ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
22 février 2018 (*)
« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c), article 9 et article13, paragraphe 1 – Non-assujettissement – Notion d’“organisme de droit public” – Société commerciale détenue à 100 % par une commune, chargée de certaines tâches publiques incombant à cette commune – Détermination de ces tâches et de leur rémunération dans un contrat conclu entre cette société et ladite commune »
Dans l’affaire C-182/17,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 30 mars 2017, parvenue à la Cour le 11 avril 2017, dans la procédure
Nagyszénás Településszolgáltatási Nonprofit Kft.
contre
Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et F. Clotuche-Duvieusart ainsi que par M. L. Havas, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Nagyszénás Településszolgáltatási Nonprofit Kft. (ci-après « NTN ») à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatóság (direction des recours de l’Office national des impôts et des douanes, Hongrie) (ci-après l’« Office ») au sujet de l’assujettissement de cette société à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au titre de certaines activités dont elle est chargée en vertu d’un contrat conclu avec la commune de Nagyszénás (Hongrie) (ci-après le « contrat concerné »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 dispose :
« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :
[...]
c) les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».
4 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive :
« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »
5 L’article 13 de ladite directive prévoit :
« 1. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.
En tout état de cause, les organismes de droit public ont la qualité d’assujettis pour les activités figurant à l’annexe I et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.
2. Les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes de droit public, lorsqu’elles sont exonérées en vertu des articles 132 [...] »
6 L’article 24, paragraphe 1, de la même directive prévoit :
« Est considérée comme “prestation de services” toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens. »
7 L’article 73 de la directive 2006/112 dispose :
« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »
Le droit hongrois
8 L’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi n° CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée) prévoit, à son article 7 :
« (1) Une activité de puissance publique exercée par un organisme ou une personne autorisés à exercer la puissance publique en vertu de la Loi fondamentale de la Hongrie ou d’une règle de droit adoptée sur le fondement d’une habilitation conférée par ladite Loi fondamentale n’est pas une activité économique et n’entraîne aucun assujettissement à l’impôt.
(2) Les activités de puissance publique incluent notamment l’activité législative, l’activité juridictionnelle, l’activité du ministère public, la défense, le maintien de l’ordre, l’administration de la justice et des affaires étrangères, l’activité des autorités administratives chargées de l’application du droit, le contrôle administratif et financier, la surveillance et le contrôle de la légalité, l’activité décisionnelle concernant la répartition des aides budgétaires, des aides de l’Union européenne et d’autres aides internationales. »
9 La Magyarország helyi önkormányzatairól szóló 2011. évi CLXXXIX. törvény (loi n° CLXXXIX de 2011, relative aux collectivités locales de la Hongrie), dispose, à son article 13 :
« (1) Les affaires publiques locales, ainsi que les tâches des collectivités locales devant être accomplies dans le cadre des tâches publiques susceptibles d’être effectuées au niveau local, sont en particulier les tâches consistant à assurer :
[...]
2. la gestion du domaine public (aménagement et entretien des cimetières publics, gestion de l’éclairage public, fourniture de services de ramonage, aménagement et entretien des voies publiques et de leurs accessoires, aménagement et entretien des jardins publics et autres espaces publics, gestion du stationnement des véhicules) ;
[...]
5. la salubrité publique (l’hygiène et la propreté de l’environnement local, la désinsectisation et la dératisation) ;
[...]
9. la gestion des logements et autres locaux ;
[...]
14. la possibilité, pour les petits producteurs et les producteurs agricoles, de vendre directement aux consommateurs leurs produits, tels que définis dans une règle de droit, y compris les jours de fin de semaine ;
(2) La loi peut définir également d’autres tâches des collectivités locales devant être accomplies dans le cadre des affaires publiques, ainsi que des tâches publiques susceptibles d’être effectuées au niveau local. »
10 L’article 41, paragraphes 6 et 8, de cette loi prévoit :
« (6) Aux fins de la mise en œuvre des services publics relevant de son champ de compétences, le collège des représentants peut créer, conformément à la loi, des entités budgétaires, des organismes à caractère économique, tels que prévus par le code de procédure civile, des organismes à but non lucratif et autres organismes [...] et peut conclure un contrat avec des personnes physiques et morales, ou avec des organismes sans personnalité morale.
[...]
