ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
9 septembre 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Huitième directive 79/1072/CEE – Articles 3, 6 et 7 – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Assujettis non établis à l’intérieur du pays – Refus du remboursement de la TVA acquittée – Documents justifiant du droit au remboursement – Absence de présentation des documents justificatifs dans les délais impartis »
Dans l’affaire C-294/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne), par décision du 5 mars 2020, parvenue à la Cour le 1er juillet 2020, dans la procédure
GE Auto Service Leasing GmbH
contre
Tribunal Económico Administrativo Central,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,
avocat général : M. E. Tanchev,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– |
pour GE Auto Service Leasing GmbH, par Mes A. Azpeitia Gamazo et A. Albarrán Jiménez, abogados, |
– |
pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García et Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, O. Serdula et J. Vláčil, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent, |
– |
pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Tassopoulou et S. Trekli ainsi que par M. G. Avdikos, en qualité d’agents, |
– |
pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO 1979, L 331, p. 11, ci-après la « huitième directive TVA »). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GE Auto Service Leasing GmbH (ci-après « Auto Service ») au Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central, Espagne) au sujet du refus de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) facturée par cette société. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La sixième directive TVA
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L’article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2006/18/CE du Conseil, du 14 février 2006 (JO 2006, L 51, p. 12) (ci-après la « sixième directive TVA »), dispose : « 1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. 2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable :
3. Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins :
[...] » |
4 |
Aux termes de l’article 28 septies de ladite directive « [...] 4. Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visé au paragraphe 3 est effectué :
[...] » |
La huitième directive TVA
5 |
L’article 2 de la huitième directive TVA prévoit : « Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 sous a) et b) de la [sixième directive TVA] ou des prestations de services visées à l’article 1er sous b). » |
6 |
L’article 3 de cette directive énonce : « Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti visé à l’article 2 qui n’a effectué aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer à l’intérieur du pays, doit :
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7 |
L’article 4 de ladite directive est ainsi libellé : « Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti visé à l’article 2 qui n’a effectué à l’intérieur du pays aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer dans le pays, autre que des prestations visées à l’article 1er sous a) et b) doit :
[...] » |
8 |
L’article 6 de la même directive dispose : « Les États membres ne peuvent imposer aux assujettis visés à l’article 2, outre les obligations visées aux articles 3 et 4, aucune obligation autre que celle de fournir, dans des cas particuliers, les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement. » |
9 |
Aux termes de l’article 7 de la huitième directive TVA: « 1. La demande de remboursement prévue aux articles 3 et 4 doit concerner des achats de biens ou de services facturés ou des importations effectuées au cours d’une période qui n’est ni inférieure à trois mois ni supérieure à une année civile. La demande peut toutefois porter sur une période de moins de trois mois lorsque cette période constitue le solde d’une année civile. Les demandes peuvent concerner également des factures ou des documents d’importation qui n’ont pas fait l’objet de demandes précédentes et qui concernent des opérations effectuées au cours de l’année civile en question. La demande doit être présentée au service compétent visé à l’article 9 premier alinéa au plus tard dans les six mois qui suivent l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. [...] 3. Le service compétent visé à l’article 9 premier alinéa appose son visa sur chaque facture ou document d’importation afin qu’ils ne puissent pas être réutilisés pour une autre demande et les restitue dans un délai d’un mois. 4. Les décisions concernant les demandes de remboursement doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date de présentation, au service compétent visé au paragraphe 3, de ces demandes accompagnées de tous les documents requis par la présente directive pour instruire la demande. Le remboursement doit être effectué avant l’expiration du délai précité, sur demande du requérant, soit dans l’État membre du remboursement, soit dans l’État où il est établi. Dans ce dernier cas, les frais bancaires d’envoi sont à la charge du requérant. Les décisions de rejet doivent être motivées. Elles peuvent faire l’objet d’un recours devant les instances compétentes de l’État membre concerné, dans les formes et les délais prévus pour les réclamations relatives aux remboursements demandés par les assujettis établis dans cet État. [...] » |
