ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
28 février 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Article 131 – Article 146, paragraphe 1, sous b) –Article 147 – Exonérations à l’exportation – Article 273 –Réglementation d’un État membre subordonnant le bénéfice de l’exonération soit au fait d’avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal, soit au fait d’avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à effectuer le remboursement de la TVA aux voyageurs »
Dans l’affaire C-307/16,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 27 janvier 2016, parvenue à la Cour le 30 mai 2016, dans la procédure
Stanisław Pieńkowski
contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet (rapporteur), Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,
avocat général : M. Y. Yves Bot,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes K. Herrmann et M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2017,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 131, de l’article 146, paragraphe 1, sous b), ainsi que des articles 147 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Stanisław Pieńkowski au Dyrektor Izby Skarbowej w Lublinie (directeur de la chambre fiscale de Lublin, Pologne) au sujet de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des livraisons de biens expédiés en dehors de l’Union européenne dans les bagages personnels de voyageurs.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la directive TVA :
« Est considéré comme “livraison de biens”, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. »
4 L’article 131 de la directive TVA dispose :
« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 [du titre IX de la directive TVA] s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »
5 Au chapitre 6, intitulé « Exonérations à l’exportation », du titre IX de ladite directive, l’article 146 de celle-ci dispose, à son paragraphe 1, sous b) :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[...]
b) les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté, à l’exclusion des biens transportés par l’acquéreur lui-même et destinés à l’équipement ou à l’avitaillement de bateaux de plaisance et d’avions de tourisme ou de tout autre moyen de transport à usage privé ».
6 L’article 147 de ladite directive prévoit :
« 1. Dans le cas où la livraison visée à l’article 146, paragraphe 1, point b), porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont réunies :
a) le voyageur n’est pas établi dans la Communauté ;
b) les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée ;
c) la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 [euros] ou sa contre-valeur en monnaie nationale, fixée une fois par an, en appliquant le taux de conversion du premier jour ouvrable du mois d’octobre avec effet au 1er janvier de l’année suivante.
Toutefois, les États membres peuvent exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure au montant prévu au premier alinéa, point c).
2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par “voyageur qui n’est pas établi dans la Communauté” le voyageur dont le domicile ou la résidence habituelle n’est pas situé dans la Communauté. Dans ce cas on entend par “domicile ou résidence habituelle” le lieu mentionné comme tel sur le passeport, la carte d’identité ou tout autre document reconnu comme valant pièce d’identité par l’État membre sur le territoire duquel la livraison est effectuée.
La preuve de l’exportation est apportée au moyen de la facture, ou d’une pièce justificative en tenant lieu, revêtue du visa du bureau de douane de sortie de la Communauté.
Chaque État membre communique à la Commission un spécimen des cachets qu’il utilise pour délivrer le visa mentionné au deuxième alinéa. La Commission communique cette information aux autorités fiscales des autres États membres. »
7 Aux termes de l’article 273 de la même directive :
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.
La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »
Le droit polonais
8 L’article 126, paragraphe 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2011, no 177, position 1054), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur la TVA »), dispose :
« Les personnes physiques dont le domicile n’est pas situé sur le territoire de l’Union européenne, qualifiées ci-après de “voyageurs”, ont droit au remboursement de la taxe acquittée à l’occasion de l’achat, sur le territoire national, de biens qu’ils ont exportés intacts hors du territoire de l’Union européenne dans leurs bagages personnels, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 et des articles 127 et 128. »
9 L’article 127 de la loi sur la TVA énonce :
« 1. Le remboursement de la taxe visé à l’article 126, paragraphe 1, s’applique lorsque les biens ont été achetés auprès de contribuables, qualifiés ci-après de “vendeurs”, qui :
1) sont immatriculés en tant qu’assujettis à la taxe et
2) utilisent des caisses enregistreuses pour enregistrer le chiffre d’affaires et le montant de la taxe due, et
3) ont conclu des contrats relatifs au remboursement de la taxe avec au moins l’un des opérateurs mentionnés au paragraphe 8.
[...]
5. Le remboursement de la taxe au voyageur est effectué en zlotys [polonais] (PLN) par le vendeur ou dans les points de remboursement de TVA par les opérateurs dont l’activité a pour objet le remboursement de la taxe visé à l’article 126, paragraphe 1.