(8) La loi peut exiger que certains services publics déterminés ne puissent être assurés que par une entité budgétaire créée à cette fin, par une société commerciale disposant de la personnalité juridique, détenue par l’État ou au moins majoritairement détenue par une collectivité locale, dans laquelle l’État ou la collectivité locale exerce au moins une influence majoritaire, ou par une société commerciale disposant de la personnalité juridique au moins majoritairement détenue par une société commerciale telle que susmentionnée, et dans laquelle une société commerciale telle que susmentionnée exerce au moins une influence majoritaire, ou encore par un syndicat communal ».
11 Aux termes de l’article 112, paragraphe 1, de la loi n° CLXXXIX de 2011, relative aux collectivités locales de la Hongrie :
« La collectivité locale choisit les formes de gestion adaptées à ses tâches et, dans le cadre des dispositions financières, établit de manière autonome les modalités de participation. La collectivité locale crée les conditions de l’accomplissement de ses tâches à partir de ses ressources propres, des ressources transférées par d’autres organismes de gestion ainsi que des aides provenant du budget de l’État. »
12 L’article 3/A, paragraphes 1 et 2, de l’államháztartásról szóló 2011. évi CXCV. törvény (loi no CXCV de 2011, relative aux finances publiques), est libellé comme suit :
« (1) Une tâche publique est une tâche incombant à l’État ou aux collectivités locales, telle que définie par la loi.
(2) La réalisation des tâches publiques par le biais de la création et de l’exploitation d’entités budgétaires ou la couverture financière nécessaire à leur réalisation est assurée, en partie ou en totalité, par la mise à disposition des moyens prévus dans la présente loi. Les entités extrabudgétaires peuvent concourir à la réalisation des tâches publiques dans les conditions prévues par la loi. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 Le 1er juillet 2007, NTN, société à responsabilité limitée sans but lucratif détenue à 100 % par la commune de Nagyszénás, a conclu avec cette commune le contrat concerné, « relatif à l’accomplissement de tâches et l’utilisation de biens », en vertu duquel elle s’est engagée, en contrepartie d’une compensation due par ladite commune et moyennant la mise à disposition de certains biens appartenant à celle-ci, à réaliser certaines tâches publiques énumérées dans une annexe de ce contrat.
14 Il s’agit, en particulier, de la gestion du logement et d’autres locaux, de la gestion de la voirie publique locale, de la quarantaine, de la destruction des nuisibles et de la démoustication, de l’entretien des parcs, de l’espace public et d’autres zones vertes, de la gestion du clos d’équarrissage et des services d’équarrissage ainsi que de l’entretien du marché local.
15 Les modalités d’exécution de ces tâches sont précisées dans les annexes dudit contrat. Ainsi, NTN est dans l’obligation de tenir des journaux relatifs à l’accomplissement des différentes tâches, afin de permettre à la commune de contrôler que celles-ci ont été réalisées dans les délais impartis et, dans le cas contraire, de fixer un délai pour qu’il y soit remédié. Si ces tâches n’ont pas encore été accomplies à l’expiration du délai fixé, il est prévu que NTN doit rembourser à la commune de Nagyszénás la partie de la compensation correspondant au manquement constaté.
16 À l’annexe n° 6 du contrat concerné sont énumérés les moyens matériels nécessaires à l’accomplissement des tâches qui ont été transférées à NTN.
17 Pour l’année 2014, cette commune a versé à NTN la somme de 23 850 000 forints hongrois (HUF), soit environ 93 000 euros, à titre de compensation, pour l’accomplissement de ces tâches.
18 NTN n’a pas émis de facture à l’intention de la commune de Nagyszénás en ce qui concerne la réalisation de ces tâches et n’a pas non plus répercuté la TVA sur la somme reçue en contrepartie de la réalisation desdites tâches.
19 À la suite de contrôles effectués, l’autorité fiscale de premier degré a pris deux décisions établissant un solde de TVA débiteur à la charge de NTN, pour les trois premiers trimestres de l’année, et a infligé à cette société une amende fiscale, assortie de pénalités de retard.
20 L’Office a confirmé ces décisions sur le fondement, en substance, des mêmes motifs que ceux retenus par l’autorité fiscale de premier degré.
21 NTN a fait valoir devant les autorités fiscales que, en vertu du contrat concerné, la commune de Nagyszénás lui avait confié la mise en œuvre de tâches publiques moyennant l’utilisation de biens mis à sa disposition et que ce contrat ne constituait pas un contrat de prestation de services. Elle serait en outre une « entité budgétaire », dès lors qu’elle accomplirait ses tâches grâce à des « aides », à savoir des moyens financiers mis à sa disposition par cette commune.
