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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

13 novembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des capitaux – Imposition des fonds de pension – Différence de traitement entre les fonds de pension résidents et les fonds de pension non-résidents – Réglementation d’un État membre permettant aux fonds de pension résidents de réduire leur bénéfice imposable en déduisant les réserves destinées à payer des pensions et d’imputer l’impôt prélevé sur les dividendes sur l’impôt sur les sociétés – Comparabilité des situations – Justification »

Dans l’affaire C-641/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne), par décision du 23 octobre 2017, parvenue à la Cour le 17 novembre 2017, dans la procédure

College Pension Plan of British Columbia

contre

Finanzamt München Abteilung III,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de la deuxième chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, et M. T. von Danwitz, juge,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour le College Pension Plan of British Columbia, par Mes A. Knebel et T. Bracksiek, Rechtsanwälte,

–        pour le Finanzamt München Abteilung III, par Mme H. Messina, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 à 65 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le College Pension Plan of British Columbia, un ensemble de biens regroupés sous la forme juridique d’un trust de droit canadien (ci-après le « CPP »), au Finanzamt München Abteilung III (centre des impôts de Munich III, Allemagne) au sujet de l’imposition des dividendes perçus par le CPP au titre des années 2007 à 2010.

 Le cadre juridique

3        Au cours des années 2007 à 2010, les fonds de pension et leurs activités étaient régis par le Versicherungsaufsichtsgesetz (loi sur le contrôle des organismes d’assurances), dans sa version publiée le 17 décembre 1992 (BGBl. 1993 I, p. 2).

4        Conformément à l’article 112 de ladite loi, un fonds de pension est une institution de prévoyance dotée de la capacité juridique, qui fournit, par voie de capitalisation, des prestations de retraite professionnelle auprès d’un ou de plusieurs employeurs en faveur de leurs travailleurs. Un fonds de pension ne peut, pour toutes ces prestations, garantir par des assurances le montant des prestations ou des cotisations futures à verser en vue de ces prestations. Il confère aux travailleurs un droit propre aux prestations à son égard et est tenu de fournir une prestation de retraite sous la forme d’un paiement à vie. 

 Le régime fiscal des fonds de pension ayant leur siège sur le territoire allemand

5        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés), dans sa version applicable aux faits en cause (ci-après le « KStG »), un fonds de pension allemand est intégralement assujetti à l’impôt sur les sociétés en tant que société de capitaux ayant son siège en Allemagne. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du KStG, lu conjointement avec l’article 23, paragraphe 1, du KStG, l’impôt sur les sociétés s’élève à 15 % du revenu imposable.

6        L’article 8, paragraphe 1, première phrase, du KStG prévoit que le revenu imposable est déterminé conformément aux dispositions de l’Einkommensteuergesetz (loi sur l’impôt sur le revenu), dans sa version applicable aux faits en cause (ci-après l’« EStG »). Selon les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 2, du KStG et de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de l’EStG, tous les revenus d’un fonds de pension intégralement assujetti sont à considérer comme des revenus générés par une activité industrielle ou commerciale. Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, point 1, de l’EStG, les revenus générés par une activité industrielle ou commerciale sont le résultat réalisé pendant l’exercice fiscal considéré.

7        Il ressort de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de l’EStG que le résultat est égal à la différence entre le patrimoine de l’entreprise à la fin de l’exercice et le patrimoine de l’entreprise à la fin de l’exercice précédent, augmentée de la valeur des prélèvements et diminuée de la valeur des apports. La juridiction de renvoi précise que cette comparaison entre les patrimoines de l’entreprise est effectuée sur la base d’un bilan fiscal qui est tiré du bilan comptable.

8        Ladite juridiction expose également que les recettes d’un fonds de pension se composent des cotisations versées par les assurés et des bénéfices réalisés grâce au placement du capital social.

9        Les cotisations perçues qui se traduisent tout d’abord dans la colonne « actif » du bilan comptable par une augmentation de l’actif sont ensuite transformées en placements et constituent alors une partie du capital social du fonds de pension. Le pendant du capital social est constitué par les provisions mathématiques qui lui font face dans la colonne « passif ». Les provisions mathématiques sont une forme spécifique de provisions pour dettes incertaines et elles anticipent les prestations de retraite professionnelle qui devront être fournies à l’avenir par le fonds de pension.

10      Si le capital social permet de générer des bénéfices au moyen des placements, par exemple sous la forme de dividendes, les retours sur investissement comptables sont directement portés au crédit des différents contrats du fonds de pension au cours de l’année de leur réalisation dans la mesure où ces bénéfices correspondent au taux d’intérêt technique qui a été appliqué pour calculer les cotisations.

11      Lorsque le fonds de pension réalise, en investissant le panier de couverture, des bénéfices qui sont plus élevés que le taux d’intérêt technique (appelés « excédents »), il s’agit de retours sur investissement extra-comptables. Ceux-ci doivent être portés au crédit de chaque contrat du fonds de pension à concurrence d’au moins 90 % et ils augmentent les prestations de retraite professionnelle dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la participation aux excédents. Seule la part restante des excédents augmente le résultat du fonds de pension et n’est pas comprise dans les prestations versées aux travailleurs par le fonds de pension.

12      Par conséquent, les retours sur investissement comptables augmentent non seulement l’actif du fonds de pension, mais aussi la valeur des provisions mathématiques dans la colonne « passif ». L’évaluation de la colonne « passif » est conforme, à cet égard, à celle de la colonne « actif », si bien que les bénéfices tirés de la perception des dividendes sont intégralement neutralisés.

13      Les retours sur investissement extra-comptables n’influent pas sur le résultat dans la mesure où ils sont portés au crédit des différents contrats du fonds de pension et se traduisent par une augmentation correspondante d’un poste du passif.

14      Sur le plan du bilan fiscal, la thésaurisation des bénéfices tirés des placements se traduit ainsi par une augmentation des actifs inscrits au bilan fiscal. Par ailleurs, l’augmentation des provisions mathématiques et des autres postes du passif aboutit à une augmentation correspondante du passif du fonds de pension, si bien que le patrimoine de l’entreprise, au sens de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, et de l’article 5, paragraphe 1, de l’EStG, pertinent fiscalement, n’augmente pas. C’est uniquement dans la mesure où les retours sur investissement extra-comptables ne doivent pas être portés au crédit des différents contrats du fonds de pension qu’ils se traduisent par un résultat du fonds de pension qui doit également être pris en compte fiscalement.