6. Les vendeurs mentionnés au paragraphe 5 peuvent procéder au remboursement visé à l’article 126, paragraphe 1, à condition que leur chiffre d’affaires de l’année fiscale précédente ait été supérieur à 400 000 PLN et qu’ils procèdent au remboursement de la taxe uniquement pour des biens ayant été achetés par un voyageur auprès de ce vendeur.
[...]
8. Les opérateurs visés au paragraphe 5, qui ne sont pas des vendeurs, peuvent procéder au remboursement visé à l’article 126, paragraphe 1, à la condition que ces opérateurs :
1) soient des assujettis immatriculés depuis une période d’au moins 12 mois précédant la demande d’attestation visée au point 6 ;
2) aient informé par écrit le directeur de l’administration fiscale de leur intention d’exercer une activité ayant pour objet le remboursement de la taxe aux voyageurs ;
3) n’aient, sur une période d’au moins 12 mois précédant la demande d’attestation visée au point 6, aucun arriéré de taxes dont le produit est affecté au budget de l’État ni d’arriéré de cotisation de sécurité sociale ;
4) aient conclu des contrats avec les vendeurs visés au paragraphe 1 relatif au remboursement de la taxe ;
5) aient versé à l’administration fiscale une garantie de 5 millions de PLN sous forme de :
a) dépôt en espèces,
b) garanties bancaires,
c) bons du Trésor avec une échéance d’au moins trois ans ;
6) aient obtenu du ministre compétent en matière de finances publiques une attestation confirmant le respect de l’ensemble des conditions visées aux points 1 à 5. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
10 M. Pieńkowski est un entrepreneur assujetti à la TVA qui exerce une activité dans le domaine du commerce, notamment des équipements de télécommunications, et utilise une caisse enregistreuse pour enregistrer le chiffre d’affaires et le montant de la taxe due. Dans le cadre de son activité économique, M. Pieńkowski vend des marchandises notamment à des voyageurs qui résident en dehors du territoire de l’Union.
11 L’Urzędu Skarbowego w Białej Podlaskiej (administration fiscale de Biała Podlaska, Pologne) a informé M. Pieńkowski qu’il répondait à la qualification de « vendeur » au sens de l’article 127, paragraphe 1, de la loi sur la TVA. Cette autorité a également estimé qu’il ressortait de ses déclarations de TVA que le chiffre d’affaires net réalisé par cet assujetti au titre des ventes réalisées s’élevait à 283 695 PLN (environ 68 288 euros) pour l’année fiscale 2009 et à 238 429 PLN (environ 57 392 euros) pour l’année fiscale 2010. De plus, elle a considéré que M. Pieńkowski ne lui avait fourni aucune information quant à la conclusion d’un contrat avec un opérateur habilité à rembourser la TVA, mais qu’il avait procédé personnellement ou par l’intermédiaire d’un employé aux remboursements de ladite taxe aux voyageurs.
12 Dans ces conditions, l’administration fiscale de Biała Podlaska a estimé que M. Pieńkowski, en raison du montant des chiffres d’affaires réalisés, n’était pas habilité à procéder personnellement ou par l’intermédiaire d’un employé aux remboursements de TVA aux voyageurs ou à leur appliquer un taux de TVA nul pour les périodes d’imposition des années 2010 et 2011.
13 M. Pieńkowski a contesté cette décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Lublinie (tribunal administratif de voïvodie de Lublin, Pologne).
14 Le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Lublinie (tribunal administratif de voïvodie de Lublin), se fondant sur les dispositions régissant la procédure de remboursement de la taxe aux voyageurs, telles que prévues aux articles 126 à 129 de la loi sur la TVA et à l’article 131, à l’article 146, paragraphe 1, ainsi qu’aux articles 147 et 273 de la directive TVA, a jugé que, au regard du contenu de ces dispositions, M. Pieńkowski ne pouvait valablement affirmer que les dispositions de la loi sur la TVA n’étaient pas conformes à la directive TVA, en ce qu’elles subordonnaient la possibilité pour le vendeur de rembourser la TVA aux voyageurs à la réalisation, par celui-ci, d’un chiffre d’affaires supérieur à 400 000 PLN (environ 96 284 euros), au titre de l’exercice fiscal précédent.
15 En effet, ladite juridiction a jugé que le montant minimal de chiffre d’affaires ainsi fixé ne revêtait pas simplement un caractère informatif et formel, mais constituait une condition matérielle dont dépend le principe même d’un remboursement de la taxe directement par le vendeur. Cette même juridiction a donc considéré, contrairement à ce que soutenait M. Pieńkowski, que ce seuil de 400 000 PLN (environ 96 284 euros) ne pouvait être qualifié de « barrière administrative » à l’application d’un taux de TVA nul.
