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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 octobre 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Notion d’assujetti – Société holding – Déduction de la taxe payée en amont – Dépenses liées à des prestations de services de conseil exposées aux fins de l’acquisition d’actions d’une autre société – Intention de la société acquéreur de fournir des services de gestion à la société cible – Absence de fourniture de tels services – Droit à déduction de la TVA ayant grevé les prestations engagées »

Dans l’affaire C-249/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), par décision du 8 mai 2017, parvenue à la Cour le 12 mai 2017, dans la procédure

Ryanair Ltd

contre

The Revenue Commissioners,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mars 2018,

considérant les observations présentées :

–        pour Ryanair Ltd, par M. T. Mc Namara, solicitor, M. R. Aylward, BL, et M. M. Hayden, SC,

–        pour The Revenue Commissioners, par Mmes M. Browne et L. Williams ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mmes M. Browne et L. Williams ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Davey, solicitor, de Mme Ú. Tighe, BL, et de Mme G. Clohessy, SC,

–        pour la Commission européenne, par Mme N. Gossement ainsi que par M. R. Lyal, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ryanair Ltd aux Revenue Commissioners (administration fiscale, Irlande) au sujet du refus de cette dernière d’accorder à Ryanair la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont afférente à des prestations de services de conseil auxquels elle a eu recours dans le cadre d’une offre publique d’achat (OPA) d’une autre société.

 Le cadre juridique

3        L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

4        L’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :

« 1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5        En vertu de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de ladite directive, « [l]e fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée ».

6        L’article 17 de cette même directive, intitulé « Naissance et étendue du droit à déduction », dispose, à son paragraphe 1, que le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

7        L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive énonce que, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        Au cours de l’année 2006, la compagnie aérienne Ryanair a lancé une OPA sur la totalité des actions d’une autre compagnie aérienne (ci-après la « société cible »). Elle a, à cette occasion, exposé des dépenses afférentes aux prestations de services de conseil et autres services en lien avec l’acquisition envisagée (ci-après les « prestations de services litigieuses »). Toutefois, cette opération n’a pu être pleinement réalisée pour des raisons tenant au respect du droit de la concurrence, de telle sorte que Ryanair n’a pu acquérir qu’une partie du capital social de la société cible.

9        Ryanair a demandé la déduction de la TVA acquittée en amont relative à ces dépenses en faisant valoir que son intention, après qu’elle a pris le contrôle de la société cible, était de s’immiscer dans la gestion de cette dernière en lui fournissant des prestations de services de gestion soumises à la TVA.

10      L’administration fiscale ayant refusé cette déduction, Ryanair a formé un recours devant la Tax Appeals Commission (commission des recours en matière fiscale, Irlande), laquelle a rejeté ce recours. Ryanair a formé un second recours devant le Circuit Court (tribunal itinérant, Irlande), lequel a également suivi la position défendue par l’administration fiscale. Le Circuit Court (tribunal itinérant) a néanmoins saisi la High Court (Haute Cour, Irlande) d’un renvoi pour avis. Cette dernière juridiction ayant approuvé la décision du Circuit Court (tribunal itinérant), Ryanair a interjeté appel devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande).

11      La juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’articulation de l’arrêt du 14 février 1985, Rompelman (268/83, EU:C:1985:74), portant sur la déductibilité de la TVA acquittée dans le cadre de la préparation d’une activité économique, avec l’arrêt du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C-16/00, EU:C:2001:495), portant sur le droit d’une société holding de déduire la TVA grevant des prestations de services qui lui ont été fournies en amont dans le cadre d’une prise de participation dans ses filiales.

12      C’est dans ces conditions que la Supreme Court (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’intention future de fournir des services de gestion à la société cible d’une acquisition (en cas de succès de l’acquisition concernée) est-elle suffisante afin d’établir que l’acquéreur potentiel exerce une activité économique aux fins de l’article 4 de la [sixième directive], de sorte que la TVA appliquée à cet acquéreur potentiel pour les biens ou les services fournis en vue de faciliter l’acquisition puisse éventuellement être traitée comme une TVA en amont de l’activité économique envisagée, consistant à fournir de tels services de gestion ?

2)      Peut-on considérer qu’il existe un “lien direct et immédiat” suffisant, conformément au prescrit identifié par la Cour dans [l’arrêt du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C-16/00, EU:C:2001:495)], entre des services professionnels fournis dans le cadre de cette acquisition potentielle et des services en aval, consistant dans la fourniture potentielle de services de gestion à la cible de l’acquisition (en cas de succès de l’acquisition concernée), permettant ainsi de déduire la TVA afférente aux services professionnels susmentionnés ? »

 Sur les questions préjudicielles

13      Par ses questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4 et 17 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils confèrent à une société, telle que celle en cause au principal, qui a l’intention d’acquérir la totalité des actions d’une autre société, en vue d’exercer une activité économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la TVA, le droit de déduire la TVA acquittée en amont afférente aux dépenses relatives à des prestations de services de conseil exposées dans le cadre d’une OPA, même s’il s’est avéré que cette activité économique n’a pas été réalisée. 