15      Les dividendes perçus par des fonds de pension résidents sont soumis à l’impôt sur les revenus du capital, prélevé, conformément aux dispositions combinées de l’article 43, paragraphe 1, première phrase, point 1, et de l’article 43, paragraphe 4, de l’EStG, ainsi que de l’article 20, paragraphe 1, point 1, et de l’article 20, paragraphe 8, de l’EStG, par une retenue à la source qui s’élève à 25 % des dividendes bruts, conformément à l’article 43a, paragraphe 1, première phrase, point 1, de l’EStG.

16      En vertu des dispositions combinées de l’article 31 du KStG et de l’article 36, paragraphe 2, point 2, de l’EStG, l’impôt sur les revenus du capital qui a été retenu sur les dividendes versés aux fonds de pension est intégralement imputable sur l’impôt sur les sociétés dû dans le cadre de l’établissement de l’impôt par voie de rôle.

17      Lorsque l’impôt sur les revenus du capital retenu excède l’impôt sur les sociétés fixé, l’excédent est remboursé au fonds de pension ainsi que le prévoit l’article 36, paragraphe 4, deuxième phrase, de l’EStG.

 Le régime fiscal des fonds de pension non-résidents

18      En vertu de l’article 2, point 1, du KStG, un fonds de pension étranger, qui n’a pas sa direction ou son siège en Allemagne, est partiellement assujetti à l’impôt sur les sociétés pour ce qui est de ses revenus perçus sur le territoire national. Conformément aux dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 1, du KStG, de l’article 49, paragraphe 1, point 5a, et de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, les dividendes qu’il perçoit sont des revenus de capitaux soumis à une obligation fiscale limitée.

19      Dans le cas d’un fonds de pension partiellement assujetti, l’impôt est recouvré sous forme d’une retenue à la source et le débiteur des dividendes doit procéder à une retenue de l’impôt sur les revenus du capital qui, en vertu des dispositions de l’article 43, paragraphe 1, point 1, et de l’article 43a, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, est en principe de 25 % des dividendes bruts.

20      En vertu de l’article 44a, paragraphe 9, de l’EStG, les 2/5 de l’impôt sur les revenus du capital retenu et acquitté sont remboursés aux sociétés partiellement assujetties au sens de l’article 2, point 1, du KStG, si bien que la charge fiscale effective au titre de l’impôt sur les revenus du capital s’élève à 15 %. L’imposition des dividendes est également limitée à 15 % dans le cadre de nombreuses conventions fiscales. Le remboursement de la différence entre l’impôt sur les revenus de capital retenu et le taux de l’imposition de 15 % est effectué a posteriori, sur demande, par le Bundeszentralamt für Steuern (Office central fédéral des impôts, Allemagne) conformément aux dispositions de l’article 50d de l’EStG.

21      Pour les fonds de pension non-résidents, l’impôt sur les revenus du capital de 15 % est définitif par application de l’article 32, paragraphe 1, point 2, du KStG, rédigé en ces termes :

« L’impôt sur les sociétés acquitté par retenue à la source est libératoire :

[...]

2.      lorsque le bénéficiaire du revenu est un assujetti partiel et que le revenu ne provient pas d’une activité industrielle, commerciale, agricole [ou] sylvicole exercée sur le territoire national. »

22      La juridiction de renvoi précise également que, en application dudit article 32, paragraphe 1, point 2, une procédure d’établissement de l’impôt par voie de rôle, comportant la possibilité pour les fonds de pension non-résidents d’imputer l’impôt sur les revenus du capital sur l’impôt dû, est exclue, de telle sorte qu’ils ne peuvent pas non plus déduire d’éventuelles dépenses professionnelles de l’assiette des revenus imposables.

 L’accord fiscal entre l’Allemagne et le Canada

23      L’accord entre la République fédérale d’Allemagne et le Canada en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et de certains autres impôts, de prévenir l’évasion fiscale et de fournir assistance en matière d’impôts a été conclu à Berlin le 19 avril 2001 (BGBl. 2002 II, p. 670, ci-après l’« accord fiscal entre l’Allemagne et le Canada »). Il prévoit, à son article 10, paragraphe 1, que les dividendes peuvent être imposés dans l’État de résidence de leur bénéficiaire. Toutefois, l’article 10, paragraphe 2, sous b), de cet accord autorise également l’État d’où proviennent les dividendes à retenir 15 % de leur montant brut.

24      En vertu de l’article 23, paragraphe 1, sous a), de cet accord, le Canada, en tant qu’État de résidence, prévient la double imposition des dividendes par le mécanisme de l’imputation.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

25      Le CPP a pour objet d’offrir des prestations de retraite aux anciens fonctionnaires de la province de Colombie-Britannique (Canada). Il constitue à cette fin, dans ses bilans, des provisions techniques correspondant aux engagements de garantie des retraites. Le CPP est exempté de toute imposition des bénéfices au Canada.

26      Au cours de la période comprise entre l’année 2007 et l’année 2010, le CPP a détenu indirectement, par la participation à des portefeuilles de pools d’investissement, des parts composant le capital de sociétés anonymes allemandes, sans que ces participations aient dépassé 1 % du capital de ces sociétés. Les dividendes perçus au titre de ces participations ont été soumis à l’impôt allemand sur les revenus du capital à un taux de 15 %, ainsi que le prévoit l’article 10, paragraphe 2, sous b), de l’accord fiscal entre l’Allemagne et le Canada.

27      Le 23 décembre 2011, le CPP a demandé au défendeur au principal l’exonération de l’impôt sur les revenus du capital et le remboursement du montant de 156 280,10 euros, majoré des intérêts, de l’impôt qu’il a acquitté à ce titre. Sa demande a été rejetée, tout comme la réclamation qu’il a ultérieurement introduite. Par conséquent, le CPP a formé un recours devant la juridiction de renvoi.

28      La juridiction de renvoi expose que, à l’appui de son recours, le CPP soutient avoir subi, en tant que fonds de pension non-résident, un traitement moins favorable que celui auquel sont soumis les fonds de pension résidents. Il a fait valoir que ces derniers pouvaient percevoir des dividendes en franchise d’impôt, car ils auraient la possibilité, dans le cadre de l’établissement de l’impôt par voie de rôle, d’imputer sur l’impôt sur les sociétés l’impôt sur les revenus du capital qui a été retenu ou d’obtenir le remboursement de la quasi-totalité de ce dernier. Par ailleurs, en ce qui concerne ces fonds, les dotations aux provisions pour engagements de retraite seraient prises en compte en tant que dépenses professionnelles, ce qui permettrait de réduire le montant de l’impôt sur les sociétés lors de l’établissement de ce dernier par voie de rôle. Or, les fonds de pension non-résidents ne pourraient pas procéder à de telles imputations ou obtenir de tels remboursements, dès lors que, pour de tels fonds de pension, l’impôt sur les sociétés acquitté par voie de retenue à la source serait libératoire, conformément à l’article 32, paragraphe 1, point 2, du KStG et constituerait, à leur égard, une charge fiscale définitive.