La directive 2006/112/CE
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Les articles 411 et 413 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), prévoient que cette directive abroge la sixième directive TVA et entre en vigueur le 1er janvier 2007. |
La directive 2008/9/CE
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Il ressort de l’article 28, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre (JO 2008, L 44, p. 23), que la directive 2008/9 est applicable aux demandes de remboursement introduites après le 31 décembre 2009 et qu’elle abroge la huitième directive TVA à compter du 1er janvier 2010. |
Le droit espagnol
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L’article 119 de la Ley 37/1992 del Impuesto sobre el Valor Añadido (loi 37/1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée), du 28 décembre 1992 (BOE no 312, du 29 décembre 1992, p. 44247), intitulé « Régime spécial applicable aux remboursements en faveur de certains entrepreneurs ou professionnels non établis sur le territoire d’application de la TVA », énonce : « 1. Les entrepreneurs ou professionnels non établis sur le territoire d’application de la TVA, pour lesquels les conditions énoncées à l’alinéa suivant sont remplies, peuvent exercer le droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qu’ils ont acquittée ou, le cas échéant, qui leur a été répercutée dans ce territoire, conformément aux dispositions du présent article. [...] 2. Les conditions d’exercice du droit au remboursement visé au présent article sont : 1.o Que les entrepreneurs ou professionnels qui entendent s’en prévaloir soient établis dans la Communauté, dans les îles Canaries, à Ceuta ou à Melilla, ou sur d’autres territoires tiers. [...] 2.o Que, pendant la période visée par la demande, [les entrepreneurs ou professionnels] n’aient pas effectué sur le territoire d’application de la TVA des livraisons de biens ou des prestations de services soumises à la TVA autres que celles énumérées ci-après :
[...] 8. Les demandes de remboursement ne peuvent porter que sur les périodes annuelle ou trimestrielle immédiatement antérieures. Toutefois, les demandes de remboursement portant sur une période plus courte sont recevables à condition que la période concernée s’achève le 31 décembre de l’année correspondante. 9. L’administration fiscale peut exiger des intéressés qu’ils fournissent les informations et les pièces justificatives nécessaires pour apprécier le bien-fondé des demandes de remboursement présentées et, en particulier, pour déterminer correctement le montant du remboursement conformément aux paragraphes 4 et 5 du présent article. [...] » |
13 |
L’article 112 de la Ley 30/1992 de Régimen Jurídico de las Administraciones Públicas y del Procedimiento Administrativo Común (loi 30/1992, relative au régime juridique des administrations publiques et à la procédure administrative de droit commun), du 26 novembre 1992 qui figure désormais à l’article 118 de la Ley 39/2015 del Procedimiento Administrativo Común de las Administraciones Públicas (loi 39/2015, relative à la procédure administrative commune des administrations publiques), du 1er octobre 2015 (BOE no 236, du 2 octobre 2015, p. 89343), interdit « de tenir compte, lors de la résolution des recours, de faits, documents ou arguments du requérant que ce dernier aurait pu produire mais n’a pas produits, avec ses observations » et précise que « [l]’administration des preuves ne saurait être demandée si son absence de réalisation au cours de la procédure ayant conduit à la décision attaquée est imputable à l’intéressé ». |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
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Auto Service est une société établie en Allemagne qui, les 30 juin 2006 et 29 juin 2007, a introduit devant la Oficina nacional de gestión tributaria – IVA de no establecidos (bureau national de l’administration fiscale – TVA des assujettis non établis, Espagne) (ci-après l’« administration fiscale espagnole ») des demandes de remboursement de montants de la TVA acquittés par des entrepreneurs ou des professionnels non établis sur le territoire d’application de la taxe au cours des exercices 2005 et 2006 pour un montant total de 407396,469 euros. |
15 |
Le 19 mars 2008, l’administration fiscale espagnole a adressé à Auto Service deux demandes de renseignements afin que celle-ci lui communique les originaux des factures sur la base desquelles Auto Service sollicitait ledit remboursement et lui fournisse des précisions sur les opérations réalisées en Espagne ainsi que sur l’affectation des biens ou des services acquis concernés par la demande de remboursement. |
16 |