14      À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a abrogé la sixième directive sans apporter de changements de fond par rapport à celle-ci. Il s’ensuit que les dispositions pertinentes de la sixième directive revêtant une portée en substance identique à celles de la directive 2006/112, la jurisprudence de la Cour relative à cette dernière directive est également applicable à la sixième directive.

15      Afin de répondre aux questions posées, il convient de déterminer si une société qui a l’intention d’acquérir la totalité des actions d’une autre société en vue d’exercer une activité économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la TVA peut être considérée comme étant un assujetti, au sens de l’article 4 de la sixième directive, et, le cas échéant, d’une part, si elle a agi en tant qu’assujetti lorsque les prestations de services litigieuses lui ont été fournies et, d’autre part, si et dans quelle mesure la TVA acquittée en amont afférente aux dépenses exposées pour de telles prestations est déductible. 

16      Il convient de rappeler, en premier lieu, que n’a ni la qualité d’assujetti à la TVA, au sens de l’article 4 de la sixième directive, ni de droit à déduction, selon l’article 17 de cette directive, une société dont l’objet unique est la prise de participation dans d’autres sociétés sans que celle-ci s’immisce directement ou indirectement dans la gestion de ces sociétés. En effet, la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne constituent pas, en elles-mêmes, une activité économique au sens de la sixième directive, conférant à leur auteur la qualité d’assujetti dès lors que la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence. En effet, la perception d’un éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien (arrêts du 30 mai 2013, X, C-651/11, EU:C:2013:346, point 36, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

17      Il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s’est opérée la prise de participation, si celle-ci implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques, sans préjudice des droits que détient l’auteur des participations en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2013, X, C-651/11, EU:C:2013:346, point 37, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

18      Par ailleurs, étant donné que les activités économiques au sens de la sixième directive peuvent consister en plusieurs actes consécutifs, les activités préparatoires doivent déjà être imputées aux activités économiques (arrêt du 29 février 1996, INZO, C-110/94, EU:C:1996:67, point 15 et la jurisprudence citée). Ainsi, toute personne qui a l’intention, confirmée par des éléments objectifs, de commencer de façon indépendante une activité économique et qui effectue les premières dépenses d’investissement à ces fins doit être considérée comme un assujetti (arrêts du 8 juin 2000, Breitsohl, C-400/98, EU:C:2000:304, point 34, et du 14 mars 2013, Ablessio, C-527/11, EU:C:2013:168, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

19      Il en découle qu’une société qui accomplit des actes préparatoires qui s’inscrivent dans le cadre d’un projet d’acquisition d’actions d’une autre société dans l’intention d’exercer une activité économique consistant à s’immiscer dans la gestion de cette dernière en lui fournissant des prestations de services de gestion soumises à la TVA doit être considérée comme assujetti, au sens de la sixième directive.

20      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, par l’acquisition envisagée d’actions de la société cible, l’intention de Ryanair était de fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la TVA et, à ce titre, d’exercer une activité économique au sens de la sixième directive. Partant, il y a lieu de conclure que Ryanair doit, dans le cadre de cette acquisition, être considérée comme assujetti, au sens de la sixième directive.

21      S’agissant, en second lieu, du droit à déduction, il résulte de l’article 17 de la sixième directive que, dans la mesure où l’assujetti, agissant en tant que tel au moment où il acquiert un bien ou reçoit un service, utilise ce bien ou ce service pour les besoins de ses opérations taxées, il est autorisé à déduire la TVA due ou acquittée pour ledit bien ou ledit service. Conformément à l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, et à l’article 17 de la sixième directive, ce droit à déduction prend naissance au moment où la taxe devient exigible, c’est-à-dire lors de la livraison du bien ou lorsque la prestation de services est effectuée (arrêt du 22 mars 2012, Klub, C-153/11, EU:C:2012:163, point 36 et jurisprudence citée).

22      Le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 25 et jurisprudence citée).

23      Le régime des déductions vise, en effet, à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit ainsi la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 26 et jurisprudence citée).