16 M. Pieńkowski s’est pourvu en cassation devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) en soulevant, notamment, l’incompatibilité des dispositions de la loi sur la TVA avec celles de la directive TVA et avec les principes de proportionnalité et de neutralité fiscale.
17 La juridiction de renvoi relève que, contrairement à l’article 127, paragraphe 6, de la loi sur la TVA, les dispositions de la directive TVA ne prévoient pas de condition exigeant que l’assujetti ait réalisé, lors de l’exercice fiscal précédent, un chiffre d’affaires d’un certain montant pour pouvoir appliquer l’exonération de TVA sur les biens emportés dans les bagages personnels des voyageurs.
18 En particulier, selon elle, l’article 131 de la directive TVA ne semble pas pouvoir servir de base à l’instauration de la condition prévue à l’article 127, paragraphe 6, de la loi sur la TVA.
19 Cette juridiction souligne également que les conditions d’application de cette exonération, telles que définies aux articles 146 et 147 de la directive TVA, concernent l’acheteur et non le vendeur, contrairement à la situation prévue à l’article 127, paragraphe 6, de la loi sur la TVA.
20 De plus, ladite juridiction estime que, contrairement à la position retenue par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Lublinie (tribunal administratif de voïvodie de Lublin), la condition tenant à la réalisation d’un chiffre d’affaires d’un montant minimal lors de l’exercice fiscal précédent ne peut être considérée, à la lumière des dispositions de la directive TVA, comme une condition matérielle de l’exonération, en l’absence de toute base juridique dans le libellé des articles 146 et 147 de la directive TVA, justifiant l’instauration d’une telle condition.
21 La juridiction de renvoi rappelle également qu’il découle de l’article 273 de la directive TVA que les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude. Toutefois, cette dernière se demande si le fait pour un État membre d’instaurer une exigence tenant à la réalisation d’un chiffre d’affaires d’un montant minimal de 400 000 PLN (environ 96 284 euros) remplit les objectifs dudit article.
22 Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 146, paragraphe 1, sous b), l’article 147 ainsi que l’article 131 et l’article 273 de la directive [TVA] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions nationales qui excluent l’application de l’exonération dans le cas d’un assujetti qui ne remplit pas la condition exigeant qu’il ait atteint un seuil minimal de chiffre d’affaires lors de l’exercice fiscal précédent, et qui n’a pas non plus conclu de contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de TVA aux voyageurs ? »
Sur la question préjudicielle
23 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 131, l’article 146, paragraphe 1, sous b), ainsi que les articles 147 et 273 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation de biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, le vendeur assujetti doit avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal lors de l’exercice fiscal précédent, ou ce dernier doit avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de TVA aux voyageurs, dès lors que le seul non-respect de ces conditions a pour conséquence de le priver définitivement de l’exonération de cette livraison.
24 Il convient de relever que, en vertu de l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés par l’acquéreur ou pour son compte en dehors de l’Union. Cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, selon lequel est considéré comme « livraison de biens » le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.
25 Il découle de ces dispositions et, notamment, du terme « expédiés » employé audit article 146, paragraphe 1, sous b), que l’exportation d’un bien est effectuée et que l’exonération de la livraison à l’exportation est applicable lorsque le droit de disposer de ce bien comme un propriétaire a été transmis à l’acquéreur, que le fournisseur établit que ce bien a été expédié ou transporté en dehors de l’Union et que, à la suite de cette expédition ou de ce transport, le bien a physiquement quitté le territoire de l’Union (arrêt du 19 décembre 2013, BDV Hungary Trading, C-563/12, EU:C:2013:854, point 24 et jurisprudence citée).
26 Dans l’affaire au principal, il n’est pas contesté que des livraisons de biens au sens de l’article 14 de la directive TVA ont eu lieu et que les biens concernés par les opérations en cause au principal ont physiquement quitté le territoire de l’Union en étant transportés dans les bagages personnels de voyageurs.
27 Toutefois, lorsque la livraison visée à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, l’exonération ne s’applique que lorsque certaines conditions supplémentaires, prévues à l’article 147 de ladite directive, sont réunies.
28 À cet égard, il découle de la décision de renvoi que, dans l’affaire au principal, les conditions prévues à l’article 146, paragraphe 1, sous b), et à l’article 147 de la directive TVA sont effectivement remplies.
