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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 juin 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Article 63 TFUE – Imposition de revenus de fonds de pension – Différence de traitement entre les fonds de pension résidents et les fonds de pension non-résidents – Imposition forfaitaire des fonds de pension résidents sur la base d’un rendement fictif – Retenue à la source appliquée aux revenus issus de dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents – Comparabilité »

Dans l’affaire C-252/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour administrative suprême, Suède), par décision du 20 mai 2014, parvenue à la Cour le 23 mai 2014, dans la procédure

Pensioenfonds Metaal en Techniek

contre

Skatteverket,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. F. Biltgen, E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mai 2015,

considérant les observations présentées :

–        pour Pensioenfonds Metaal en Techniek, par M. F. Boulogne et Me G. Andersson, advokat,

–        pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, U. Persson, N. Otte Widgren et K. Sparrman ainsi que par MM. L. Swedenborg, E. Karlsson et F. Sjövall, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. J. Enegren et W. Roels ainsi que par Mme C. Tufvesson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pensioenfonds Metaal en Techniek (ci-après le « PMT »), un fonds de pension établi aux Pays-Bas, au Skatteverket (administration fiscale) au sujet de l’impôt sur les dividendes payé en Suède par celui-ci durant la période 2002-2006.

 Le cadre juridique suédois

 La réglementation relative aux fonds de pension

3        L’article 9 de la lagen (1967:531) om tryggande av pensionsutfästelse m. m. [loi (1967:531) sur la garantie des promesses de pensions et autres considérations, ci-après la « loi sur la garantie des promesses de pensions »] définit un fonds de pension comme un fonds créé par des employeurs dans le but exclusif de garantir les promesses de pensions aux travailleurs ou à leurs ayants-droit survivants.

4        Conformément à l’article 12 de ladite loi, les fonds de pension ont l’interdiction formelle de s’engager à verser des pensions et ne procèdent pas non plus au paiement de pensions de retraite. La mission d’un fonds de pension est uniquement de gérer le capital que l’employeur lui verse et de garantir que les promesses de pension de ce dernier pourront être respectées.

5        Les engagements des fonds de pension de garantir les promesses de pension faites par les employeurs sont des engagements à long terme. En vertu de l’article 10 a de la loi sur la garantie des promesses de pensions, les avoirs du fonds de pension doivent être placés de manière à permettre une bonne diversification des risques afin de gérer au mieux et avec prudence les intérêts de ceux qui relèvent de l’institution. Les fonds de pension doivent suivre les directives de placement conformes aux exigences prévues par les dispositions et les orientations générales de l’Inspection nationale des institutions financières concernant les directives d’investissement et les analyses d’impact des institutions exerçant des activités de fourniture de retraite professionnelle (Finansinspektionens föreskrifter och allmänna råd om placeringsriktlinjer och konsekvensanalys för institut som driver tjänstepensionsverksamhet, FFF 2011:16).

6        Les fonds de pension font partie des modalités choisies par le Royaume de Suède pour concevoir et garantir le régime des pensions de retraite. Aux fins de garantir les promesses de pension, il est également possible de souscrire une assurance-vie ou d’inscrire des provisions au bilan et d’y associer une garantie de crédit ou une caution d’une commune ou de l’État.

 L’imposition des fonds de pension résidents

7        Les personnes morales assujetties de manière illimitée en Suède sont redevables de l’impôt sur le revenu en vertu de l’inkomstskattelagen (1999:1229) [loi (1999:1229) relative à l’impôt sur le revenu, ci-après la « loi sur l’impôt sur le revenu »], qui porte, notamment, sur les gains en capital, les dividendes et les intérêts.

8        En vertu de l’article 2, paragraphe 2, premier alinéa, point 3, du chapitre 7 de la loi sur l’impôt sur le revenu, les fonds de pension sont toutefois exonérés intégralement de l’obligation fiscale prévue par cette loi. Ladite loi renvoie, à cet égard, aux dispositions relatives à l’impôt sur le revenu des capitaux figurant dans la lagen (1990:661) om avkastningsskatt på pensionsmedel [loi (1990:661) sur l’imposition des fonds de placement de pensions, ci-après la « loi sur l’imposition des fonds de placement de pensions »].

