003 pour un montant de 4 066 607 euros, assortis d’intérêts de retard pour un montant de 1 226 584 euros.
12 Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 9 juin 2011, rejeté la demande introduite par Air France-KLM tendant à la décharge de ces rappels de TVA. La cour administrative d’appel de Versailles a, par un arrêt du 13 novembre 2012, confirmé ce jugement et a considéré que, conformément aux dispositions des articles 256 et 269 du CGI, lus en combinaison avec l’article 1234 du code civil, les sommes conservées à la suite de l’inexécution définitive de la prestation de transport devaient être soumises à la TVA. Air France-KLM a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
13 Le Conseil d’État, éprouvant des doutes quant à l’assujettissement à la TVA d’un titre de transport non utilisé, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les dispositions des articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la [sixième directive et de la sixième directive modifiée] doivent-elles être interprétées en ce sens que la délivrance du billet peut être assimilée à l’exécution effective de la prestation de transport et que les sommes conservées par une compagnie aérienne lorsque le titulaire du billet d’avion n’a pas utilisé son billet et que celui-ci est devenu périmé sont soumises à la TVA?
2) Dans cette hypothèse, la taxe collectée doit-elle être reversée au Trésor dès l’encaissement du prix, alors même que le voyage peut ne pas avoir lieu du fait du client?»
L’affaire C-289/14
14 Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-289/14, que Brit Air, devenue Hop!-Brit Air SAS, effectuait des services de transport aérien de passagers dans le cadre d’un contrat de franchise conclu avec Air France-KLM. Cette dernière était chargée de la commercialisation et de la gestion de la billetterie pour les lignes exploitées en franchise par Brit Air.
15 Air France-KLM percevait le prix des billets puis le reversait à Brit Air pour chaque passager transporté. Au titre des billets vendus mais non utilisés, en raison de l’absence du passager au moment de l’embarquement ou de l’expiration de validité du billet, Air France-KLM versait à Brit Air une compensation forfaitaire annuelle calculée en un pourcentage (2 %) du chiffre d’affaires annuel (TVA incluse) réalisé sur les lignes exploitées en franchise. Brit Air ne soumettait pas cette somme à la TVA.
16 À la suite d’une vérification de comptabilité de Brit Air, les autorités fiscales lui ont notifié, pour la période comprise entre le 1er avril 2001 et le 31 août 2005, des rappels de TVA portant sur les sommes correspondant aux billets non utilisés qu’elle avait reçues d’Air France.
17 Le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 24 juin 2010, rejeté la demande introduite par Brit Air, tendant à la décharge de ces rappels de TVA. Brit Air a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Versailles. L’arrêt rendu par celle-ci le 13 novembre 2012 ayant confirmé le jugement attaqué, Brit Air s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
18 Le Conseil d’État, éprouvant des doutes quant à l’assujettissement à la TVA des sommes versées par une compagnie de transport aérien à une entreprise de même nature en contrepartie de la vente de billets de transport non utilisés, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les dispositions des articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la [sixième directive et de la sixième directive modifiée] doivent-elles être interprétées en ce sens que la somme forfaitaire calculée en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur les lignes exploitées en franchise et reversée par une compagnie aérienne qui a émis pour le compte d’une autre des billets qui deviennent périmés constitue une indemnité non imposable versée à cette dernière, réparant le préjudice indemnisable subi du fait de la vaine mobilisation par celle-ci de ses moyens de transport ou une somme correspondant aux recettes des billets émis et périmés?
2) Dans le cas où cette somme serait réputée correspondre au prix des billets émis et périmés, ces dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que la délivrance du billet peut être assimilée à l’exécution effective de la prestation de transport et que les sommes conservées par une compagnie aérienne lorsque le titulaire du billet d’avion n’a pas utilisé son billet et que celui-ci est devenu périmé sont soumises à la TVA?
3) Dans cette hypothèse, la taxe collectée doit-elle être reversée au Trésor par Air France ou par Brit Air dès l’encaissement du prix, alors même que le voyage peut ne pas avoir lieu du fait du client?»
19 Par décision du président de la Cour du 10 juillet 2014, les affaires C-250/14 et C-289/14 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question posée dans l’affaire C-250/14 et sur la deuxième question posée dans l’affaire C-289/14
20 Par la première question posée dans l’affaire C-250/14 et la deuxième question posée dans l’affaire C-289/14, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que la délivrance par une compagnie aérienne de billets est soumise à la TVA, lorsque ces billets n’ont pas été utilisés par les passagers et que ces derniers ne peuvent en obtenir le remboursement.