22 L’Office a considéré, en particulier, que NTN avait reçu la compensation en cause au principal en contrepartie de prestations de services concrètes et que, partant, une opération imposable avait été réalisée, de telle sorte que le montant de cette compensation était imposable. Le fait que la commune de Nagyszénás puisse expressément demander à NTN de rendre compte et de l’informer régulièrement de la mise en œuvre du contrat concerné constituerait un autre élément démontrant que cette société n’a pas perçu une aide, mais a été rémunérée pour la fourniture concrète de services.
23 L’Office a également estimé que NTN pouvait être considérée comme ayant la qualité d’assujettie. D’une part, cette société n’aurait pas la qualité d’organisme autorisé à exercer des prérogatives de puissance publique, dès lors qu’elle constituerait non pas une entité relevant du budget de l’État, mais une société commerciale créée par la commune de Nagyszénás et inscrite au registre des sociétés. D’autre part, l’activité exercée par NTN serait non pas une activité relevant de la puissance publique, mais une activité économique, cette société ayant seulement contribué à l’accomplissement de tâches communales, sans les effectuer directement. Dans ce contexte, serait également pertinent le fait que NTN a effectué des prestations de services non seulement pour le compte de la commune de Nagyszénás, mais aussi pour d’autres personnes, prestations pour lesquelles cette société aurait exercé son droit à déduction.
24 La juridiction saisie en première instance a rejeté le recours introduit par NTN contre les décisions de l’Office. Elle a considéré qu’il ne pouvait être soutenu que NTN accomplissait des tâches relevant de la puissance publique en vertu du contrat concerné, dès lors que celle-ci serait non pas une « entité budgétaire », mais une société commerciale sans but lucratif, et que la commune de Nagyszénás continuerait d’être responsable de l’exécution de ces tâches.
25 En outre, selon cette juridiction, la compensation versée l’est en contrepartie des services devant être accomplis par NTN en vertu de ce contrat et ne finance pas de manière générale le fonctionnement de cette dernière, de telle sorte qu’elle constitue la base d’imposition de la TVA. Le fait que NTN ait porté en déduction la taxe facturée en amont au titre des acquisitions afférentes à l’exécution desdites tâches plaiderait également en faveur du caractère imposable des opérations faisant l’objet dudit contrat.
26 Saisie d’un pourvoi en cassation introduit par NTN contre la décision rendue en première instance, la Kúria (Cour suprême, Hongrie) considère que, en l’espèce, se pose la question de savoir si une société commerciale telle que NTN relève de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112, et si, par conséquent, elle n’est pas assujettie à la TVA.
27 Conformément à la jurisprudence de la Cour, une réponse à cette question imposerait de déterminer, en premier lieu, si cette société doit être qualifiée d’« autre organisme de droit public », au sens de cette disposition, et, en second lieu, si celle-ci, en assurant les services publics en cause au principal, a exercé une activité en tant qu’autorité publique.
28 La juridiction de renvoi estime que la seconde de ces conditions semble remplie, dès lors que, en assurant les services publics spécifiés dans le contrat concerné, NTN a exercé, en tant qu’autorité publique, une activité mentionnée dans la loi n° CXXVII de 2007, relative à la taxe sur la valeur ajoutée comme étant une activité relevant de la puissance publique.
29 En revanche, il ne serait pas certain que la première desdites conditions soit remplie dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle une société commerciale sans but lucratif détenue à 100 % par une commune est chargée, en vertu d’un contrat conclu avec cette dernière, d’accomplir certaines tâches communales en contrepartie d’une compensation versée par ladite commune.
30 Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une société commerciale détenue à 100 % par une collectivité locale communale correspond-elle à la notion d’“organisme de droit public”, au sens de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2006/112] ?
2) S’il convient de répondre à la première question par l’affirmative, peut-on considérer que c’est en tant qu’autorité publique que cette société commerciale accomplit des tâches qui doivent obligatoirement être réalisées par la collectivité locale communale, mais dont celle-ci lui a confié l’exécution ?
3) S’il convient de répondre par la négative à l’une des deux premières questions, la somme que la collectivité locale communale verse à la société commerciale au titre de l’accomplissement des tâches en question peut-elle être considérée comme étant une contrepartie ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la troisième question
31 Par sa troisième question qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que constitue une prestation de services fournie à titre onéreux, soumise à la TVA en vertu de cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune.
32 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la possibilité de qualifier une prestation de services d’« opération à titre onéreux » soumise, en règle générale, à la TVA, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112, suppose uniquement l’existence d’un lien direct entre cette prestation et une contrepartie réellement reçue par l’assujetti. Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (arrêts du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 32, et du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 26).