24      Le principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l’entreprise exige que les premières dépenses d’investissement effectuées pour les besoins et en vue d’une entreprise soient considérées comme des activités économiques et il serait contraire à ce principe que lesdites activités ne débutent qu’au moment où le revenu taxable prend naissance. Toute autre interprétation mettrait à la charge de l’opérateur économique le coût de la TVA dans le cadre de son activité économique sans lui donner la possibilité de la déduire et procéderait à une distinction arbitraire entre des dépenses d’investissement effectuées pour les besoins d’une entreprise selon qu’elles sont effectuées avant l’exploitation effective de celle-ci ou au cours de cette exploitation (arrêt du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, EU:C:2000:145, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

25      En outre, le droit à déduction, une fois né, reste acquis même si, ultérieurement, l’activité économique envisagée n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas donné lieu à des opérations taxées (arrêt du 29 février 1996, INZO, C-110/94, EU:C:1996:67, point 20) ou que l’assujetti n’a pu utiliser les biens ou les services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxables en raison de circonstances étrangères à sa volonté (arrêts du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, EU:C:2000:300, point 22, et du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, EU:C:1998:1, point 20). Une autre interprétation serait contraire au principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l’entreprise. Elle serait susceptible de créer, lors du traitement fiscal de mêmes activités d’investissements, des différences non justifiées entre des entreprises réalisant déjà des opérations imposables et d’autres qui cherchent, par des investissements, à commencer des activités qui seront source d’opérations taxables. De même, des différences arbitraires seraient établies entre ces dernières entreprises en ce que l’acceptation définitive des déductions dépendrait de la question de savoir si de tels investissements aboutissent ou non à des opérations taxées (arrêt du 29 février 1996, INZO, C-110/94, EU:C:1996:67, point 22).

26      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit. Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 28 et jurisprudence citée).

27      Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 29 et jurisprudence citée).

28      Dans le cadre de l’application du critère du lien direct incombant aux administrations fiscales et aux juridictions nationales, il appartient à celles-ci de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations concernées et de tenir compte des seules opérations qui sont objectivement liées à l’activité imposable de l’assujetti. L’existence d’un tel lien doit ainsi être appréciée au regard du contenu objectif de l’opération en question (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 31 et jurisprudence citée). 

29      En revanche, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti ont un lien avec des opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 30 et jurisprudence citée).

30      Il en découle que, pour que la TVA acquittée puisse être déduite dans son intégralité, il faut que les dépenses exposées aient, en principe, leur cause exclusive dans l’activité économique envisagée, à savoir la fourniture à la société cible des prestations de services de gestion soumises à la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 8 février 2007, Investrand, C-435/05, EU:C:2007:87, points 33 et 36 ; du 13 mars 2008, Securenta, C-437/06, EU:C:2008:166, points 29 et 30, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, point 25). Dans l’hypothèse où ces dépenses se rapporteraient pour partie également à une activité exonérée ou non économique, la TVA acquittée sur ces dépenses ne pourrait être déduite que partiellement. (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2012, Portugal Telecom, C-496/11, EU:C:2012:557, points 46 et 47, ainsi que du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496, points 28 à 30). 

31      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les prestations de services litigieuses ont été fournies à Ryanair alors que celle-ci, par l’acquisition envisagée d’actions de la société cible, avait l’intention d’exercer une activité économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la TVA. Ainsi, il apparaît, d’une part, que Ryanair a agi en tant qu’assujetti au moment où elle a effectué les dépenses liées aux prestations de services litigieuses. Ce faisant, Ryanair bénéficie donc, en principe, du droit de déduire immédiatement la TVA acquittée sur ces prestations de services, même si, en définitive, cette activité économique, qui devait donner lieu à des opérations taxées, n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas donné lieu à de telles opérations. D’autre part, en ce qui concerne les conditions d’exercice du droit à déduction et plus particulièrement l’étendue de ce droit, les dépenses exposées en vue de l’acquisition des actions de la société cible doivent être analysées comme étant imputables à l’accomplissement de ladite activité économique qui consistait à réaliser des opérations ouvrant droit à déduction. À ce titre, ces dépenses entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de cette activité économique et, partant, font partie des frais généraux de celle-ci. Il s’ensuit que la TVA y afférente ouvre droit à déduction intégrale. 

32      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 4 et 17 de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils confèrent à une société, telle que celle en cause au principal, qui a l’intention d’acquérir la totalité des actions d’une autre société, en vue d’exercer une activité économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la TVA, le droit de déduire, dans son intégralité, la TVA acquittée en amont afférente aux dépenses relatives à des prestations de services de conseil exposées dans le cadre d’une OPA, même s’il s’est avéré que cette activité économique n’a pas été réalisée, pour autant que ces dépenses ont leur cause exclusive dans l’activité économique envisagée.

 Sur les dépens

33      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

Les articles 4 et 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’ils confèrent à une société, telle que celle en cause au principal, qui a l’intention d’acquérir la totalité des actions d’une autre société, en vue d’exercer une activité économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le droit de déduire, dans son intégralité, la TVA acquittée en amont afférente aux dépenses relatives à des prestations de services de conseil exposées dans le cadre d’une offre publique d’achat, même s’il s’est avéré que cette activité économique n’a pas été réalisée, pour autant que ces dépenses ont leur cause exclusive dans l’activité économique envisagée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.