Le 12 décembre 2008, Auto Service a indiqué à l’administration fiscale espagnole qu’elle persistait dans sa demande de remboursement, mais qu’elle éprouvait des difficultés à produire les pièces sollicitées. |
17 |
Par décisions du 18 février 2009, notifiées à Auto Service le 21 avril 2009, l’administration fiscale espagnole a rejeté les demandes de remboursement sollicitées par cette société, laquelle a, le 20 février 2009, indiqué à cette administration qu’elle était une entreprise allemande ayant pour activité la fourniture d’automobiles à des entreprises espagnoles en vertu de contrats de crédit-bail, ainsi que la vente occasionnelle de véhicules d’occasion sur le territoire espagnol, tout en joignant à ces éléments d’explication certains justificatifs de factures. |
18 |
Auto Service a introduit un recours gracieux contre les décisions portant rejet des demandes de remboursement et, tout en reconnaissant le caractère tardif de sa réponse aux demandes de renseignements ainsi que précisant que celle-ci était intervenue en tout état de cause avant la notification de ces décisions, elle a joint des factures émises pour les services de location fournis, mais non la totalité des factures sur la base desquelles le remboursement de la TVA était sollicité. |
19 |
Avant de se prononcer sur le recours gracieux, l’administration fiscale espagnole a adressé à Auto Service une nouvelle demande de renseignements le 13 juillet 2009. Cette demande invitait Auto Service à détailler l’affectation des biens et/ou des services acquis pour lesquels un remboursement de la TVA était demandé et à démontrer qu’ils étaient destinés à des opérations ouvrant droit au remboursement. À cet effet, Auto Service a été invitée à produire les contrats conclus avec les clients et les factures émises, une attestation délivrée par les autorités fiscales du pays où elle avait son siège ou son principal établissement certifiant qu’elle était assujettie à la TVA, ainsi que des précisions sur le taux d’imposition auquel son activité était soumise et le pourcentage de déduction applicable en cas de prorata. |
20 |
Auto Service n’a pas répondu à cette nouvelle demande de renseignements. |
21 |
Ne disposant pas de tous les documents requis, le 1er février 2010, l’administration fiscale espagnole a rendu une décision portant rejet du recours gracieux et confirmant le refus de remboursement au motif qu’Auto Service n’avait pas prouvé le bien-fondé de ses demandes. |
22 |
À cet égard, l’administration fiscale espagnole a indiqué à l’intéressée que les documents dont elle demandait la communication étaient destinés à établir la réalité des opérations sur le territoire d’application de la taxe, ainsi que l’affectation des biens et des services à des opérations ouvrant droit à déduction. Cette administration a ajouté que ces documents étaient eux-mêmes destinés à lui permettre de vérifier que les contrats de crédit-bail conclus avec les clients comportaient une option d’achat de biens et les modalités d’achat, à déterminer si les biens objets des contrats se trouvaient sur le territoire d’application de la taxe et si les clients de l’entreprise étaient des entités ou des personnes établies sur le territoire d’application de la taxe. De telles informations étaient également sollicitées pour déterminer si les activités d’Auto Service étaient consacrées au crédit-bail, ainsi que le taux d’imposition dans l’État d’établissement et le pourcentage de déduction applicable. |
23 |
Contestant cette décision, Auto Service a saisi le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central), produisant à cet effet des factures de prestations de services, des contrats de crédit-bail, plusieurs déclarations périodiques de la TVA ainsi que des attestations officielles délivrées par les autorités allemandes de sa qualité d’assujettie jouissant d’un droit à déduction. |
24 |
Le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central) a rejeté les prétentions d’Auto Service, au motif que les éléments de preuve pertinents devaient être produits devant l’organe de gestion compétent et qu’ils ne pouvaient plus l’être au stade de la procédure de réclamation. |
25 |
Le 24 janvier 2013, Auto Service a introduit un recours contentieux administratif devant l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) contre la décision de rejet du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central). Par un arrêt du 22 septembre 2016, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a rejeté ce recours. |
26 |
Pour motiver ce rejet, celle-ci a notamment indiqué qu’il appartient au demandeur du remboursement de la TVA de rapporter la preuve de son droit au remboursement au stade de la procédure administrative et qu’il ne saurait être remédié à son absence de réponse aux demandes de l’administration au stade de la réclamation ou du recours contentieux administratif. |
27 |
Auto Service a formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) contre cet arrêt. |
28 |