33 Dans ce contexte, la Cour a jugé qu’une activité relève de la notion d’« activité économique », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, si elle est accomplie en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence (arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 28).
34 En l’occurrence, il appartient au juge de renvoi de vérifier s’il ressort des éléments du dossier et, en particulier, du contrat concerné que les activités de NTN sont effectuées à titre onéreux et, partant, ont un caractère économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, conférant à NTN la qualité d’assujettie. Néanmoins, la Cour peut fournir à cette juridiction, au vu des informations figurant dans la décision de renvoi, les éléments d’interprétation susceptibles de lui permettre de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 34).
35 À cet égard, il est indiqué dans ladite décision que, en vertu dudit contrat, NTN s’est engagée, « en contrepartie d’une compensation offerte par la commune [de Nagyszénás] », à accomplir certaines tâches publiques incombant, selon la législation hongroise, à cette commune.
36 Dans ses observations écrites, la Commission évoque également la nature permanente et continue des prestations fournies par NTN à la commune de Nagyszénás et de la compensation versée en contrepartie de celle-ci par cette commune, qui serait démontrée par le fait que les services visés par le contrat concerné sont fournies par NTN à ladite commune depuis l’année 2007, en contrepartie de la compensation prévue par ledit contrat.
37 Si cet élément de fait était confirmé, il en découlerait que la circonstance, selon laquelle ladite compensation est fixée, le cas échéant, non pas en fonction de prestations individualisées, mais de manière forfaitaire et sur une base annuelle, de manière à couvrir les frais de fonctionnement de cette société, n’affecte pas en soi le caractère direct du lien existant entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 36).
38 Le caractère direct de ce lien ne peut d’ailleurs être mis en doute par le fait, à supposer qu’il soit avéré, que le contrat concerné comporte des clauses permettant d’ajuster, dans certaines circonstances, le montant de la compensation, non plus que par le fait que ce montant est fixé à un niveau inférieur au prix normal du marché, pour autant que le niveau de la compensation est déterminé à l’avance, selon des critères bien établis, qui garantissent que celui-ci est suffisant pour couvrir les frais de fonctionnement de NTN (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 38, et du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, points 45 et 46).
39 En outre, dans l’appréciation du caractère onéreux de l’activité en cause au principal, la circonstance que l’accomplissement des tâches publiques concernées est imposé à la commune de Nagyszénás par une règle de droit n’est susceptible de remettre en cause ni la qualification d’une telle activité de « prestation de services » ni le lien direct entre cette prestation et sa contrepartie (voir, par analogie, arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 41).
40 En effet, le fait que l’activité visée consiste dans l’exercice de fonctions conférées et réglementées par la loi, dans un but d’intérêt général, est dénué de pertinence aux fins d’apprécier si cette activité consiste à fournir des prestations de services à titre onéreux. Dans ce contexte, la Cour a jugé que, même lorsque l’activité visée a pour objet l’exécution d’une obligation constitutionnelle incombant exclusivement et directement à l’État membre concerné, le lien direct existant entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue ne peut être remis en cause de ce seul fait (voir, notamment, arrêt du 2 juin 2016, Lajvér, C-263/15, EU:C:2016:392, point 42).
41 Par ailleurs, si l’objectif d’intérêt général visé par certaines prestations de services fournies, notamment, par des organismes de droit public est pris en compte dans le cadre du système commun de TVA, dans la mesure où, en vertu de l’article 132, paragraphe 1, de la directive 2006/112, certaines de ces prestations doivent être exonérées de la TVA, il est constant que l’activité dont est chargée NTN en vertu du contrat concerné ne relève d’aucune de ces dérogations (voir, par analogie, arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 41).
42 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi des éléments de fait pertinents, constitue une prestation de services fournie à titre onéreux, soumise à la TVA en vertu de cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune.
Sur les première et deuxième questions
43 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement et en second lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que relève de la règle de non-assujettissement à la TVA prévue à cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques communales en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune, dans l’hypothèse où cette activité constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.
44 Selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte d’une analyse de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 effectuée à la lumière des objectifs de cette directive que deux conditions doivent être remplies cumulativement pour que la règle de non-assujettissement prévue à cette disposition joue, à savoir l’exercice d’activités par un organisme public et l’exercice d’activités accomplies en tant qu’autorité publique (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 51 et jurisprudence citée).