29      Pour sa part, le défendeur au principal soutient, tout d’abord, que, si les fonds de pension allemands pouvaient imputer sur l’impôt sur les sociétés qui est dû l’impôt sur les revenus du capital qui a été acquitté, cela n’équivaudrait pas à une exonération complète, dès lors que les dividendes perçus sont soumis à l’impôt sur les sociétés, dont le taux est de 15 % du revenu imposable. Ensuite, il ne saurait être considéré qu’un fonds de pension non-résident est traité de manière moins favorable que les fonds de pension résidents au motif que la réglementation nationale les prive de la possibilité de déduire des dépenses professionnelles, dès lors que, à défaut d’un lien direct de telles provisions pour engagements de retraite avec l’activité génératrice des revenus en cause, ces fonds ne se trouveraient pas dans une situation comparable aux fonds de pension résidents. En outre, une éventuelle restriction serait, en tout état de cause, justifiée par des raisons d’efficacité des contrôles fiscaux. Enfin, une restriction serait licite en vertu de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, dès lors que le caractère libératoire prévu à l’article 32, paragraphe 1, point 2, du KStG avait déjà été instauré par l’article 50, paragraphe 2, du KStG de 1977 et que les revenus distribués impliquaient une prestation de services financiers du fonds de pension à ses investisseurs.

30      La juridiction de renvoi indique qu’il est constant entre les parties au principal que le CPP peut, selon le droit allemand, être assimilé à un fonds de pension. Elle se demande si la réglementation nationale, en vertu de laquelle les fonds de pension non-résidents partiellement assujettis sont privés de la possibilité d’imputer sur l’impôt sur les sociétés dû par ces fonds l’impôt sur les revenus du capital ou d’obtenir le remboursement de l’impôt sur les revenus du capital, alors que les fonds de pension résidents disposent d’une telle possibilité et que, pour ces derniers, la perception de dividendes n’engendre pas une augmentation de l’impôt sur les sociétés dû ou uniquement une augmentation modérée de celui-ci, étant donné qu’ils peuvent déduire du résultat imposable les dotations aux provisions pour engagements de retraite, instaure une différence de traitement entre ces fonds, contraire aux articles 63 et 65 TFUE.

31      Certes, s’agissant de la possibilité de déduire du résultat imposable les dotations aux provisions pour engagements de retraite, il n’existerait pas, en droit allemand, de règle analogue à celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Finlande (C-342/10, EU:C:2012:688), prévoyant expressément que les dotations aux provisions mathématiques et aux provisions techniques analogues peuvent être déduites des revenus imposables à titre de dépenses déductibles. Toutefois, selon la législation allemande, seul l’enrichissement net d’une société imposable serait imposé au cours d’un exercice fiscal. Lorsque des dividendes sont versés à un fonds de pension, le patrimoine du fonds de pension n’augmente que si et dans la mesure où les retours sur investissement extra-comptables ne sont pas portés au crédit des différents contrats du fonds de pension. Dès lors que les dividendes distribués augmentent les provisions mathématiques et/ou d’autres postes du passif, le résultat du fonds de pension demeure inchangé, de telle sorte qu’il n’y a pas d’enrichissement imposable. Par conséquent, les provisions pour engagements de retraite, qui minorent le résultat imposable, seraient la conséquence directe de la perception des dividendes, de sorte que, selon la juridiction de renvoi, les fonds de pension résidents et non-résidents se trouveraient dans une situation comparable du point de vue de la prise en compte des dotations aux provisions mathématiques et aux provisions techniques analogues à titre de dépenses professionnelles.

32      La juridiction de renvoi se demande cependant si l’article 64, paragraphe 1, TFUE peut, en l’espèce, être invoqué.

33      En premier lieu, elle expose que les dispositions de l’article 32, paragraphe 1, point 2, du KStG prévoyant le caractère libératoire de la retenue à la source, à l’origine de la différence de traitement entre les fonds de pension résidents et non-résidents, étaient identiques à celles de l’article 50, paragraphe 1, point 2, du KStG de 1991 et, par conséquent, existaient déjà le 31 décembre 1993. Le fait que, à la date du 31 décembre 1993, il existait un droit, pour les contribuables intégralement assujettis, d’imputer sur l’impôt sur les sociétés l’impôt sur les revenus du capital et que le système a été modifié à plusieurs reprises par la suite n’aurait rien changé aux règles régissant le traitement fiscal des dividendes versés aux sociétés partiellement assujetties.

34      En deuxième lieu, il importerait peu que le taux actuel de 25 % de l’impôt sur les revenus du capital, qui existait déjà le 31 décembre 1993 en vertu des dispositions combinées de l’article 43, paragraphe 1, point 1, et de l’article 43a, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, ait été réduit à 20 % le 1er janvier 2001, pour être ensuite élevé à 25 % le 1er janvier 2009, dans la mesure où le principe de la norme régissant la retenue à la source de l’impôt sur les revenus du capital n’a pas été modifié et où, pour les sociétés partiellement assujetties, la charge effective au titre de l’impôt sur les revenus du capital ne s’élève qu’à 15 %.

35      En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si un lien de causalité, au sens de l’arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith (C-560/13, EU:C:2015:347), existe entre les dividendes tirés d’une participation détenue dans une société de capitaux allemande par un fonds de pension non-résident et le service financier que ce fonds de pension fournit à ses assurés. Elle expose qu’une partie de la doctrine considère que les entrées de capitaux au sein du fonds de pension ne présentent pas, à eux seuls, un lien suffisamment étroit avec les prestations de services financiers fournies par le même fonds de pension au profit des assurés. Toutefois, elle souligne que, en raison des particularités de l’activité des fonds de pension, les retours sur investissement réalisés par le fonds de pension augmentent, pour la plupart, parallèlement, les engagements du fonds de pension en matière de versement de retraites, de telle sorte que l’imposition des dividendes distribués se répercute directement sur les créances des assurés à l’égard du fonds de pension.