9        En vertu de l’article 2 de la loi sur l’imposition des fonds de placement de pensions, les fonds de pension suédois ainsi que les entreprises d’assurance-vie doivent acquitter l’impôt sur le revenu des capitaux qui est un impôt à taux fixe visant à imposer le rendement courant de l’épargne retraite et dont l’assiette est calculée en deux étapes conformément aux articles 3 à 8 de ladite loi.

10      En premier lieu, il convient de calculer l’assise financière, qui est constituée par la valeur en début d’année des actifs du fonds de pension minorée des dettes existant à la même date. Selon le gouvernement suédois, un fonds de pension ne peut, en vertu de l’article 11, paragraphe 4, de la loi sur la garantie des promesses de pensions, contracter un prêt qu’à la seule fin de satisfaire à ses besoins temporaires de liquidités, et ce uniquement à la condition que le montant de l’emprunt soit d’une importance faible par rapport à la taille de l’institution de pension.

11      En second lieu, le rendement forfaitaire de ce capital, à savoir l’assiette de l’imposition, est déterminé en multipliant l’assise financière par le rendement moyen des obligations d’État pour l’année civile qui précède immédiatement l’exercice fiscal. En vertu de l’article 9 de la loi sur l’imposition des fonds de placement de pensions, l’impôt sur le revenu des capitaux est fixé à un taux de 15 % sur l’assiette ainsi obtenue.

12      Cet impôt sur le revenu des capitaux s’applique aux fonds de pension et aux entreprises d’assurance-vie suédois ainsi qu’aux entreprises d’assurance-vie et aux institutions de retraite professionnelle étrangères disposant d’un établissement stable en Suède et a pour objectif, selon la juridiction de renvoi, d’obtenir une imposition forfaitaire uniforme de toutes les formes d’épargne pension. Cette méthode est utilisée à la fois pour l’impôt sur le revenu des capitaux de l’épargne retraite individuelle et sur celui des assurances pensions, de l’assurance-vie en capital et des autres formes de capital de retraite.

 L’imposition des fonds de pension non-résidents

13      Les personnes morales étrangères qui perçoivent des dividendes d’actions de sociétés anonymes suédoises ou de parts dans des fonds d’investissement suédois doivent acquitter en Suède une retenue à la source sur les dividendes en vertu des articles 1er et 4 de la kupongskattelagen (1970:624) [loi (1970 :624) relative à l’impôt sur les dividendes, ci-après la « loi relative à l’impôt sur les dividendes »].

14      En vertu de l’article 5 de la loi relative à l’impôt sur les dividendes, l’impôt sur les dividendes est fixé au taux de 30 % du montant des dividendes distribués. En vertu de la convention fiscale entre le Royaume de Suède et le Royaume des Pays-Bas, le taux d’imposition des dividendes distribués entre ces deux États membres ne doit toutefois pas excéder 15 % de leur montant brut.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      Durant la période 2002-2006, PMT a perçu de sociétés anonymes suédoises des dividendes sur lesquels a été appliquée une retenue à la source de 15 %, correspondant à un montant total de 20 957 836 couronnes suédoises (SEK) (environ 2 262 861 euros).

16      Au mois de décembre 2007, PMT a demandé à l’administration fiscale suédoise le remboursement du montant de l’impôt sur les dividendes mis à charge, au motif que le prélèvement de cet impôt était contraire aux règles de l’Union relatives à la libre circulation des capitaux. PMT a fait valoir qu’il devait être assimilé à un fonds imposé conformément à la loi sur l’imposition des fonds de placement de pensions et, à ce titre, bénéficier d’une imposition plus favorable. Il a soutenu que la différence d’imposition qui résulte de l’application de la loi sur l’imposition des fonds de placement de pensions et de la loi relative à l’impôt sur les dividendes n’était pas justifiée.

17      L’administration fiscale suédoise ayant rejeté la demande de PMT, celui-ci a introduit un recours devant le Länsrätten i Dalarnas län (tribunal administratif départemental de Dalécarlie, Suède) qui a également été rejeté.