Dans son arrêt du 10 septembre 2018, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a relevé que, malgré son caractère quasi juridictionnel, le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central) est un organe de l’administration qui doit être saisi obligatoirement pour pouvoir introduire une action contentieuse. |
29 |
Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a considéré que, sous réserve de l’existence d’un abus de droit, le droit espagnol impose aux juridictions contentieuses administratives de tenir compte des preuves qu’un assujetti n’aurait pas communiquées à l’administration fiscale au stade de l’instruction administrative de son dossier. |
30 |
Le Tribunal Supremo (Cour suprême) a ensuite indiqué que, en matière de TVA, la jurisprudence de la Cour a, sur la base des principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité, donné priorité aux règles matérielles de déduction de la TVA sur les règles formelles. Ainsi, la Cour aurait accepté le droit à déduction ou au remboursement dès lors qu’il était avéré que les règles matérielles concernant de tels droits étaient réunies, quand bien même certaines conditions formelles ne l’étaient pas. |
31 |
Considérant qu’il n’était pas contesté que les conditions du droit à remboursement de la TVA, prévues à l’article 119 de la directive 2006/112, étaient remplies dans l’affaire en cause au principal, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a cassé l’arrêt de l’Audiencia Nacional (Cour centrale) et ordonné que l’affaire concernant Auto Service soit renvoyée devant cette juridiction, de sorte qu’elle statue au vu des éléments de preuve versés au dossier concernant la demande de remboursement de la TVA formulée par cette société. |
32 |
L’Audiencia Nacional (Cour centrale) indique que, si elle devait adopter le raisonnement du Tribunal Supremo (Cour suprême), elle violerait très probablement les dispositions de l’article 3 et de l’article 7 de la huitième directive TVA, dès lors qu’Auto Service n’a pas démontré dans les délais prescrits par cette dernière disposition son droit à remboursement de la TVA, alors même qu’elle a été mise en mesure de le faire par l’administration fiscale espagnole. |
33 |
À cet égard, elle souligne que, si la Cour a déjà jugé que la violation d’obligations formelles ne saurait, en principe, conduire à la perte du droit à déduction, il demeure, toutefois, que de telles conditions formelles peuvent constituer le support matériel de l’exercice de ce droit et qu’elles règlent les modalités et le contrôle de l’exercice dudit droit ainsi que le bon fonctionnement du système de la TVA. |
34 |
La juridiction de renvoi indique que c’est dans cet esprit que la Cour a été amenée à considérer que la possibilité d’exercer le droit à déduction de la TVA sans limitation de temps irait à l’encontre du principe de sécurité juridique, qui exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et à ses obligations à l’égard de l’administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause. |
35 |
Elle indique que, dans la mesure où l’administration fiscale espagnole a pris toutes les mesures nécessaires pour permettre à l’assujetti de produire les documents de nature à établir son droit à remboursement de la TVA et que ce dernier ne l’a pas fait dans les délais impartis à l’article 7, paragraphe 1, de la huitième directive TVA, cet assujetti doit être considéré comme étant forclos dans ses droits, ainsi que la Cour l’a jugé au point 34 de l’arrêt du 21 juin 2012, Elsacom (C-294/11, EU:C:2012:382). |
36 |
À cet égard, la juridiction de renvoi considère que, en tenant compte de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême), en vertu duquel le moment auquel l’assujetti produit les preuves qui fondent sa demande est dénué de pertinence en matière de remboursement de la TVA, il y a lieu d’apprécier si le retard dans la production de ces preuves est injustifié, ce qui pourrait être considéré comme constituant une pratique abusive. |
37 |
Selon cette juridiction, le retard pris par Auto Service dans l’affaire en cause au principal pour produire les preuves de son droit au remboursement pourrait être considéré comme étant révélateur de sa mauvaise foi, en ce qu’elle a sciemment et volontairement caché à l’administration, sans aucune raison apparente, et malgré les nombreuses opportunités qu’elle a eues pour donner suite à sa démarche, les informations qui étaient nécessaires pour obtenir le remboursement de la TVA. |
38 |
Dans ces conditions, l’Audiencia Nacional (Cour centrale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
39 |
À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’Auto Service fait valoir que la demande de décision préjudicielle doit être déclarée irrecevable, dans la mesure où, d’une part, les questions posées par la juridiction de renvoi ont déjà été tranchées par le Tribunal Supremo (Cour suprême) et se heurtent de ce fait à l’autorité de la chose jugée et, d’autre part, la question relative à l’abus de droit est théorique, dès lors que cette question ne s’est jamais posée avant que la Cour n’en soit saisie par la juridiction de renvoi. |
40 |
