ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
15 septembre 2016 (*)
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 178, sous a) – Droit à déduction – Modalités d’exercice – Article 226, points 6 et 7 – Mentions devant obligatoirement figurer sur la facture – Étendue et nature des services rendus – Date à laquelle la prestation de services est effectuée »
Dans l’affaire C-516/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal], par décision du 3 novembre 2014, parvenue à la Cour le 17 novembre 2014, dans la procédure
Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA
contre
Autoridade Tributária e Aduaneira,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Lycourgos, E. Juhász, C. Vajda (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2016,
considérant les observations présentées :
– pour Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA, par Me P. Braz, advogado,
– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et R. Campos Laires ainsi que par Mme A. Cunha, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 février 2016,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 178, sous a), et de l’article 226, point 6, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347 p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA (ci-après « Barlis ») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration des contributions et des douanes, Portugal) au sujet du refus de cette dernière d’admettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont par Barlis en tant que destinataire de services juridiques rendus par un cabinet d’avocats, au motif que les factures émises par ce cabinet ne satisfont pas aux exigences de forme prévues par la législation nationale.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 64, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :
« Lorsqu’elles donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, les livraisons de biens, autres que celles ayant pour objet la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à tempérament d’un bien visées à l’article 14, paragraphe 2, point b), et les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent. »
4 Selon l’article 168 de cette directive :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;
[...] »
5 L’article 178 de ladite directive est libellé comme suit :
« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :
a) pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ;
[...] »
6 L’article 219 de la même directive dispose qu’est assimilé à une facture tout document ou message qui modifie la facture initiale et y fait référence de façon spécifique et non équivoque.
7 Aux termes de l’article 220 de la directive 2006/112 :
« Tout assujetti doit s’assurer qu’une facture est émise, par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, dans les cas suivants :
1) pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti ou pour une personne morale non assujettie ;
[...] »
8 L’article 226 de cette directive prévoit :
« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 :
[...]
6) la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ;
7) la date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la date à laquelle est versé l’acompte visé à l’article 220, points 4) et 5), dans la mesure où une telle date est déterminée et différente de la date d’émission de la facture ;
[...] »
9 L’article 273 de ladite directive dispose :
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.
La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »
Le droit portugais
10 Il ressort de la décision de renvoi que l’article 36, paragraphe 5, sous b), du código do IVA (code de la TVA) dispose que les factures doivent contenir la « dénomination usuelle des biens livrés ou des services fournis, avec la spécification des éléments nécessaires à la détermination du taux applicable ».
11 Ce n’est que lorsqu’une facture remplit notamment les conditions visées à cette disposition du code de la TVA qu’il existe, conformément à l’article 19, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 6, de ce même code, un droit à la déduction de la TVA mentionnée sur la facture.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Barlis, dont le siège est situé à Lisbonne (Portugal), exploite des hôtels avec restaurants.
13 Entre l’année 2008 et l’année 2010, Barlis a eu recours aux services juridiques d’une société d’avocats (ci-après les « services juridiques en question »), lesquels ont fait l’objet de quatre factures (ci-après les « factures en cause ») contenant les descriptions suivantes :
– facture n° 02170/2008 du 26 août 2008 : « services juridiques fournis entre le 1er décembre 2007 et aujourd’hui » ;
– facture n° 32100478 du 17 décembre 2008 : « honoraires pour services juridiques fournis entre juin et aujourd’hui » ;
– facture n° 32101181 du 29 avril 2009 : « honoraires pour services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », et
– facture n° 32104126 du 2 juin 2010 : « honoraires pour services juridiques fournis entre le 1er novembre 2009 et aujourd’hui ».