18      À la suite de l’appel interjeté par PMT, le Kammarrätten i Sundsvall (cour administrative d’appel de Sundsvall, Suède) a jugé, d’une part, qu’il n’avait pas été démontré que PMT avait été imposé défavorablement par rapport aux fonds de pension suédois équivalents, et, d’autre part, qu’il n’avait pas non plus été établi que les différents régimes d’imposition étaient discriminatoires.

19      PMT s’est pourvu en cassation devant le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour administrative suprême, Suède) en faisant valoir que l’économie de la réglementation nationale en matière d’imposition des fonds de pension est discriminatoire. L’impôt sur le revenu des capitaux remplacerait non seulement l’impôt sur les dividendes, mais également l’impôt sur les gains de cessions et sur les intérêts, et l’imposition des dividendes versés aux fonds de pension suédois serait considérablement inférieure au prélèvement formel de l’impôt sur le revenu des capitaux. Les fonds de pension étrangers faisant l’objet d’une imposition brute sous la forme d’un impôt sur les dividendes directement perçu au moment de la distribution des dividendes, ils ne pourraient pas non plus bénéficier de l’écrêtement dans le temps, recherché par la méthode forfaitaire.

20      En outre, le calcul de l’impôt sur le revenu des capitaux applicable aux fonds de pension résidents permettrait la déduction des passifs financiers, tandis que la retenue à la source de l’impôt applicable aux fonds de pension actionnaires non-résidents ne le permettrait pas.

21      Enfin, alors que la retenue à la source de l’impôt aurait lieu au moment de la distribution des dividendes, l’impôt sur le revenu des capitaux serait, quant à lui, calculé et perçu l’année qui suit la distribution des dividendes, ce qui entraînerait un désavantage de trésorerie pour les fonds de pension non-résidents.

22      L’administration fiscale suédoise estime que le régime fiscal national prévoit deux modalités d’imposition différentes et ne donne lieu à aucune discrimination. L’imposition effective des dividendes versés aux fonds de pension résidents correspondrait à la retenue à la source prélevée en vertu des conventions fiscales sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents. Le régime applicable aux fonds de pension non-résidents pourrait en outre se révéler plus avantageux, d’une part, en raison de l’évolution du rendement des obligations de l’État et, d’autre part, au motif que l’imposition n’interviendrait que lorsque la distribution des dividendes a eu lieu, alors que les fonds de pension résidents acquitteraient l’impôt sur le revenu des capitaux annuellement. Les frais que les fonds de pension résidents pourraient éventuellement déduire au titre de la prise en compte de leurs dettes dans le calcul de l’assise financière ne se rapporteraient pas aux dividendes perçus et il n’existerait aucune charge directement liée aux dividendes du capital investi en Suède. Les fonds de pension résidents acquitteraient de manière anticipée un impôt mensuel sur les bénéfices à titre d’acompte et ne bénéficieraient, de ce fait, d’aucun avantage de trésorerie.

23      La juridiction de renvoi confirme que le régime d’imposition appliqué aux fonds de pension dépend de la qualité de résident sur le territoire national de ces derniers et que le taux d’imposition nominal en cause dans l’affaire pendante devant elle est de 15 % tant pour l’impôt sur le revenu des capitaux que pour l’impôt sur les dividendes.

24      Cette juridiction précise également que l’impôt sur le revenu des capitaux repose sur un rendement fictif. Cela impliquerait que, eu égard à la méthode de calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu des capitaux, l’imposition pourrait être plus avantageuse certaines années pour les actionnaires résidents, alors que d’autres années, en revanche, le résultat d’imposition de ces actionnaires pourrait être désavantageux par rapport au résultat d’imposition des actionnaires non-résidents. Elle souligne que l’impôt sur le revenu des capitaux est perçu annuellement sans tenir compte de l’existence d’une distribution de dividendes. En outre, la juridiction de renvoi indique qu’il a été soutenu devant elle que l’économie de la réglementation nationale en matière d’imposition des fonds de pension était discriminatoire, notamment parce que la déduction des pertes financières était possible lors du calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu des capitaux et parce que le moment où l’impôt est perçu peut entraîner un désavantage de trésorerie pour les fonds de pensions étrangers.