29 Or, force est de constater que le libellé tant de l’article 146, paragraphe 1, sous b), que de l’article 147 de la directive TVA ne prévoit pas une condition selon laquelle l’assujetti doit avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal au cours de l’exercice fiscal précédent ou, si cette condition n’est pas remplie, doit avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à rembourser la TVA pour que l’exonération à l’exportation prévue audit article 146, paragraphe 1, sous b), soit applicable.
30 De surcroît, les conditions prévues à l’article 147 de la directive TVA concernent uniquement les acquéreurs des biens en cause et ne se réfèrent pas aux vendeurs de ces biens.
31 Il s’ensuit que l’application de l’article 146, paragraphe 1, sous b), et de l’article 147 de la directive TVA ne saurait dépendre du respect des conditions fixées par la réglementation nationale en cause au principal, dont le non-respect aurait pour conséquence de priver définitivement l’assujetti de l’exonération à l’exportation.
32 Certes, ainsi qu’il résulte de l’article 131 de la directive TVA, les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 du titre IX de cette directive, dont les articles 146 et 147 de celle-ci font partie, s’appliquent dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, toute évasion et tous abus éventuels. En outre, l’article 273 de la directive TVA dispose que les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude.
33 À cet égard, la Cour a déjà jugé que, dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent lesdits articles 131 et 273, les États membres doivent respecter les principes généraux du droit qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, au nombre desquels figurent notamment les principes de sécurité juridique, de proportionnalité et de protection de la confiance légitime (arrêt du 19 décembre 2013, BDV Hungary Trading, C-563/12, EU:C:2013:854, point 29 et jurisprudence citée).
34 En particulier, s’agissant du principe de proportionnalité, la Cour a jugé que, conformément à ce principe, les États membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l’Union en cause (arrêt du 19 décembre 2013, BDV Hungary Trading, C-563/12, EU:C:2013:854, point 30 et jurisprudence citée).
35 En l’occurrence, d’une part, selon le gouvernement polonais, la réglementation nationale en cause au principal a principalement pour objectif de minimiser les risques d’évasion et de fraude fiscales liés à une application incorrecte de l’exonération prévue à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA.
36 D’autre part, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, la condition relative à l’obligation pour l’assujetti d’avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal lors de l’exercice fiscal précédent n’a pas de caractère absolu dans la mesure où ce dernier a la possibilité de bénéficier de l’exonération, si ce montant minimal n’est pas atteint, en concluant un contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de la TVA aux voyageurs.
37 Toutefois, il convient de relever, à cet égard, que le non-respect de ladite condition entraîne le refus de l’exonération à l’exportation alors même que les conditions pour en bénéficier prévues à l’article 146, paragraphe 1, sous b), et à l’article 147 de la directive TVA sont remplies.
38 Or, la Cour a jugé que, dans une situation où les conditions de l’exonération à l’exportation prévues à l’article 146, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, notamment la sortie des biens concernés du territoire douanier de l’Union, sont établies, aucune TVA n’est due au titre d’une telle livraison. Dans de telles circonstances, il n’existe plus, en principe, de risque d’une fraude fiscale ou de pertes fiscales pouvant justifier l’imposition de l’opération concernée (arrêt du 19 décembre 2013, BDV Hungary Trading, C-563/12, EU:C:2013:854, point 40).
39 Dès lors, il y a lieu de constater qu’une réglementation telle que celle en cause au principal n’est pas nécessaire pour atteindre l’objectif de prévenir l’évasion et la fraude fiscales.
40 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 131, l’article 146, paragraphe 1, sous b), ainsi que les articles 147 et 273 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation de biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, le vendeur assujetti doit avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal lors de l’exercice fiscal précédent, ou ce dernier doit avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de TVA aux voyageurs, dès lors que le seul non-respect de ces conditions a pour conséquence de le priver définitivement de l’exonération de cette livraison.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
L’article 131, l’article 146, paragraphe 1, sous b), ainsi que les articles 147 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle, dans le cadre d’une livraison à l’exportation de biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs, le vendeur assujetti doit avoir réalisé un chiffre d’affaires d’un montant minimal lors de l’exercice fiscal précédent, ou ce dernier doit avoir conclu un contrat avec un opérateur habilité à procéder aux remboursements de taxe sur la valeur ajoutée aux voyageurs, dès lors que le seul non-respect de ces conditions a pour conséquence de le priver définitivement de l’exonération de cette livraison.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.