21 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée, «sont soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».
22 Selon une jurisprudence constante, une prestation de services n’est effectuée «à titre onéreux», au sens de cette disposition, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (arrêt Tolsma, C-16/93, EU:C:1994:80, point 14).
23 Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant une contrepartie effective d’un service individualisable fourni dans le cadre d’un tel rapport juridique (arrêt Société thermale d’Eugénie-les-Bains, C-277/05, EU:C:2007:440, point 19 et jurisprudence citée).
24 Il ressort en outre de l’article 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée que le fait générateur de la taxe prévue à l’article 2, point 1, de ces directives n’est réalisé qu’au moment où la prestation de services est effectuée.
25 De ces éléments, il résulte qu’une prestation de services, tel le transport aérien de passager, est soumise à la TVA dès lors que, d’une part, la somme versée par un passager à une compagnie aérienne, dans le cadre du rapport juridique matérialisé par le contrat de transport, est directement liée à un service individualisable dont elle en constitue la rémunération et, d’autre part, que ledit service est effectué.
26 À cet égard, la Cour a précisé que les services dont la fourniture correspond à l’exécution des obligations découlant d’un contrat de transport aérien de personnes sont l’enregistrement ainsi que l’embarquement des passagers et l’accueil de ces derniers à bord de l’avion au lieu de décollage convenu dans le contrat de transport en cause, le départ de l’appareil à l’heure prévue, le transport des passagers et de leurs bagages du lieu de départ au lieu d’arrivée, la prise en charge des passagers pendant le vol et, enfin, le débarquement de ceux-ci, dans des conditions de sécurité, au lieu d’atterrissage et à l’heure convenus dans ce contrat (voir arrêt Rehder, C-204/08, EU:C:2009:439, point 40).
27 Toutefois, la réalisation de ces prestations n’est possible qu’à la condition que le passager de la compagnie aérienne se présente à la date et au lieu de l’embarquement prévus, ladite compagnie lui réservant le droit d’en profiter jusqu’à l’heure de l’embarquement dans les circonstances précisées par le contrat de transport conclu lors de l’achat du billet.
28 Partant, la contre-valeur du prix versé lors de l’achat du billet est constituée par le droit qu’en tire le passager de bénéficier de l’exécution des obligations découlant du contrat de transport, indépendamment du fait que le passager mette en œuvre ce droit, la compagnie aérienne réalisant la prestation dès lors qu’elle met le passager en mesure de bénéficier de ces prestations.
29 Ce faisant, les requérantes au principal ne sauraient faire valoir que le prix payé par le passager défaillant et conservé par la compagnie constitue une indemnité contractuelle qui, parce qu’elle vise à réparer un préjudice subi par la compagnie, n’est pas soumise à la TVA.
30 En effet, premièrement, une telle interprétation modifierait la nature de la contrepartie versée par le passager, laquelle deviendrait une indemnité contractuelle dès lors que ce dernier n’aurait pas utilisé le service individualisable proposé par la compagnie aérienne.
31 Or, la notion de «prestations de services», au sens de la sixième directive et de la sixième directive modifiée, doit être interprétée indépendamment des buts et des résultats des opérations concernées et sans que l’administration fiscale soit obligée de procéder à des enquêtes en vue de déterminer l’intention de l’assujetti, eu égard à son caractère objectif (voir arrêt Newey, C-653/11, EU:C:2013:409, point 41 et jurisprudence citée).
32 Deuxièmement, une telle modification de la qualification du prix payé par le passager pour le billet selon que ce dernier se présente ou non à l’embarquement entraînerait une divergence entre le montant du préjudice allégué par la compagnie aérienne du fait de l’absence du passager défaillant et le montant versé lors de l’achat du billet. Ainsi, dans le cas où le passager se présente lors de l’embarquement, le montant de la prestation correspond au prix du billet hors TVA alors que le montant de l’indemnité alléguée par les requérantes au principal correspondrait à ce prix majoré du montant de la TVA qui aurait été exigible. Or, il n’existe aucun élément justifiant que le montant de l’indemnité serait supérieur au prix payé par le passager.
33 Troisièmement, les requérantes au principal ne sauraient non plus se fonder sur la jurisprudence de la Cour relative à la non-soumission à la TVA des sommes versées au titre d’arrhes. En effet, dans le cas des affaires au principal, d’une part, le prix payé par le passager défaillant correspond à l’intégralité du prix à payer. D’autre part, dès lors que le passager a payé le prix du billet et que la compagnie aérienne confirme qu’une place lui est réservée, la vente est ferme et définitive. De plus, il convient d’observer que les compagnies aériennes se réservent le droit de revendre le service non utilisé à un autre passager, sans être tenues d’en rembourser le prix au passager initial. Il en résulte que l’octroi d’une indemnité serait, en l’absence de préjudice, dépourvu de justification.