25      Dans ces conditions, le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 63 TFUE fait-il obstacle à une législation nationale selon laquelle les dividendes versés par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source si l’actionnaire est un non-résident alors que, dans le cas d’un actionnaire résident, ces dividendes font l’objet d’une imposition calculée forfaitairement sur la base d’un rendement fictif qui, au fil du temps, vise à correspondre à l’imposition ordinaire de tous les revenus du capital ? »

 Sur la question préjudicielle

26      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension non-résident et, lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension résident, d’une imposition calculée forfaitairement sur la base d’un rendement fictif, visant à correspondre, au fil du temps, à l’imposition de tous les revenus du capital selon le régime du droit commun.

27      Il résulte d’une jurisprudence constante que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États (voir, notamment, arrêts du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, point 28, et du 22 novembre 2012, Commission/Allemagne, C-600/10, non publié, EU:C:2012:737, point 14).

28      Plus particulièrement, un traitement désavantageux par un État membre des dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, par rapport au traitement réservé aux dividendes versés à des fonds de pension résidents, est susceptible de dissuader les sociétés établies dans un État membre autre que ce premier État membre de procéder à des investissements dans ce même premier État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE (voir arrêts du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, point 33, et du 22 novembre 2012, Commission/Allemagne, C-600/10, non publié, EU:C:2012:737, point 15).

29      En vertu de la législation en cause au principal, les fonds de pension sont soumis, en ce qui concerne les dividendes qui leur sont distribués, à deux régimes d’imposition différents, dont l’application dépend de leur qualité de résident ou non sur le territoire de l’État membre de la société distributrice des dividendes.

30      En effet, il ressort de la décision de renvoi que seuls les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents par une société suédoise sont frappés d’une retenue à la source de 30 % de leur montant brut, ce taux pouvant toutefois être réduit en vertu d’une convention de prévention de la double imposition. Ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, les dividendes perçus par PMT ont fait l’objet d’une retenue à la source de 15 % en application d’une telle convention conclue entre le Royaume de Suède et le Royaume des Pays-Bas.

31      En revanche, les dividendes versés aux fonds de pension résidents sont soumis non pas à une telle retenue à la source, mais à l’impôt sur le revenu des capitaux, dont l’assiette fiscale est calculée en deux étapes. Dans un premier temps, est déterminée la valeur de l’ensemble des actifs existant au début de l’année d’imposition, minorée des dettes financières à la même date. Dans un second temps, cette somme nette est multipliée par le rendement moyen des obligations de l’État pour l’année civile qui précède immédiatement l’exercice fiscal en cause. Le résultat ainsi obtenu représente un rendement fictif, qui est imposé à un taux de 15 %.

32      La différence entre les deux régimes d’imposition porte, notamment, sur la méthode de calcul de l’assiette de l’impôt ainsi que sur les modalités de perception de celui-ci, le taux d’imposition nominal étant, dans le cadre des deux régimes, identique.

33      S’agissant de la question de savoir si une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, constitue une restriction à la libre circulation de capitaux, il convient de déterminer si un tel traitement différencié de l’imposition des dividendes versés aux fonds de pension selon la qualité de résident ou non de ces derniers conduit à un traitement désavantageux des fonds de pension non-résidents par rapport aux fonds de pension résidents.

34      Il incombe à la juridiction de renvoi, qui est la seule à pouvoir connaître avec précision des faits de l’affaire dont elle est saisie, d’apprécier si, s’agissant des dividendes en cause dans cette affaire, l’application à la requérante au principal de la retenue à la source de 15 % prévue par la convention bilatérale préventive de la double imposition aboutit à ce que cette requérante supporte, en définitive, une charge fiscale plus lourde en Suède que celle supportée par les fonds de pension résidents pour les dividendes de même nature (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C-10/14, C-14/14 et C-17/14, EU:C:2015:608, point 48).