À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour d’une question d’interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union. Il appartient au seul juge national saisi du litige, qui est le seul à connaître son droit national et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions (voir, en ce sens, arrêts du 5 avril 2016, PFE, C-689/13, EU:C:2016:199, point 32 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 juillet 2020, Antonio Capaldo, C-496/19, EU:C:2020:583, point 16 et jurisprudence citée). |
41 |
Or, la lecture de la décision de renvoi met en évidence que les questions posées par la juridiction de renvoi à la Cour sont directement liées aux faits de l’affaire en cause au principal. |
42 |
Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, une règle de droit national, en vertu de laquelle les juridictions ne statuant pas en dernière instance sont liées par des appréciations portées par la juridiction supérieure, ne saurait enlever à ces juridictions la faculté de la saisir de questions d’interprétation du droit de l’Union concerné par de telles appréciations en droit. La Cour a, en effet, considéré que la juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre, si elle considère que l’appréciation en droit faite au degré supérieur pourrait l’amener à rendre un jugement contraire au droit de l’Union, de la saisir des questions qui la préoccupent (arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C-349/17, EU:C:2019:172, point 52 et jurisprudence citée). |
43 |
Par conséquent, la demande de décision préjudicielle est recevable. |
44 |
De plus, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à la Cour de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont celui-ci est saisi. Dans cette optique, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction de renvoi, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les normes et les principes de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ladite juridiction (arrêt du 11 novembre 2020, DenizBank, C-287/19, EU:C:2020:897, point 59). |
45 |
Dans la motivation de sa décision, la juridiction de renvoi se réfère indistinctement à la directive 2006/112 ainsi qu’à la huitième directive TVA et à la directive 2008/9. Elle s’abstient de spécifier, dans les questions qu’elle pose à la Cour, les dispositions dont elle sollicite l’interprétation. |
46 |
La décision de renvoi met, toutefois, en évidence que les demandes de remboursement de la TVA, qui font l’objet de l’affaire en cause au principal, ont été introduites auprès de l’administration fiscale espagnole, respectivement, le 20 juin 2006 et le 29 juin 2007 et concernent des opérations ayant eu lieu au cours des exercices 2005 et 2006. |
47 |
Or, en application des articles 411 et 413 de la directive 2006/112, cette directive, qui a abrogé la sixième directive TVA, n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2007. De plus, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2008/9, cette directive, qui a abrogé la huitième directive TVA, a vocation à s’appliquer aux demandes de remboursement introduites après le 31 décembre 2009. |
48 |
Il en résulte que seules sont applicables aux faits de l’affaire en cause au principal les dispositions de la sixième directive TVA et de la huitième directive TVA. |
Sur les première et troisième questions
49 |
Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la huitième directive TVA et les principes du droit de l’Union, en particulier, le principe de neutralité fiscale, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une demande de remboursement de la TVA soit rejetée lorsque l’assujetti n’a pas, dans les délais impartis, présenté à l’administration fiscale compétente, même sur demande de cette dernière, tous les documents et renseignements requis par cette directive, indépendamment du fait que ces documents et ces renseignements ont été présentés par cet assujetti, de sa propre initiative, dans le cadre de la réclamation ou du recours juridictionnel contre la décision rejetant un tel droit à remboursement. |
50 |
À cet égard, il convient de souligner que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le droit au remboursement, tout comme le droit à déduction, constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union, qui vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA [arrêt du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de TVA – Factures), C-371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 77]. |
51 |
Ce droit au remboursement de la TVA acquittée dans un autre État membre, tel que régi par la huitième directive TVA, est le pendant du droit, instauré par la sixième directive TVA, de déduire la TVA payée en amont dans son propre État membre [voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2012, Daimler et Widex, C-318/11 et C-319/11, EU:C:2012:666, point 41, ainsi que du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de TVA – Factures), C-371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 78 et jurisprudence citée]. |
52 |