45 S’agissant de la première de ces deux conditions, à savoir celle relative à la qualité d’organisme public, la Cour a jugé que, si la circonstance que l’organisme considéré dispose, en vertu du droit national applicable, de prérogatives de puissance publique n’est pas déterminante aux fins de cette qualification, elle constitue toutefois, dans la mesure où elle est une caractéristique essentielle propre à toute autorité publique, une indication d’une importance certaine pour établir que cet organisme doit être qualifié d’« organisme de droit public » (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 58).
46 Or, en l’occurrence, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que NTN ne dispose pas, pour l’exécution des tâches publiques qui lui sont confiées en vertu du contrat concerné, de l’une des prérogatives de puissance publique dont dispose la commune de Nagyszénás.
47 Certaines autres caractéristiques de NTN semblent également plaider contre une qualification de celle-ci d’« organisme de droit public », au sens de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112, dans la mesure où elles mettent en doute le fait que cette société puisse être considérée comme étant suffisamment intégrée dans l’organisation de l’administration publique de cette commune.
48 En effet, NTN, dès lors qu’elle a été constituée par la commune de Nagyszénás sous la forme d’une société à responsabilité limitée sans but lucratif, est avant tout une personne morale de droit privé, qui dispose, selon les règles de droit qui lui sont applicables, d’une autonomie certaine par rapport à ladite commune dans le cadre de son fonctionnement et de sa gestion quotidienne.
49 Dans ce contexte, il n’apparaît pas qu’il existe un lien organique entre NTN et la commune de Nagyszénás, dans la mesure où cette société n’a pas été établie par un acte décisionnel adopté par cette commune, définissant les services devant être fournis à cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 67).
50 Si l’autonomie de NTN est certes limitée en raison du fait que son capital, qui n’est pas ouvert à des prises de participation de particuliers, est détenu à 100 % par la commune de Nagyszénás, d’autres éléments sont de nature à indiquer que cette dernière n’est pas en mesure d’exercer une influence déterminante sur les activités de ladite société.
51 Ainsi, il est constant que la commune de Nagyszénás n’est pas le seul « client » de NTN et que les prestations fournies par cette société à des tiers ne sont pas d’une importance marginale, sont imposables et ont, effectivement, été imposées.
52 En outre, le contrat concerné contient certaines clauses permettant à la commune de Nagyszénás de contrôler l’accomplissement des tâches confiées à NTN, ce qui tend à indiquer l’absence d’un contrôle effectif exercé par cette commune.
53 Enfin, il n’apparaît pas que ce contrat comporte des clauses permettant à ladite commune de fixer des lignes directrices s’imposant à NTN dans l’accomplissement desdites tâches.
54 Sous réserve de la vérification de ces différents éléments de fait et de droit national par la juridiction de renvoi dans le cadre d’une appréciation d’ensemble prenant en compte également le principe selon lequel l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112, en tant que dérogation à la règle générale de l’assujettissement à la TVA de toute activité de nature économique, est d’interprétation stricte (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, point 49 et jurisprudence citée), il apparaît que la société concernée ne peut être qualifiée d’« organisme de droit public », au sens de cette disposition.
55 S’agissant de la seconde condition posée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112, selon laquelle seules sont exonérées de la TVA les activités accomplies par un organisme de droit public agissant en qualité d’autorité publique, il suffit de relever que, eu égard à une jurisprudence constante de la Cour (arrêt du 29 octobre 2015, Saudaçor, C-174/14, EU:C:2015:733, points 70 et 71 ainsi que jurisprudence citée), cette condition ne semble pas non plus remplie en l’occurrence.
56 En effet, NTN étant, selon des éléments de fait et de droit national qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, régie par des dispositions du droit privé et ne disposant pas, pour l’exécution des tâches publiques qui lui sont confiées en vertu du contrat concerné, de l’une des prérogatives de puissance publique de la commune de Nagyszénás, ainsi qu’il a été constaté au point 46 du présent arrêt, il ne peut être soutenu que cette société exerce une activité dans le cadre d’un régime de droit public.
57 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi des éléments de fait et de droit national pertinents, ne relève pas de la règle de non-assujettissement à la TVA prévue à cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques communales en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune, dans l’hypothèse où cette activité constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
1) L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi des éléments de fait pertinents, constitue une prestation de services fournie à titre onéreux, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune.
2) L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi des éléments de fait et de droit national pertinents, ne relève pas de la règle de non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévue à cette disposition, une activité telle que celle en cause au principal, consistant, pour une société, à accomplir certaines tâches publiques communales en vertu d’un contrat conclu entre cette société et une commune, dans l’hypothèse où cette activité constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.
Signatures
* Langue de procédure : le hongrois.