36      Dans ces conditions, le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La libre circulation des capitaux consacrée par les dispositions combinées de l’article 63, paragraphe 1, et de l’article 65 TFUE s’oppose-t-elle à la législation d’un État membre en vertu de laquelle une institution de retraite professionnelle non-résidente qui est analogue, par ses composantes essentielles, à un fonds de pension allemand, ne bénéficie d’aucune exonération de l’impôt sur les revenus du capital au titre des dividendes perçus, tandis que des dividendes correspondants versés à des fonds de pension résidents ne se traduisent pas par une augmentation de l’impôt sur les sociétés dû ou se traduisent uniquement par une augmentation modérée de celui-ci en raison du fait qu’ils ont la possibilité de réduire, dans le cadre de la procédure d’établissement de l’impôt par voie de rôle, leur résultat imposable en déduisant les provisions pour engagements de retraite et de neutraliser, par imputation ou – lorsque le montant de l’impôt sur les sociétés devant être acquitté est inférieur au montant imputé – remboursement, l’impôt sur les revenus du capital acquitté ?

2)      Dans l’affirmative, la restriction à la libre circulation des capitaux qui résulte de l’article 32, paragraphe 1, point 2, du [KStG] est-elle licite à l’égard des pays tiers, par application des dispositions combinées de l’article 63 et de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, au motif qu’elle implique la prestation de services financiers ? »

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

37      À la suite du prononcé des conclusions de M. l’avocat général, le gouvernement allemand a, par acte déposé au greffe de la Cour le 2 juillet 2019, demandé à ce que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

38      À l’appui de sa demande, le gouvernement allemand fait valoir, en substance, que les conclusions de M. l’avocat général reposent sur des constatations de fait relatives au droit allemand qui sont inexactes. Les dividendes versés aux fonds de pension résidents seraient soumis à l’impôt sur les sociétés à un taux de 15 % qui serait appliqué aux dividendes bruts. L’impôt sur les revenus du capital, retenu par un prélèvement à la source et qui s’élèverait à 25 % du dividende brut, serait imputé sur l’impôt sur les sociétés ainsi établi, de sorte que la retenue à la source serait remboursée à concurrence de 10 % du dividende brut. En principe, la charge fiscale resterait égale à 15 % du dividende brut. En outre, le gouvernement allemand présente des explications complémentaires relatives aux observations qu’il a exposées lors de l’audience de plaidoiries. Il confirme la contestation des calculs présentés par la Commission lors de cette audience.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 252, second alinéa, TFUE, l’avocat général présente publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires qui, conformément au statut de la Cour de justice de l’Union européenne, requièrent son intervention. La Cour n’est liée ni par ces conclusions ni par la motivation au terme de laquelle l’avocat général parvient à celles-ci (arrêt du 22 juin 2017, Federatie Nederlandse Vakvereniging e.a., C-126/16, EU:C:2017:489, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

40      Il convient également de relever, dans ce contexte, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C-106/16, EU:C:2017:804, point 23 et jurisprudence citée). Le désaccord d’une partie ou d’un tel intéressé avec les conclusions de l’avocat général, quelles que soient les questions qu’il examine dans celles-ci, ne peut, par conséquent, constituer en soi un motif justifiant la réouverture de la procédure orale (arrêts du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C-106/16, EU:C:2017:804, point 24, ainsi que du 29 novembre 2017, King, C-214/16, EU:C:2017:914, point 27 et jurisprudence citée).

41      Il s’ensuit que, dans la mesure où la demande de réouverture de la phase orale présentée par le gouvernement allemand vise à lui permettre de répondre aux constatations effectuées par M. l’avocat général dans ses conclusions, elle ne saurait être accueillie.

42      Toutefois, en vertu de l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

43      Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que, selon une jurisprudence constante de la Cour, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de l’ordre juridique national, celle-ci est en principe tenue de se fonder sur les qualifications résultant de la décision de renvoi et n’est pas compétente pour interpréter le droit interne d’un État membre (voir, notamment, arrêts du 17 mars 2011, Naftiliaki Etaireia Thasou et Amaltheia I Naftiki Etaireia, C-128/10 et C-129/10, EU:C:2011:163, point 40, ainsi que du 16 février 2017, Agro Foreign Trade & Agency, C-507/15, EU:C:2017:129, point 23).

44      Or, la décision de renvoi contient les informations nécessaires relatives aux dispositions du droit allemand et, en particulier, aux taux d’imposition applicables en vertu de celles-ci, sur lesquelles la Cour est tenue de se fonder.

45      Par conséquent, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi et que les arguments lui permettant de se prononcer, en particulier, sur la question relative à la charge fiscale pesant sur les dividendes distribués aux fonds de pension résidents ont été débattus devant elle. En outre, lors de l’audience de plaidoiries, le gouvernement allemand a été mis en mesure de répondre à tout argument présenté au cours de celle-ci et de fournir tous les éclaircissements qui lui paraissaient nécessaires à cet égard.

46      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

47      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés ou se traduisent seulement par une augmentation modérée de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif.

 Sur l’existence d’une restriction au sens de l’article 63 TFUE

48      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de procéder à des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’y procéder dans d’autres États (voir, notamment, arrêts du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, point 39, ainsi que du 22 novembre 2018, Sofina e.a., C-575/17, EU:C:2018:943, point 23 et jurisprudence citée).

49      En particulier, le fait, pour un État membre, d’accorder aux dividendes versés aux fonds de pension non-résidents un traitement moins favorable que celui qui est réservé aux dividendes versés à des fonds de pension résidents est susceptible de dissuader les sociétés établies dans un État autre que cet État membre de procéder à des investissements dans ce même État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, point 33 ; du 22 novembre 2012, Commission/Allemagne, C-600/10, non publié, EU:C:2012:737, point 15, et du 2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek, C-252/14, EU:C:2016:402, point 28).

50      Constitue un tel traitement moins favorable l’application aux dividendes versés à des fonds de pension non-résidents d’une charge fiscale plus lourde que celle supportée par les fonds de pension résidents au titre des mêmes dividendes (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C-10/14, C-14/14 et C-17/14, EU:C:2015:608, point 48). Il en va de même de l’exonération, totale ou substantielle, des dividendes versés à un fonds de pension résident, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident sont soumis à une retenue à la source définitive (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, points 32 et 33).