La Cour a itérativement jugé que le droit à déduction et, partant, au remboursement fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont [arrêt du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de TVA – Factures), C-371/19, non publié, EU:C:2020:936, point 79 et jurisprudence citée]. |
53 |
En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction ou le remboursement de la TVA en amont soit accordé si les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles ont été omises par les assujettis. Il peut, cependant, en aller autrement si la violation de telles exigences formelles a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites [arrêt du 18 novembre 2020, Commission/Allemagne (Remboursement de TVA – Factures), C-371/19, non publié, EU:C:2020:936, points 80 et 81 ainsi que jurisprudence citée]. |
54 |
Il ressort des articles 3 et 4 de la huitième directive TVA qu’un assujetti ne peut bénéficier du remboursement de la TVA que s’il remplit les obligations prévues à ces articles, lesquelles incluent la présentation des originaux des factures ou des documents d’importation des opérations soumises à la TVA dans l’État membre de remboursement. |
55 |
À cet égard, la décision de renvoi met en évidence que, à deux reprises, le 19 mars 2008 et, à la suite du rejet initial des demandes de remboursement dans le cadre du recours gracieux formé par Auto Service, le 13 juillet 2009, l’administration fiscale espagnole a demandé à cette société qu’elle produise des éléments de preuve complémentaires à ses demandes initiales, notamment, la production de la totalité des factures sur lesquelles ces demandes se fondaient, ainsi qu’un document de l’État membre du siège de ladite société, attestant que cette dernière était assujettie à la TVA. Cependant, ladite société n’a pas présenté à l’administration fiscale tous les documents et renseignements requis. En revanche, il ressort de la décision de renvoi que ces renseignements et ces documents ont été présentés par Auto Service dans le cadre de la procédure engagée devant le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central). |
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Il s’ensuit que le litige en cause au principal porte non pas sur la violation d’exigences formelles empêchant d’apporter la preuve que les exigences de fond du droit au remboursement de la TVA ont été satisfaites, mais sur la date à laquelle cette preuve peut être apportée. |
57 |
À cet égard, la Cour a déjà jugé que les dispositions de la sixième directive TVA ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit à déduction de la TVA peut être refusé à des assujettis qui détiennent des factures incomplètes, même si ces dernières sont complétées par la production d’informations visant à prouver la réalité, la nature et le montant des opérations facturées après que l’administration fiscale a adopté une décision de refus du droit à déduction (arrêt du 8 mai 2013, Petroma Transports e.a., C-271/12, EU:C:2013:297, points 34 à 36). Cela étant, ces mêmes dispositions n’interdisent pas non plus aux États membres d’accepter la rectification d’une facture incomplète après que l’administration fiscale a adopté une telle décision de refus (arrêt du 14 février 2019, Nestrade, C-562/17, EU:C:2019:115, point 33). |
58 |
Ainsi, il convient de considérer, par analogie, que les dispositions de la huitième directive TVA ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit au remboursement de la TVA peut être refusé lorsqu’un assujetti ne fournit pas, sans justification raisonnable et nonobstant les demandes d’information qui lui ont été adressées, les documents permettant de prouver que les conditions de fond pour obtenir ce remboursement sont remplies, avant que l’administration fiscale adopte sa décision. Toutefois, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que les États membres acceptent la fourniture de tels éléments de preuve après cette décision. |
59 |
Dès lors qu’elle n’est pas régie par la huitième directive TVA, l’instauration de mesures nationales refusant de prendre en compte les éléments de preuve fournis après que la décision rejetant une demande de remboursement a été adoptée relève de l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition, toutefois, qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, par analogie, arrêt du 14 février 2019, Nestrade, C-562/17, EU:C:2019:115, point 35). |
60 |
S’agissant, tout d’abord, du principe d’effectivité, il convient de relever, d’une part, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la possibilité d’introduire une demande de remboursement des excédents de la TVA sans aucune limitation dans le temps irait à l’encontre du principe de sécurité juridique qui exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses droits et à ses obligations à l’égard de l’administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause (arrêt du 14 février 2019, Nestrade, C-562/17, EU:C:2019:115, point 41 et jurisprudence citée). |
61 |