14 Barlis a exercé son droit à déduction de la TVA mentionnée sur ces factures.
15 À la suite d’une demande de remboursement de TVA introduite par Barlis, les autorités compétentes ont ouvert des procédures de contrôle pour les années 2008 à 2011. Au terme de ces contrôles, ces autorités ont considéré que Barlis n’avait pas le droit de déduire la TVA afférente aux services juridiques en question, au motif que les descriptions figurant sur les factures en cause, émises par les avocats de Barlis, étaient insuffisantes. Partant, ces autorités ont proposé des corrections de TVA à hauteur de 8 689,49 euros, représentant les montants de TVA déduits au titre de ces services juridiques.
16 Barlis a été informée de la possibilité d’exercer son droit à une audition préalable et a présenté des documents annexes comportant une présentation plus détaillée des services juridiques en question.
17 Les autorités compétentes ont toutefois maintenu les corrections proposées, en raison du caractère incomplet des factures en cause. Selon ces autorités, il ne peut être remédié à ce défaut de forme légale par l’ajout d’annexes attestant des éléments manquants, dès lors que celles-ci ne constituent pas des « documents équivalents » aux factures. En effet, de tels « documents équivalents » devraient, par eux-mêmes, remplir toutes les conditions requises par l’article 36, paragraphe 5, du code de la TVA, ce qui ne serait pas le cas d’une simple annexe.
18 Le 31 mai 2013, Barlis a introduit un recours gracieux contre cette décision, lequel a été rejeté par décision du 25 septembre 2013 au motif que la mention « services juridiques » sur les factures en cause ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 226, point 6, de la directive 2006/112, ni à celles des dispositions nationales mettant en œuvre cette directive, dès lors que cette mention ne détaillait ni les services qui ont été fournis ni les quantités unitaires ou totales de ceux-ci.
19 À la suite du rejet de son recours gracieux, Barlis a demandé, le 30 décembre 2013, la constitution d’un tribunal arbitral à juge unique.
20 Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [Tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal] relève qu’il lui appartient de déterminer si les mentions figurant sur les factures en cause remplissent les conditions requises par l’article 36, paragraphe 5, sous b), du code de la TVA, selon lequel les factures doivent contenir la « dénomination usuelle des biens livrés ou des services fournis, avec la spécification des éléments nécessaires à la détermination du taux applicable ».
21 Cette juridiction observe néanmoins que l’interprétation de la législation nationale doit être conforme à l’article 226 de la directive 2006/112, lequel énumère de manière limitative les mentions devant figurer sur les factures émises aux fins de la TVA, au titre desquelles figurent, au point 6 de cette disposition, la « quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ».
22 Dans ces conditions, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [Tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Dans le cadre d’une interprétation correcte de l’article 226, point 6, de la directive [2006/112], [l’administration des contributions et des douanes] [...] peut-elle juger insuffisant le contenu d’une facture qui comporte la mention “services juridiques fournis depuis une certaine date jusqu’à aujourd’hui” ou même “services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui”, alors que ladite administration peut, sur le fondement du principe de collaboration, obtenir les éléments d’information complémentaires qu’elle jugerait nécessaires en vue de la confirmation de l’existence et des caractéristiques détaillées des opérations ? »
Sur la question préjudicielle
23 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la question préjudicielle ne vise expressément que l’article 226, point 6, de la directive 2006/112. Afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont elle est saisie, il convient toutefois d’inclure dans l’analyse à effectuer également l’article 178, sous a), et l’article 226, point 7, de la directive 2006/112. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 16 juillet 2015, Abcur, C-544/13 et C-545/13, EU:C:2015:481, point 33).
24 La question posée par la juridiction de renvoi comporte deux parties, qu’il convient de traiter séparément. Par la première partie de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 226 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que des factures comportant seulement les mentions « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » ou « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », telles que celles en cause au principal, sont conformes aux exigences visées aux points 6 et 7 de cet article. Par la seconde partie de sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la TVA pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier si les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.