51      En vertu de la réglementation en cause au principal, telle qu’elle ressort de la décision de renvoi, les fonds de pension sont soumis, en ce qui concerne les dividendes qui leur sont distribués, à deux régimes d’imposition différents, dont l’application dépend de leur qualité de résident sur le territoire de l’État membre de la société distributrice des dividendes.

52      En effet, d’une part, tant les dividendes distribués aux fonds de pension résidents que ceux distribués aux fonds de pension non-résidents sont soumis à un impôt sur les revenus de capitaux qui est retenu à la source.

53      Toutefois, d’autre part, en ce qui concerne les fonds de pension non-résidents, cet impôt est prélevé à titre définitif à un taux qui, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, correspond, dans l’affaire au principal, à 15 % des dividendes bruts, comme le prévoit l’article 10, paragraphe 2, sous b), de l’accord fiscal entre l’Allemagne et le Canada.

54      En revanche, en ce qui concerne les fonds de pension résidents, l’impôt sur les revenus de capitaux est prélevé à la source au taux, selon la juridiction de renvoi, de 25 % des dividendes bruts. Il peut être intégralement imputé sur l’impôt sur les sociétés, dont le taux, selon la juridiction de renvoi, est de 15 % du revenu imposable, et être remboursé lorsque l’impôt prélevé par retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dont le fonds est redevable.

55      En outre, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, la perception des dividendes se traduit par une augmentation très faible du résultat imposable du fonds résident pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, voire, dans certains cas, par l’absence d’augmentation dudit résultat. En effet, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, la perception des dividendes a pour effet d’augmenter à due proportion les provisions techniques et le résultat imposable du fonds de pension résident augmente uniquement dans l’hypothèse où les retours sur investissement extra-comptables ne sont pas portés au crédit des différents contrats dudit fonds. Or, ainsi que cela a été précisé au point 11 du présent arrêt, les retours sur investissement extra-comptables doivent être portés au crédit de chaque contrat du fonds de pension résident à concurrence d’au moins 90 %.

56      Il s’ensuit que, en raison de cette déduction des provisions, correspondant aux dividendes perçus, de la base imposable pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, les dividendes perçus par des fonds de pension résidents n’augmentent pas ladite base imposable, ou ne l’augmentent que très faiblement.

57      Par conséquent, même lorsque la retenue initialement prélevée sur les dividendes versés aux fonds de pension résidents au titre de l’impôt sur les revenus de capitaux est supérieure à celle prélevée sur les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents, l’application du mécanisme d’imputation, prévu par la réglementation allemande en cause au principal, de l’impôt sur le revenu des capitaux sur l’impôt sur les sociétés dû par le fonds de pension résident, ainsi que du remboursement de cet impôt, dans le cas où l’impôt sur les sociétés dû est inférieur à l’impôt sur le revenu des capitaux retenu, combinée aux modalités de calcul de la base imposable du fonds de pension, conduit à ce que les dividendes versés aux fonds de pension résidents se trouvent, en définitive, exonérés en totalité ou en partie d’impôt.

58      Il en résulte que les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents subissent un traitement moins favorable que celui appliqué aux dividendes versés aux fonds de pension résidents, dans la mesure où les premiers sont soumis à une imposition définitive de 15 %, tandis que les seconds sont exonérés d’impôt en totalité ou en partie.

59      Contrairement à ce que fait valoir le défendeur au principal, un tel traitement moins favorable ne procède ni de l’exercice parallèle par les deux États concernés de leurs compétences fiscales respectives, ni des disparités entre les réglementations des différents États. En effet, le seul exercice par la République fédérale d’Allemagne de sa compétence fiscale engendre, indépendamment de toute application de la réglementation fiscale d’un autre État, d’une part, l’exonération en totalité ou en quasi-totalité des dividendes versés à des fonds de pension résidents et, d’autre part, l’imposition des dividendes versés aux fonds de pension non-résidents.

60      Par conséquent, une différence de traitement, telle que celle qui résulte de la réglementation allemande en cause au principal, entre les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents et ceux versés à des fonds de pension résidents est susceptible de dissuader les fonds de pension établis dans un État autre que cet État membre de procéder à des investissements dans ce même État membre et constitue, par conséquent, une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 63 TFUE.

61      Il convient, toutefois, d’examiner si cette restriction est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité FUE.

 Sur l’existence d’une justification

62      En vertu de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 63 TFUE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

63      Cette disposition, en tant qu’elle constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, elle ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité FUE. En effet, la dérogation prévue à l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE est elle-même limitée par l’article 65, paragraphe 3, TFUE, qui prévoit que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article « ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 [TFUE] » (arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, points 55 et 56 ainsi que jurisprudence citée).

64      Il y a lieu, dès lors, de distinguer les différences de traitement permises au titre de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE des discriminations interdites par l’article 65, paragraphe 3, TFUE. À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’une législation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, EU:C:2012:286, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

65      Il découle de la jurisprudence de la Cour que le caractère comparable d’une situation transfrontalière avec une situation interne doit être examiné en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions nationales en cause ainsi que de l’objet et du contenu de ces dernières (voir, notamment, arrêt du 2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek, C-252/14, EU:C:2016:402, point 48 et jurisprudence citée).

66      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, dès qu’un État assujettit, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, à l’impôt sur le revenu non seulement des contribuables résidents, mais également des contribuables non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits contribuables non-résidents se rapproche de celle des contribuables résidents (arrêts du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, C-284/09, EU:C:2011:670, point 56, ainsi que du 17 septembre 2015, Miljoen e.a., C-10/14, C-14/14 et C-17/14, EU:C:2015:608, point 67 et jurisprudence citée).

67      Le défendeur au principal ainsi que le gouvernement allemand font toutefois valoir que les fonds de pension résidents et les fonds de pension non-résidents ne se trouvent pas dans des situations objectivement comparables au regard de la réglementation en cause au principal.

68      D’une part, à l’instar de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center (C-282/07, EU:C:2008:762), la différence de traitement découlerait de l’application de techniques d’imposition différentes aux résidents et aux non-résidents.

69      D’autre part, il serait justifié d’appliquer un traitement différent aux fonds de pension résidents et non-résidents, dans la mesure où il n’existerait pas de lien direct entre la perception de dividendes en Allemagne et les dépenses que constitueraient les dotations aux provisions mathématiques et aux autres provisions techniques, tel que requis par la jurisprudence de la Cour relative au caractère comparable de la situation des résidents et des non-résidents en ce qui concerne les dépenses directement liées à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre (voir, notamment, arrêts du 31 mars 2011, Schröder, C-450/09, EU:C:2011:198, point 40 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 février 2015, Grünewald, C-559/13, EU:C:2015:109, point 29).