34 Il convient donc de constater que le montant conservé par les compagnies aériennes ne vise pas à indemniser un préjudice qu’elles auraient subi du fait de la défaillance d’un passager, mais constitue bien une rémunération, et ce même si le passager n’a pas bénéficié du transport.
35 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C-250/14 et à la deuxième question dans l’affaire C-289/14 que les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que la délivrance par une compagnie aérienne de billets est soumise à la TVA, lorsque les billets émis n’ont pas été utilisés par les passagers et que ces derniers ne peuvent en obtenir le remboursement.
Sur la seconde question posée dans l’affaire C-250/14 et la troisième question posée dans l’affaire C-289/14
36 Par la seconde question posée dans l’affaire C-250/14 et la troisième question posée dans l’affaire C-289/14, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que la TVA acquittée au moment de l’achat du billet d’avion par le passager qui ne l’a pas utilisé devient exigible au moment de l’encaissement du prix du billet par la compagnie aérienne ou par un tiers en son nom.
37 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée, le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée.
38 Toutefois, en premier lieu, l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée prévoit une dérogation à cette règle dans le cas où des acomptes sont versés avant que la prestation de services ne soit effectuée. Dans ce cas, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé (voir, en ce sens, arrêt Orfey Balgaria, C-549/11, EU:C:2012:832, point 27, et ordonnance Sani treyd, C-153/12, EU:C:2013:201, point 24).
39 En outre, la Cour a jugé que, pour que la TVA soit exigible sans que la prestation ait encore été effectuée, il faut et il suffit que tous les éléments pertinents du fait générateur, c’est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision (voir arrêt Orfey Balgaria, C-549/11, EU:C:2012:832, points 28 et 39, ainsi que ordonnance Sani treyd, C-153/12, EU:C:2013:201, points 25 et 33).
40 Il y a lieu de constater que, dans les affaires au principal, les conditions pour l’application de l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée sont susceptibles d’être réunies pour autant que l’ensemble des éléments de la future prestation de transport sont déjà connus et identifiés avec précision au moment de l’achat du billet.
41 Le caractère intégral et non partiel du paiement du prix n’est pas susceptible de remettre en cause une telle interprétation (voir, en ce sens, arrêts Orfey Balgaria, C-549/11, EU:C:2012:832, point 37; Efir, C-19/12, EU:C:2013:148, point 39, ainsi que ordonnance Sani treyd, C-153/12, EU:C:2013:201, point 32).
42 En second lieu, il importe de rappeler, ainsi qu’il résulte des points 27 et suivants du présent arrêt, que, dans l’hypothèse d’un passager défaillant, la compagnie aérienne qui vend un billet de transport remplit ses obligations contractuelles dès lors qu’elle met le passager en mesure de faire valoir ses droits aux prestations prévues par le contrat de transport.
43 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question dans l’affaire C-250/14 et à la troisième question dans l’affaire C-289/14 que les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que la TVA acquittée au moment de l’achat du billet d’avion par le passager qui n’a pas utilisé son billet devient exigible au moment de l’encaissement du prix du billet, que ce soit par la compagnie aérienne elle-même, par un tiers agissant en son nom et pour son compte, ou par un tiers agissant en son nom propre, mais pour le compte de la compagnie aérienne.
Sur la première question dans l’affaire C-289/14
44 Par la première question dans l’affaire C-289/14, la juridiction de renvoi souhaite savoir en substance si les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un tiers commercialise les billets d’une compagnie aérienne pour le compte de celle-ci dans le cadre d’un contrat de franchise et lui verse, au titre des billets émis et périmés, une somme forfaitaire calculée en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur les lignes aériennes correspondantes, ladite somme forfaitaire constitue une somme imposable au titre de contrepartie desdits billets.
45 Il convient de constater que, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive et de la sixième directive modifiée, le redevable de la TVA due sur le prix du billet vendu est la compagnie aérienne qui effectue le service de transport.
46 Ainsi qu’il ressort de la réponse donnée aux questions précédentes, le prix du billet payé par le passager constitue la contrepartie du service de transport offert par la compagnie aérienne et ce prix est, à ce titre, soumis à la TVA. Par ailleurs, cette taxe est exigible au moment de l’encaissement du prix du billet, et ce même si le passager n’effectue pas le vol.