Sur la première partie de la question, relative au respect de l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112
25 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 226 de la directive 2006/112 précise que, sans préjudice des dispositions particulières de cette directive, seules les mentions citées à cet article doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application de l’article 220 de ladite directive. Il s’ensuit qu’il n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit à déduction de la TVA au respect de conditions relatives au contenu des factures, qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions de la directive 2006/112 (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2010, Pannon Gép Centrum, C-368/09, EU:C:2010:441, points 40 et 41).
26 En premier lieu, l’article 226, point 6, de la directive 2006/112 exige que la facture comporte la mention de l’étendue et de la nature des services rendus. Le libellé de cette disposition indique ainsi qu’il est obligatoire de préciser l’étendue et la nature des services fournis, sans toutefois préciser qu’il est nécessaire de décrire les services spécifiques fournis de manière exhaustive.
27 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 30, 32 et 46 de ses conclusions, l’objectif des mentions qui doivent obligatoirement figurer sur une facture est de permettre aux administrations fiscales de contrôler le paiement de la taxe due et, le cas échéant, l’existence du droit à déduction de la TVA. C’est, partant, à la lumière de cet objectif qu’il convient d’analyser si des factures, telles que les factures en cause au principal, sont conformes aux exigences de l’article 226, point 6, de la directive 2006/112.
28 Dans l’affaire au principal, si les factures en cause qualifient les services rendus de « services juridiques », il n’en reste pas moins que, ainsi que l’a relevé le gouvernement portugais dans ses observations écrites, cette notion couvre un vaste ensemble de prestations, et notamment des prestations qui ne relèvent pas nécessairement de l’activité économique. Il s’ensuit que la mention « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » ou « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui » ne semble pas indiquer de manière suffisamment détaillée la nature des services en cause. En outre, cette mention est si générale qu’elle ne semble pas faire apparaître l’étendue des services rendus, pour les raisons indiquées par Mme l’avocat général aux points 60 à 63 de ses conclusions. Partant, ladite mention ne remplit pas, a priori, les conditions requises par l’article 226, point 6, de la directive 2006/112, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.
29 En second lieu, l’article 226, point 7, de la directive 2006/112 exige que la facture comporte la date à laquelle est effectuée ou achevée la prestation de services.
30 Cette exigence doit également être interprétée à la lumière de l’objectif poursuivi par l’imposition de mentions obligatoires sur la facture, telle que prévues à l’article 226 de la directive 2006/112, qui est, comme il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, de permettre aux administrations fiscales de contrôler le paiement de la taxe due et, le cas échéant, du droit à déduction de la TVA. À cet effet, la date de la prestation des services faisant l’objet de ladite facture permet de contrôler quand le fait générateur de la taxe intervient et, dès lors, de déterminer les dispositions fiscales qui doivent, d’un point de vue temporel, s’appliquer à l’opération sur laquelle porte ce document.
31 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les services juridiques ayant fait l’objet des factures en cause au principal donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs. L’article 64 de la directive 2006/112 prévoit que de telles prestations de services sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent. Partant, afin de satisfaire aux exigences de l’article 226, point 7, de la directive 2006/112, il est impératif que ces périodes soient mentionnées sur les factures relatives à de telles prestations.
32 À cet égard, il convient de relever que les factures en cause relatives aux « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » semblent préciser la période de décompte. En revanche, l’une des factures en cause comporte seulement la mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui ». Cette facture ne mentionne pas la date de début de la période en question et ne permet dès lors pas de déterminer la période à laquelle les décomptes en question se rapportent.
33 Partant, il y a lieu de considérer qu’une facture comportant seulement la mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », sans préciser aucune date de début de la période de décompte, ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, point 7, de la directive 2006/112.
34 Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, si elle constate que les factures en cause ne remplissent pas les exigences résultant de l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, de vérifier si les documents annexes produits par Barlis comportent une présentation plus détaillée des services juridiques en cause au principal et peuvent être assimilés à une facture en vertu de l’article 219 de ladite directive en tant que documents qui modifient la facture initiale et y font référence de façon spécifique et non équivoque.