70      En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument selon lequel la différence de traitement découlerait de l’application de techniques d’imposition différentes aux résidents et aux non-résidents, il convient de relever que, si la Cour a dit pour droit, au point 41 de l’arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center (C-282/07, EU:C:2008:762), qu’une différence de traitement consistant dans l’application de techniques d’imposition différentes en fonction du lieu de résidence de l’assujetti concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables, elle n’en a pas moins précisé, aux points 43, 44 et 49 de cet arrêt, que les revenus en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt étaient en tout état de cause imposés qu’ils aient été perçus par un assujetti résident ou par un assujetti non-résident, et que, de surcroît, la différence de techniques d’imposition ne procurait pas nécessairement un avantage aux bénéficiaires résidents.

71      Or, ainsi qu’il ressort des points 57 et 58 du présent arrêt, l’application de la réglementation allemande en cause au principal conduit à ce que les dividendes versés aux fonds de pension résidents se trouvent, en définitive, exonérés en totalité ou en partie d’impôt, tandis que les dividendes versés aux fonds de pension non-résidents sont soumis à une imposition définitive de 15 %.

72      Dès lors, la réglementation nationale en cause au principal ne se limite pas à prévoir des modalités de perception de l’impôt différentes en fonction du lieu de résidence du bénéficiaire des dividendes d’origine nationale. Elle est également susceptible d’entraîner une exonération totale ou quasi totale des dividendes versés aux fonds de pension résidents et, partant, de procurer un avantage à ces derniers.

73      Par conséquent, la différence de traitement en cause au principal ne saurait être justifiée par la différence de situation des fonds de pension résidents et non-résidents au regard de l’application des différentes techniques d’imposition.

74      S’agissant, en second lieu, de l’argument relatif à la différence de situation des fonds de pension résidents et non-résidents quant à la possibilité de prendre en compte les dotations aux provisions pour engagement de retraite en tant que dépenses professionnelles, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, en ce qui concerne les dépenses, telles que des frais professionnels directement liés à une activité ayant généré des revenus imposables dans un État membre, les résidents et les non-résidents de ce dernier sont placés dans une situation comparable (voir, notamment, arrêts du 31 mars 2011, Schröder, C-450/09, EU:C:2011:198, point 40 ; du 8 novembre 2012, Commission/Finlande, C-342/10, EU:C:2012:688, point 37, et du 24 février 2015, Grünewald, C-559/13, EU:C:2015:109, point 29).

75      Or, la juridiction de renvoi indique, dans sa décision de renvoi, que les dispositions de l’article 21 a du KStG relatives aux provisions mathématiques et celles de l’article 21, paragraphe 2, du KStG relatives aux provisions pour ristournes ne sont pas des dispositions autorisant la déduction des dépenses professionnelles et qu’il n’existe pas, en droit allemand, de règle qui prévoit expressément que les dotations aux provisions mathématiques et aux provisions techniques analogues peuvent être déduites des revenus imposables à titre de dépenses déductibles. Ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, la Cour est en principe tenue de se fonder sur les qualifications résultant des dispositions du droit national, telles que précisées dans la décision de renvoi.

76      À cet égard, la situation en cause au principal se distingue de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 novembre 2012, Commission/Finlande (C-342/10, EU:C:2012:688), dans laquelle le législateur national a assimilé explicitement les montants provisionnés en vue de faire face aux engagements en matière de pensions à des dépenses exposées pour acquérir ou conserver le revenu d’une activité économique.

77      Par conséquent, la jurisprudence rappelée au point 74 du présent arrêt est dénuée de pertinence aux fins de l’examen du caractère comparable de la situation d’un fonds de pension non-résident et de celle d’un fonds de pension résident, au regard de la réglementation nationale en cause au principal. Ainsi, la circonstance invoquée par le gouvernement allemand selon laquelle les dotations aux provisions mathématiques et aux autres provisions techniques ne constitueraient pas des dépenses encourues aux fins de générer un revenu au titre de dividendes ne saurait mettre en cause cette comparabilité des situations.

78      Dans ces conditions, il convient de relever que, selon la juridiction de renvoi, lorsque les dividendes distribués augmentent les provisions mathématiques ou d’autres postes du passif, le résultat du fonds de pension demeure inchangé, de telle sorte qu’il n’existe pas d’enrichissement imposable. Elle ajoute que les provisions pour engagements de retraite, qui minorent le résultat imposable, sont la conséquence directe de la perception des dividendes. Partant, selon ladite juridiction, les fonds de pension résidents et non-résidents se trouvent dans une situation comparable du point de vue de la prise en compte des dotations aux provisions mathématiques et aux provisions techniques analogues, aux fins de déterminer leur base d’imposition en ce qui concerne les dividendes qu’ils perçoivent.

79      Il ressort ainsi des informations fournies par la juridiction de renvoi qu’il existe un lien de cause à effet entre la perception de dividendes, l’augmentation des provisions mathématiques et des autres postes du passif et la non-augmentation de la base imposable du fonds résident, dans la mesure où les dividendes qui sont utilisés aux fins de provisions techniques n’augmentent pas le résultat imposable du fonds de pension, ce qui a d’ailleurs été confirmé par le gouvernement allemand lors de l’audience. En effet, selon ce gouvernement, pour une grande part les bénéfices obtenus grâce au placement doivent bénéficier à l’affilié, en ce sens qu’ils ne peuvent pas rester acquis au fonds de pension et que les revenus sont la condition des dépenses au titre des provisions.

80      Une réglementation nationale permettant une exonération en totalité ou en quasi-totalité des dividendes versés à des fonds de pension résidents facilite ainsi l’accumulation des capitaux de tels fonds, alors que, ainsi que l’a relevé le gouvernement allemand lors de l’audience, tous les fonds de pension sont, en principe, tenus d’investir les primes d’assurance sur le marché des capitaux afin de générer des revenus sous la forme de dividendes qui leur permettent de faire face à leurs obligations futures au titre de contrats d’assurance.

81      Or, un fonds de pension non-résident, qui affecte les dividendes perçus au provisionnement des retraites qu’il devra verser dans le futur, de manière délibérée ou en application du droit en vigueur dans son État de résidence, se trouve, à cet égard, dans une situation comparable à celle d’un fonds de pension résident.