35      À cet égard, les gouvernements suédois et allemand font valoir qu’une telle appréciation doit s’effectuer sur plusieurs années, qui correspondraient à un cycle économique, ce qui permettrait de démontrer, selon lesdits gouvernements, que l’imposition de ces dividendes en application de l’une ou l’autre méthode aboutit au même résultat après un cycle économique.

36      Il importe dès lors de déterminer si la juridiction de renvoi doit porter son appréciation d’un éventuel traitement désavantageux des dividendes distribués aux fonds de pension non-résidents sur une période comprenant plusieurs années, examinées ensemble, ainsi que cela est préconisé par lesdits gouvernements, ou si une telle appréciation doit s’effectuer sur une base annuelle, pour chaque année de la période litigieuse, ainsi que le fait valoir la Commission.

37      Il convient de relever, d’une part, que si, selon le gouvernement suédois, la méthode d’imposition forfaitaire vise à parvenir à une imposition uniforme de l’épargne directe et de l’épargne indirecte et à égaliser l’imposition dans le temps, il découle néanmoins du dossier dont dispose la Cour que l’impôt sur le revenu des capitaux, qui s’applique aux fonds de pension résidents, est calculé sur une base annuelle. Or, la Cour a déjà jugé que la période à retenir, aux fins de la comparaison des charges fiscales pesant sur les dividendes versés aux résidents et aux non-résidents, est celle qui est prise en compte pour les dividendes versés aux résidents (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C-10/14, C-14/14 et C-17/14, EU:C:2015:608, point 51).

38      D’autre part, la Cour a jugé, s’agissant de la liberté d’établissement, que, à supposer même que le régime fiscal d’un État membre soit le plus souvent favorable aux contribuables non-résidents, il n’empêche que, lorsque ce régime s’avère désavantageux pour lesdits contribuables, il aboutit à une inégalité de traitement par rapport aux contribuables résidents et crée ainsi une entrave à la liberté d’établissement (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2000, AMID, C-141/99, EU:C:2000:696, point 27, et du 22 mars 2007, Talotta, C-383/05, EU:C:2007:181, point 31). De même, la Cour a déjà jugé que la circonstance qu’une réglementation nationale défavorise des non-résidents ne saurait être compensée par le fait que, dans d’autres situations, cette même réglementation n’affecte pas les non-résidents par rapport aux résidents (arrêt du 18 juillet 2007, Lakebrink et Peters-Lakebrink, C-182/06, EU:C:2007:452, point 23).

39      Il découle d’une telle interprétation qu’un éventuel traitement désavantageux des dividendes versés à des fonds de pension non-résidents pendant une année fiscale ne saurait être compensé par un traitement éventuellement avantageux de ces derniers pendant d’autres années fiscales.

40      En tout état de cause, ainsi que le fait valoir la Commission sans être contredite sur ce point par le gouvernement suédois, la législation applicable ne prévoit pas de mécanisme permettant de garantir que la charge fiscale appliquée aux dividendes nationaux perçus par les fonds de pension résidents sera à terme identique à celle appliquée aux dividendes de même nature perçus par les fonds de pension non-résidents.

41      Il s’ensuit que l’appréciation de l’existence d’un éventuel traitement désavantageux des dividendes versés aux fonds de pension non–résidents doit être effectuée pour chaque exercice fiscal, pris individuellement.

42      Or, ainsi que l’admet le gouvernement suédois lui-même, au point 48 de ses observations écrites, pendant les années où le rendement effectif des actions est plus élevé que le rendement forfaitaire correspondant au rendement des obligations d’État, ce qui serait le cas, notamment, dans l’état actuel du marché, il est avantageux pour un fonds de pension non-résident de payer, à la place de l’impôt sur les dividendes, un impôt sur le rendement, tel qu’il est appliqué aux fonds de pension résidents.

43      Cette appréciation est partagée en substance par la juridiction de renvoi qui précise que, eu égard à la méthode de calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu des capitaux, le résultat d’imposition pourrait être plus avantageux certaines années pour les actionnaires résidents, tout en étant, d’autres années, plus avantageux pour les actionnaires non-résidents.