35 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première partie de la question posée que l’article 226 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que des factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui », telles que celles en cause au principal, ne sont pas conformes, a priori, aux exigences visées au point 6 de cet article et que des factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui » ne sont, a priori, conformes ni aux exigences visées audit point 6 ni à celles visées au point 7 dudit article, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur la seconde partie de la question, relative aux conséquences d’une facture ne remplissant pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 pour l’exercice du droit à déduction de la TVA
36 Par la seconde partie de sa question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à établir les conséquences d’une méconnaissance de l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 sur l’exercice du droit à déduction de la TVA.
37 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union (arrêt du 13 février 2014, Maks Pen, C-18/13, EU:C:2014:69, point 23 et jurisprudence citée).
38 La Cour a itérativement jugé que le droit à déduction de la TVA prévu aux articles 167 et suivants de la directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Maks Pen, C-18/13, EU:C:2014:69, point 24 et jurisprudence citée).
39 Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C-277/14, EU:C:2015:719, point 27 et jurisprudence citée).
40 En ce qui concerne les conditions matérielles requises pour la naissance du droit à déduction de la TVA, il ressort de l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 que les biens ou services invoqués pour fonder ce droit doivent être utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens ou services doivent être fournis par un autre assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C-277/14, EU:C:2015:719, point 28 et jurisprudence citée).
41 En ce qui concerne les conditions formelles relatives à l’exercice dudit droit, il ressort de l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 que l’exercice de celui-ci est subordonné à la détention d’une facture établie conformément à l’article 226 de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz, C-280/10, EU:C:2012:107, point 41, et du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C-277/14, EU:C:2015:719, point 29).
42 La Cour a jugé que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. En conséquence, dès lors que l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire cette taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie, C-385/09, EU:C:2010:627, point 42 ; du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz, C-280/10, EU:C:2012:107, point 43, et du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C-183/14, EU:C:2015:454, points 58 et 59 ainsi que jurisprudence citée).
43 Il s’ensuit que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites.
44 À cet égard, l’administration fiscale ne saurait se limiter à l’examen de la facture elle-même. Elle doit également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti. Ce constat est confirmé par l’article 219 de la directive 2006/112 qui assimile à une facture tout document ou message qui modifie la facture initiale et y fait référence de façon spécifique et non équivoque.
45 Dans l’affaire au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de tenir compte de toutes les informations incluses sur les factures en cause et sur les documents annexes apportés par Barlis pour vérifier si les conditions de fond de son droit à déduction de la TVA sont satisfaites.
46 Dans ce contexte, il y a lieu de souligner, en premier lieu, qu’il incombe à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Evita-K, C-78/12, EU:C:2013:486, point 37). Les autorités fiscales peuvent donc exiger de l’assujetti lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Twoh International, C-184/05, EU:C:2007:550, point 35).
47 En second lieu, il convient de préciser que les États membres sont compétents pour prévoir des sanctions en cas de non-respect des conditions formelles relatives à l’exercice du droit à déduction de la TVA. En vertu de l’article 273 de la directive 2006/112, les États membres ont la faculté d’adopter des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude à condition que ces mesures n’aillent ni au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs ni ne remettent en cause la neutralité de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C-183/14, EU:C:2015:454, point 62).
48 Notamment, le droit de l’Union n’empêche pas les États membres d’infliger, le cas échéant, une amende ou une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité de l’infraction afin de sanctionner la méconnaissance des exigences formelles (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C-183/14, EU:C:2015:454, point 63 ainsi que jurisprudence citée).
49 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la seconde partie de la question posée que l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la TVA pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.
Sur les dépens
50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que des factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui », telles que celles en cause au principal, ne sont pas conformes, a priori, aux exigences visées au point 6 de cet article et que des factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui » ne sont, a priori, conformes ni aux exigences visées audit point 6 ni à celles visées au point 7 dudit article, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
L’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.
Signatures
* Langue de procédure : le portugais.