82      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans la situation en cause au principal.

83      Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi constaterait que le fonds de pension non-résident se trouve dans une situation comparable à celle du fonds de pension résident du point de vue de l’affectation des dividendes au provisionnement des retraites, encore faudrait-il examiner si la différence de traitement en cause au principal est susceptible, le cas échéant, d’être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir en ce sens, notamment, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C-464/14, EU:C:2016:896, points 54 et 56).

84      À cet égard, tout d’abord, dans la mesure où le gouvernement allemand a fait valoir lors de l’audience que la réglementation en cause au principal s’inscrivait dans le contexte d’une répartition équilibrée des pouvoirs d’imposition entre l’État membre de la source des dividendes et l’État de résidence du fonds de pension, il convient de rappeler que la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et les pays tiers constitue un motif de nature à justifier une restriction à la libre circulation des capitaux, notamment, lorsque les mesures nationales en cause visent à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire [arrêt du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, point 72 et jurisprudence citée].

85      Toutefois, dès lors qu’un État membre a choisi de procéder à l’exonération en totalité ou en quasi-totalité des dividendes versés à des fonds de pension résidents, il ne saurait invoquer la nécessité d’assurer une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et les pays tiers afin de justifier l’imposition des dividendes versés aux fonds de pension non-résidents (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, Commission/Allemagne, C-284/09, EU:C:2011:670, point 78 ; du 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC e.a., C-338/11 à C-347/11, EU:C:2012:286, point 48, ainsi que du 21 juin 2018, Fidelity Funds e.a., C-480/16, EU:C:2018:480, point 71).

86      La nécessité de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et les pays tiers ne saurait, dès lors, être invoquée afin de justifier la restriction à la libre circulation des capitaux en cause au principal.

87      Ensuite, en ce qui concerne la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal, mentionnée par la juridiction de renvoi, qui peut également justifier une réglementation de nature à restreindre les libertés fondamentales, pour autant qu’est établie l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt du 21 juin 2018, Fidelity Funds e.a., C-480/16, EU:C:2018:480, points 79 et 80 ainsi que jurisprudence citée), il suffit d’indiquer que le gouvernement allemand n’a pas invoqué l’existence d’un tel lien direct, nécessaire pour qu’une telle justification puisse prospérer.

88      Enfin, quant à la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général également susceptible de justifier une restriction à la libre circulation des capitaux [arrêt du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, point  74], également évoquée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de relever que le dossier dont dispose la Cour ne contient aucun élément qui permet de considérer qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est propre à réaliser cet objectif.

89      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés ou se traduisent seulement par une augmentation modéré de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif, lorsque le fonds de pension non-résident affecte des dividendes perçus au provisionnement des retraites qu’il devra verser dans le futur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde question

90      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 64, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés ou se traduisent seulement par une augmentation modérée de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif, peut être considérée comme une restriction existant le 31 décembre 1993, aux fins de l’application de cette disposition.

91      En vertu de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, l’article 63 TFUE ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant au 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l’Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés de capitaux.

92      S’agissant du critère temporel établi par l’article 64, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence de la Cour bien établie que, s’il appartient, en principe, au juge national de déterminer le contenu de la législation existante à une date fixée par un acte de l’Union, il appartient à la Cour de fournir les éléments d’interprétation de la notion du droit de l’Union qui constitue la référence pour l’application d’un régime dérogatoire, prévu par ce droit, à une législation nationale « existante » à une date fixée (arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, point 47 et jurisprudence citée).

93      La notion de « restriction existant le 31 décembre 1993 », au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE, suppose que le cadre juridique dans lequel s’insère la restriction en cause ait fait partie de l’ordre juridique de l’État membre concerné d’une manière ininterrompue depuis cette date. En effet, s’il en était autrement, un État membre pourrait, à tout moment, réintroduire les restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance d’États tiers qui existaient dans l’ordre juridique national le 31 décembre 1993, mais qui n’ont pas été maintenues (arrêts du 5 mai 2011, Prunus et Polonium, C-384/09, EU:C:2011:276, point 34 et jurisprudence citée, ainsi que du 20 septembre 2018, EV, C-685/16, EU:C:2018:743, point 74).

94      Cependant, la Cour a déjà dit pour droit que toute mesure nationale adoptée postérieurement à cette date n’est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire instauré par l’acte de l’Union en cause. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que peuvent être assimilées à de telles restrictions « existantes » celles prévues par des dispositions adoptées après ladite date qui, dans leur substance, sont identiques à la législation antérieure ou qui se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés de circulation figurant dans la législation antérieure. En revanche, une législation qui repose sur une logique différente de celle du droit antérieur et met en place des procédures nouvelles ne peut être assimilée à la législation existante à cette date [voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, point 48 ; du 20 septembre 2018, EV, C-685/16, EU:C:2018:743, point 75, ainsi que du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, points 37 et 39 ainsi que jurisprudence citée].

95      À cet égard, la juridiction de renvoi indique que la disposition de l’article 32, paragraphe 1, point 2, du KStG prévoyant le caractère libératoire de la retenue à la source, à l’origine de la différence de traitement entre les fonds de pension résidents et non-résidents, existait déjà le 31 décembre 1993 sous la forme de la disposition de l’article 50, paragraphe 1, point 2, du KStG de 1991, dont le libellé, ainsi que le fonctionnement sont identiques.

96      Toutefois, le CPP fait valoir devant la Cour que le droit allemand ne connaissait pas les fonds de pension au 31 décembre 1993, ceux-ci n’ayant été introduits dans le droit des assurances et dans le KStG qu’avec effet au 1er janvier 2002 et que, avant cette date, il n’existait pas non plus de réglementation fiscale spécifique relative aux fonds de pension.

97      Or, la Cour a déjà dit pour droit que, si, à la date du 31 décembre 1993, les dividendes versés par une société résidente à des entités non-résidentes ont été soumis soit au même traitement que celui appliqué à ceux versés aux entités résidentes, soit à un traitement différent plus favorable que celui appliqué à ceux versés à des entités résidentes, mais que, après cette date, une exonération a été instaurée au bénéfice des dividendes versés à des sociétés résidentes, il convenait de considérer que le critère temporel n’était pas rempli, puisque l’élément constitutif d’une restriction à la libre circulation des capitaux, à savoir l’exonération fiscale, a été introduit ultérieurement, en se départant de la logique de la législation antérieure et en mettant en place une procédure nouvelle (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C-190/12, EU:C:2014:249, points 50 à 52).