44      Dès lors que la différence de traitement instaurée par la législation fiscale d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en ce qui concerne l’imposition des dividendes versés aux fonds de pension résidents et l’imposition des dividendes de même nature versés aux fonds de pension non-résidents, est susceptible de conduire à ce que les dividendes versés à ces derniers fonds supportent une charge fiscale plus élevée par rapport à celle supportée par les fonds de pension résidents, une telle différence de traitement est susceptible de dissuader de tels fonds de pension non-résidents de procéder à des investissements dans cet État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

45      Conformément à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 63 TFUE ne porte toutefois pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

46      Cette disposition, en tant qu’elle constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État membre dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité FUE. En effet, la dérogation prévue à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE est elle-même limitée par le paragraphe 3 du même article, qui prévoit que les dispositions nationales visées audit paragraphe 1 « ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 TFUE » (arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, points 55 et 56 ainsi que jurisprudence citée).

47      Il y a lieu, dès lors, de distinguer les différences de traitement permises au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations interdites par le paragraphe 3 du même article. Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’une législation fiscale nationale, telle que celle en cause au principal, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, EU:C:2012:286, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

48      Il y a lieu de rappeler que le caractère comparable ou non d’une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examinée en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause (arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, point 36 et jurisprudence citée) ainsi que de l’objet et du contenu de ces dernières (voir arrêt du 10 mai 2012, Commission/Estonie, C-39/10, EU:C:2012:282, point 51).

49      Par ailleurs, seuls les critères de distinction pertinents établis par la législation en cause doivent être pris en compte aux fins d’apprécier si la différence de traitement résultant d’une telle législation reflète une différence de situation objective (arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, EU:C:2012:286, point 28).

50      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 29 du présent arrêt, la législation en cause au principal établit un critère de distinction fondé sur le lieu de résidence du fonds de pension bénéficiaire des dividendes, en soumettant les dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents à la retenue à la source et ceux perçus par les fonds de pension résidents à l’impôt sur le revenu des capitaux.

51      Il convient dès lors de vérifier si, au regard de l’objectif ainsi que de l’objet et du contenu de la législation en cause au principal, les fonds de pension résidents et les fonds de pension non-résidents se trouvent dans une situation comparable.

52      À cet égard, il convient de souligner que l’imposition frappant les fonds de pension résidents a un objet différent de celle appliquée aux fonds de pension non-résidents. Ainsi, alors que les premiers sont imposés sur la totalité de leurs revenus, calculés sur la base de leurs actifs minorés de leurs dettes, à laquelle est appliqué un taux de rendement forfaitaire, indépendamment de la perception effective des dividendes au cours de l’exercice fiscal concerné, les seconds sont imposés sur les dividendes perçus en Suède au cours de cet exercice.

53      En effet, dans le cadre du régime des pensions de retraite, dont font partie les fonds de pension, la législation nationale relative à l’imposition desdits fonds vise à introduire une imposition neutre et indépendante de la conjoncture de différents types d’actifs ainsi que de toutes les formes d’épargne retraite concernés.

54      Afin d’atteindre un tel objectif, l’ensemble des actifs d’un fonds de pension résident est soumis annuellement à une imposition forfaitaire, reflétant le rendement de ces actifs, indépendamment de la perception d’un revenu généré par lesdits actifs, en particulier de la perception des dividendes.

55      Une telle imposition des revenus des fonds de pension résidents est exercée par le Royaume de Suède, en sa qualité d’État de résidence de ces fonds de pension, disposant à ce titre d’un pouvoir d’imposition sur leurs revenus globaux.

56      En revanche, en ce qui concerne les fonds de pension non-résidents en Suède, cet État membre ne dispose, conformément à la convention bilatérale préventive de la double imposition conclue avec le Royaume des Pays-Bas, que d’un pouvoir d’imposition des revenus générés par les actifs de ces fonds qui se trouvent en Suède. Ainsi, le Royaume de Suède impose les dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents en sa qualité d’État de la source des dividendes.

57      Dès lors que, en vertu de cette convention, le Royaume de Suède ne dispose pas d’un pouvoir d’imposition des actifs d’un fonds de pension non-résident, tels que ceux en cause au principal, situés sur son territoire, la simple détention d’actifs en Suède ne peut en revanche pas donner lieu à une imposition dans cet État membre.