En l’occurrence, l’administration fiscale espagnole a demandé, par deux fois, à Auto Service de lui fournir les informations manquantes et qui lui étaient nécessaires pour apprécier le droit au remboursement de la TVA en cause au principal. Il ne ressort pas de la décision de renvoi que le délai de réponse à ces demandes ait été manifestement insuffisant ni qu’Auto Service ait averti cette administration qu’elle n’était pas en possession de ces informations. Dans ces conditions, il convient de constater que cette administration fiscale a déployé, sans succès, la diligence nécessaire pour obtenir les éléments permettant d’établir le bien-fondé de la demande de remboursement présentée par Auto Service. Partant, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il n’a pas été rendu en pratique impossible ou excessivement difficile à Auto Service d’exercer son droit au remboursement de la TVA. |
62 |
Par ailleurs, il appartient également à la juridiction de renvoi de vérifier si le principe d’équivalence, qui exige que les dispositions procédurales nationales régissant le remboursement de la TVA sur la base de la huitième directive TVA ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne, est respecté en l’occurrence (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Bankia, C-910/19, EU:C:2021:433, points 46 et 47). |
63 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et troisième questions que les dispositions de la huitième directive TVA et les principes du droit de l’Union, en particulier le principe de neutralité fiscale, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une demande de remboursement de la TVA soit rejetée lorsque l’assujetti n’a pas, dans les délais impartis, présenté à l’administration fiscale compétente, même sur demande de cette dernière, tous les documents et les renseignements requis pour prouver son droit au remboursement de la TVA, indépendamment du fait que ces documents et renseignements ont été présentés par cet assujetti, de sa propre initiative, dans le cadre de la réclamation ou du recours juridictionnel contre la décision rejetant un tel droit à remboursement, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité soient respectés, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. |
Sur la deuxième question
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Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que le fait pour un assujetti réclamant le remboursement de la TVA de ne pas produire au cours de la procédure administrative les documents demandés par l’administration fiscale, mais de le faire spontanément au cours des procédures ultérieures, est constitutif d’un abus de droit. |
65 |
Il importe de rappeler que la Cour a itérativement jugé que les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Dès lors, il appartient aux autorités et aux juridictions nationales de refuser le bénéfice du droit à remboursement s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce droit est invoqué frauduleusement ou abusivement (voir, par analogie, arrêt du 28 juillet 2016, Astone, C-332/15, EU:C:2016:614, point 50 et jurisprudence citée). |
66 |
À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le domaine de la TVA, la constatation de l’existence d’une pratique abusive exige la réunion de deux conditions à savoir, d’une part, que les opérations en cause, malgré l’application formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de la directive 2006/112 et de la législation nationale la transposant, aient pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par ces dispositions et, d’autre part, qu’il résulte d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause se limite à l’obtention de cet avantage fiscal (arrêt du 10 juillet 2019, Kuršu zeme, C-273/18, EU:C:2019:588, point 35 et jurisprudence citée). |
67 |
En l’occurrence, la constatation d’un éventuel abus commis par Auto Service n’est pas liée aux opérations qui ont donné lieu aux demandes de remboursement de la TVA, mais à la procédure qui entoure le contentieux lié à cette demande. |
68 |
Dans cette perspective, il y a lieu de considérer que le simple fait que l’assujetti fournisse les documents et les renseignements prouvant que les conditions de fond de son droit au remboursement de la TVA sont remplies, après que la décision lui refusant ce remboursement a été adoptée par l’autorité administrative compétente, ne saurait être considérée, en tant que telle, comme une pratique abusive, au sens du point 66 du présent arrêt. En effet, il suffit de constater qu’il n’apparaît pas, au vu du dossier soumis à la Cour, que ce simple fait était destiné à obtenir un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à la finalité poursuivie par les dispositions du droit de l’Union prévoyant l’octroi d’un tel avantage. |
69 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que le fait pour un assujetti réclamant le remboursement de la TVA de ne pas produire au cours de la procédure administrative les documents demandés par l’administration fiscale, mais de le faire spontanément au cours des procédures ultérieures, n’est pas constitutif d’un abus de droit. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.