98      Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi de vérifier si, en raison de l’introduction d’une réglementation particulière relative aux fonds de pension postérieurement au 31 décembre 1993, la situation des fonds de pension non-résidents est devenue moins avantageuse que la situation des fonds de pension résidents en ce qui concerne les dividendes qui leur sont versés par des sociétés résidentes, de telle sorte qu’il ne saurait être considéré que l’élément constitutif de la restriction en cause en l’espèce existait à cette date. En vue de cette appréciation, la juridiction de renvoi devra tenir compte de ce que les conditions auxquelles une législation nationale doit répondre pour être considérée comme « existante » à la date du 31 décembre 1993, nonobstant une modification du cadre juridique national postérieure à cette date, doivent être interprétées de manière stricte [arrêts du 20 septembre 2018, EV, C-685/16, EU:C:2018:743, point 81, ainsi que du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, point 42].

99      Si tel était le cas, le critère temporel ne peut pas être considéré comme rempli.

100    En ce qui concerne le critère matériel, il importe de rappeler que l’article 64, paragraphe 1, TFUE énonce une liste limitative de mouvements de capitaux susceptibles d’échapper à l’application de l’article 63, paragraphe 1, TFUE et doit, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, faire l’objet d’une interprétation stricte (arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith, C-560/13, EU:C:2015:347, point 21).

101    La Cour a déjà précisé à cet égard que les mouvements de capitaux, à destination ou en provenance de pays tiers, impliquant des investissements de portefeuille ne figurent pas parmi les mouvements de capitaux impliquant les « investissements directs », visés à cet article 64, paragraphe 1, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C-135/17, EU:C:2019:136, point 28].

102    En l’occurrence, la juridiction de renvoi observe que la participation du CPP dans le capital des sociétés distributrices de dividendes n’a jamais dépassé la proportion de 1 %, ce qui correspond aux investissements dits « de portefeuille », lesquels désignent l’acquisition de titres sur le marché des capitaux effectuée dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d’influer sur la gestion et le contrôle de l’entreprise, de telle sorte qu’il ne saurait être considéré qu’une situation, telle que celle en cause au principal, concerne les mouvements de capitaux impliquant les « investissements directs », au sens de cet article 64, paragraphe 1, TFUE.

103    Toutefois, dans la mesure où un fonds de pension est susceptible de fournir des services financiers à ses assurés, il importe encore de vérifier si les mouvements de capitaux, tels que ceux visés par la réglementation en cause au principal, impliquent la prestation de services financiers, au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE.

104    À cet égard, la Cour a dit pour droit que le critère déterminant pour l’application de l’article 64, paragraphe 1, TFUE porte sur le lien de cause à effet qui existe entre les mouvements de capitaux et la prestation de services financiers et non sur le champ d’application personnel de la mesure nationale litigieuse ou son rapport avec le prestataire, plutôt qu’avec le destinataire, de tels services. En effet, le champ d’application de cette disposition est défini par référence aux catégories de mouvements de capitaux susceptibles de faire l’objet de restrictions (arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith, C-560/13, EU:C:2015:347, point 39).

105    Afin de pouvoir relever de ladite dérogation, la mesure nationale doit dès lors porter sur les mouvements de capitaux ayant un lien suffisamment étroit avec la prestation de services financiers, à savoir, un lien de cause à effet entre le mouvement de capitaux et la prestation de services financiers (arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith, C-560/13, EU:C:2015:347, points 43 et 44).

106    Relève ainsi de l’article 64, paragraphe 1, TFUE une législation nationale qui, en s’appliquant à des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, restreint la prestation de services financiers (arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith, C-560/13, EU:C:2015:347, point 45 et jurisprudence citée).

107    S’agissant de l’acquisition de parts dans des fonds d’investissement situés dans un territoire d’outre-mer britannique ainsi que de la perception des dividendes qui en découlent, la Cour a jugé, au point 46 de l’arrêt du 21 mai 2015, Wagner-Raith (C-560/13, EU:C:2015:347), qu’elles impliquent l’existence de prestations de services financiers effectuées par ces fonds d’investissement au profit de l’investisseur concerné. La Cour a précisé qu’un tel investissement permet à l’investisseur concerné, grâce à ces services, notamment, de bénéficier d’une diversification accrue entre différents actifs ainsi que d’une meilleure répartition des risques.

108    Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 100 de ses conclusions, les prises de participation d’un fonds de pension et les dividendes qu’il perçoit à ce titre servent prioritairement au maintien des actifs et à garantir les provisions qu’il constitue, par une diversification accrue et une meilleure répartition des risques, aux fins d’assurer le respect de ses engagements de retraite à l’égard de ses assurés. Ces prises de participation et ces dividendes constituent ainsi, en premier lieu, un moyen auquel recourt un fonds de pension pour pouvoir honorer ses engagements de retraite et non pas un service qu’il fournit à ces assurés.

109    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure qu’il n’existe pas de lien suffisamment étroit sous forme d’un lien de cause à effet, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 104 à 106 du présent arrêt, entre le mouvement de capitaux visé par la réglementation en cause au principal, relative à la perception des dividendes par un fonds de pension, et une prestation de services financiers, au sens de l’article 64, paragraphe 1, TFUE.

110    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 64, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dû ou se traduisent seulement par une augmentation modérée de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif, ne peut pas être considérée comme une restriction existant le 31 décembre 1993, aux fins de l’application de cette disposition.

 Sur les dépens

111    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      Les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés ou se traduisent seulement par une augmentation modérée de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif, lorsque le fonds de pension non-résident affecte des dividendes perçus au provisionnement des retraites qu’il devra verser dans le futur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

2)      L’article 64, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente à un fonds de pension résident, d’une part, sont soumis à une retenue à la source qui peut être intégralement imputée sur l’impôt sur les sociétés dû par ce fonds et donner lieu à un remboursement, lorsque l’impôt prélevé par voie de retenue à la source excède l’impôt sur les sociétés dû par le fonds, et, d’autre part, ne se traduisent pas par une augmentation du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dû ou se traduisent seulement par une augmentation modérée de celui-ci due à la faculté de déduire dudit résultat les provisions pour engagements de retraite, alors que les dividendes versés à un fonds de pension non-résident font l’objet d’une retenue à la source qui constitue pour un tel fonds un impôt définitif, ne peut pas être considérée comme une restriction existant le 31 décembre 1993, aux fins de l’application de cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.