58      Ainsi, en raison du pouvoir d’imposition limité du Royaume de Suède en ce qui concerne les fonds de pension non-résidents, cet État membre ne peut pas imposer l’ensemble des actifs de ces fonds de pension.

59      Dans ces conditions, l’objectif poursuivi par la législation nationale en cause au principal consistant à appliquer une imposition neutre et indépendante de la conjoncture de différents types d’actifs ainsi que de toutes les formes d’épargne retraite concernés, qui suppose que les fonds de pension soient imposés sur l’ensemble de leurs actifs, ne peut être atteint s’agissant des fonds de pension non-résidents.

60      Cet objectif, qui suppose également que les fonds de pension soient imposés annuellement et indépendamment de la distribution de dividendes, ne saurait non plus être atteint par l’imposition des dividendes perçus par les fonds de pension non-résidents conformément à la méthode forfaitaire, en se fondant, pour calculer l’impôt dû, sur la valeur des actifs sous-jacents, dès lors que, comme cela a été exposé aux points 56 à 58 du présent arrêt, les fonds de pension non-résidents ne peuvent, en tout état de cause, être imposés que lorsque des dividendes leur sont distribués.

61      En outre, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 32 et 33 de ses conclusions, la neutralité de l’imposition au regard de la forme d’investissement, recherchée par la législation en cause au principal, suppose l’imposition de la totalité du capital investi du contribuable, quelle que soit la composition de son portefeuille d’investissement.

62      Un tel objectif ne peut pas être atteint dans le cas d’un fonds de pension non-résident soumis, en Suède, à l’imposition de ses seuls revenus ayant leur source dans cet État membre.

63      Il convient dès lors de constater que, au regard de l’objectif poursuivi par la législation nationale, ainsi que de son objet et de son contenu, un fonds de pension non-résident ne se trouve pas dans une situation comparable à celle d’un fonds de pension résident.

64      Cela étant relevé, il importe, au demeurant, de rappeler que, si l’application aux fonds de pension résidents et non-résidents de deux méthodes d’imposition différentes est en l’occurrence justifiée par la différence de situation entre ces deux catégories de contribuables, la Cour a déjà jugé que, en ce qui concerne les frais professionnels directement liés à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non-résidents de ce dernier sont placés dans une situation comparable (arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C-10/14, C-14/14 et C-17/14, EU:C:2015:608, point 57).

65      Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de vérifier si la méthode d’imposition appliquée aux fonds de pension résidents permet, par le calcul de l’assiette d’imposition desdits fonds et, en particulier, par la prise en compte de leurs dettes dans le calcul de l’assise financière, de prendre en compte d’éventuels frais professionnels directement liés à la perception des dividendes, ainsi que semble le soutenir PMT. Si tel était le cas, la prise en compte de tels frais devrait également être admise pour les fonds de pension non-résidents.

66      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question préjudicielle que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens que :

–        il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension non-résident et, lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension résident, d’une imposition calculée forfaitairement sur la base d’un rendement fictif visant à correspondre, au fil du temps, à l’imposition de tous les revenus du capital selon le régime du droit commun ;

–        il s’oppose toutefois à ce que les fonds de pension bénéficiaires non-résidents ne puissent pas prendre en compte les éventuels frais professionnels directement liés à la perception des dividendes, lorsque la méthode de calcul de l’assiette d’imposition des fonds de pension résidents prévoit une telle prise en compte, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens que :

–        il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l’objet d’une retenue à la source lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension non-résident et, lorsque ces dividendes sont versés à un fonds de pension résident, d’une imposition calculée forfaitairement sur la base d’un rendement fictif visant à correspondre, au fil du temps, à l’imposition de tous les revenus du capital selon le régime du droit commun ;

–        il s’oppose toutefois à ce que les fonds de pension bénéficiaires non-résidents ne puissent pas prendre en compte les éventuels frais professionnels directement liés à la perception des dividendes, lorsque la méthode de calcul de l’assiette d’imposition des fonds de pension résidents prévoit une telle prise en compte, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure: le suédois.