47 Si la juridiction de renvoi considère qu’Air France-KLM agissait au nom et pour le compte de Brit Air lors de la commercialisation des billets, il incombait à Brit Air de verser la TVA sur les billets. En revanche, si elle estime qu’Air France-KLM agissait en son propre nom, mais pour le compte de Brit Air, deux opérations se succèdent, qui n’auront toutefois aucune influence sur le montant final de la TVA, dans la mesure où les montants sont identiques, chacune des sociétés devant faire sa propre déclaration incluant la TVA perçue et répercutée.
48 Quant à la somme forfaitaire versée par Air France-KLM à Brit Air au titre des billets vendus devenus périmés, il convient d’abord de constater que, contrairement à ce qui est soutenue par Brit Air, la somme que cette dernière percevait d’Air France-KLM ne peut être regardée comme correspondant à une indemnité compensatrice acquittée par Air France-KLM au titre d’un préjudice subi par Brit Air.
49 À cet égard, il convient de rappeler, s’agissant desdits billets émis et non utilisés, que la compagnie aérienne ne subit aucun préjudice qui résulterait du fait que le passager défaillant ne se présente pas à l’embarquement. Ce passager acquitte le prix du service de transport au moment de l’achat du billet. Brit Air réalisait la prestation à laquelle elle s’était engagée par le seul fait que le passager disposait du droit de bénéficier de l’exécution des obligations découlant du contrat de transport aérien de personnes. L’absence de droit au remboursement du prix du billet témoigne de ce que la compagnie aérienne n’a subi aucun préjudice.
50 Il s’ensuit que le prix du billet conservé par la compagnie ne vise pas à indemniser un éventuel préjudice subi par la compagnie du fait de la défaillance d’un client, mais constitue bien la rémunération du service de transport que la compagnie offre au client, et ce même si ce dernier n’utilise pas le service.
51 Dans ces conditions, la somme forfaitaire versée par Air France-KLM a Brit Air au titre des billets vendus et devenus périmés, calculée en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur les lignes aériennes correspondantes, ne saurait être considérée comme ayant été établie entre les parties aux fins de compenser un préjudice subi par Brit Air. Au contraire, il apparaît que cette somme, contractuellement fixée entre les parties, correspond à la valeur attribuée par les deux sociétés concernées aux billets émis en vue de fournir un service de transport et non utilisés par les acheteurs. Ainsi, la somme forfaitaire versée par Air France-KLM à Brit Air est la rétribution perçue par cette dernière société en contrepartie de billets qui ont été émis par Air France-KLM pour son compte, mais qui n’ont pas été utilisés par les acheteurs. Il existe donc un lien direct entre la prestation de services fournie et la rémunération perçue à ce titre.
52 Au regard de ce qui précède, il convient de répondre à la première question posée dans l’affaire C-289/14 que les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive et de la sixième directive modifiée doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un tiers commercialise les billets d’une compagnie aérienne pour le compte de celle-ci dans le cadre d’un contrat de franchise et lui verse, au titre des billets émis et périmés, une somme forfaitaire calculée en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur les lignes aériennes correspondantes, cette somme constitue une somme imposable au titre de contrepartie desdits billets.
Sur les dépens
53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
1) Les articles 2, paragraphe 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, puis par la directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001, doivent être interprétés en ce sens que la délivrance par une compagnie aérienne de billets est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque les billets émis n’ont pas été utilisés par les passagers et que ces derniers ne peuvent en obtenir le remboursement.
2) Les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, premier et deuxième alinéas, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 1999/59, puis par la directive 2001/115, doivent être interprétés en ce sens que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au moment de l’achat du billet d’avion par le passager qui n’a pas utilisé son billet devient exigible au moment de l’encaissement du prix du billet, que ce soit par la compagnie aérienne elle-même, par un tiers agissant en son nom et pour son compte, ou par un tiers agissant en son nom propre, mais pour le compte de la compagnie aérienne.
3) Les articles 2, point 1, et 10, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 1999/59, puis par la directive 2001/115, doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un tiers commercialise les billets d’une compagnie aérienne pour le compte de celle-ci dans le cadre d’un contrat de franchise et lui verse, au titre des billets émis et périmés, une somme forfaitaire calculée en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé sur les lignes aériennes correspondantes, cette somme constitue une somme imposable au titre de contrepartie desdits billets.
Signatures
* Langue de procédure: le français.