ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
24 mars 2022 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 9 – Assujetti – Articles 295 et 296 – Régime forfaitaire des producteurs agricoles – Conjoints exerçant une activité agricole en utilisant des biens faisant partie de la communauté conjugale – Possibilité pour ces conjoints d’être considérés comme des assujettis distincts à la TVA – Choix de l’un des conjoints de renoncer au statut d’agriculteur forfaitaire et de placer son activité sous le régime normal de la TVA – Perte pour l’autre conjoint du statut d’agriculteur forfaitaire »
Dans l’affaire C-697/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 22 juillet 2020, parvenue à la Cour le 21 décembre 2020, dans la procédure
W.G.
contre
Dyrektor Izby Skarbowej w L.,
LA COUR (sixième chambre),
composée de Mme I. Ziemele, présidente de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
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pour W.G., par M. T. Miłek, doradca podatkowy, |
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pour le Dyrektor Izby Skarbowej w L., par M. M. Kołaciński, |
– |
pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et M. Siekierzyńska, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
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La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9, 295 et 296 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant W.G. au Dyrektor Izby Skarbowej w L. (directeur de la chambre fiscale de L., Pologne) au sujet de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente à certains mois de l’année 2011. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
L’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA dispose : « Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. » |
4 |
Le titre XII de cette directive, relatif aux « régimes particuliers », comprend, notamment, un chapitre 2, intitulé « Régime commun forfaitaire des producteurs agricoles », dans lequel figurent les articles 295 à 305 de ladite directive. |
5 |
L’article 295, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit : « Aux fins du présent chapitre, sont considérés comme :
[...] » |
6 |
L’article 296, paragraphes 1 et 2, de cette directive énonce : « 1. Les États membres peuvent appliquer aux producteurs agricoles pour lesquels l’assujettissement au régime normal de la TVA ou, le cas échéant, au régime particulier prévu au chapitre 1 se heurterait à des difficultés, un régime forfaitaire visant à compenser la charge de la TVA payée sur les achats de biens et services des agriculteurs forfaitaires, conformément au présent chapitre. 2. Chaque État membre peut exclure du régime forfaitaire certaines catégories de producteurs agricoles, ainsi que les producteurs agricoles pour lesquels l’application du régime normal de la TVA ou, le cas échéant, des modalités simplifiées prévues à l’article 281 ne présente pas de difficultés administratives. » |
Le droit polonais
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Aux termes de l’article 15 de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur la TVA ») : « 1. Sont considérées comme assujetties les personnes morales, les entités organisationnelles n’ayant pas la personnalité juridique et les personnes physiques qui exercent, d’une façon indépendante, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. [...] 4. Dans le cas de personnes physiques exerçant exclusivement une activité d’exploitation agricole, sylvicole ou de pêche, sont considérées comme assujetties les personnes ayant rempli une déclaration d’enregistrement telle que mentionnée à l’article 96, paragraphe 1. 5. La disposition du paragraphe 4 s’applique mutatis mutandis aux personnes physiques exerçant exclusivement une activité agricole dans des circonstances autres que celles mentionnées audit paragraphe. [...] » |
8 |
Selon l’article 43, paragraphe 1, de cette loi : « Sont exonérées : [...]
[...] » |
9 |
L’article 96 de ladite loi prévoit : « 1. Les entités visées à l’article 15 sont tenues de déposer une déclaration d’enregistrement auprès du directeur du centre des impôts avant la date d’exercice de la première activité visée à l’article 5, sous réserve du paragraphe 3. 2. Dans le cas des personnes physiques visées à l’article 15, paragraphes 4 et 5, la déclaration d’enregistrement ne peut être remplie que par l’une des personnes au nom desquelles les factures d’achat de biens et de services seront émises et qui émettront des factures de vente de produits agricoles. [...] » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
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Le 31 décembre 2010, W.G., qui exploitait, dans deux des six poulaillers d’une exploitation agricole possédée en communauté avec son conjoint, un élevage de poulets de chair, a déposé la déclaration d’enregistrement à la TVA visée à l’article 96 de la loi sur la TVA, renonçant ainsi au statut d’agriculteur forfaitaire qui était le sien jusqu’alors. En revanche, le conjoint de W.G. qui exploitait également, dans les quatre autres poulaillers de cette exploitation, sous le statut d’agriculteur forfaitaire, un élevage de poulets de chair, s’est abstenu de procéder à une telle démarche. |
11 |
Le 29 août 2016, W.G. a déposé des demandes de régularisations de TVA, en demandant que soit constaté un excédent de TVA versée pour les mois de février, avril, juin, août, octobre et novembre 2011. |
12 |
Par décision du 26 octobre 2016, le directeur compétent du centre des impôts a refusé de faire droit à cette demande. Ce refus a été confirmé par une décision du directeur compétent de la chambre fiscale de L., du 28 février 2017. Cette dernière autorité a considéré que, dès lors que W.G. avait déposé la déclaration d’enregistrement et était assujettie au régime normal de la TVA, c’est elle qui possédait le statut d’assujettie à la TVA au titre de l’exercice de son activité agricole dans le cadre de l’exploitation agricole faisant partie de la propriété commune des conjoints. Ainsi, le dépôt, par W.G., de la déclaration d’enregistrement produisait également des effets à l’égard de son conjoint, ce dernier ayant, de ce fait, perdu le statut d’agriculteur forfaitaire. |
13 |
Le recours introduit par W.G. contre cette dernière décision devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w L. (tribunal administratif de voïvodie de L., Pologne) a été rejeté par un jugement du 17 août 2017. Cette juridiction a en effet jugé que, lorsque, dans le cadre d’une exploitation agricole commune, des conjoints ayant adopté le régime légal de la communauté de biens exercent une activité agricole de même nature, un seul des conjoints peut être assujetti à la TVA. La circonstance que, en l’occurrence, W.G. et son conjoint exploitaient des poulaillers différents au sein de l’exploitation agricole serait indifférente à cet égard. |
14 |
W.G. a introduit un pourvoi en cassation devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), la juridiction de renvoi. |
15 |
Cette juridiction indique que la question posée est de savoir si, dans le cadre de l’exploitation agricole commune d’un couple marié, l’un des conjoints peut être imposé selon le régime normal de la TVA et l’autre bénéficier du régime forfaitaire des producteurs agricoles, ou si la renonciation au régime forfaitaire par l’un produit nécessairement des effets pour l’autre. |
16 |
Selon ladite juridiction, il ressort de l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la loi sur la TVA ainsi que de l’article 9 de la directive TVA que la qualification d’une entité comme étant « assujettie » suppose que celle-ci exerce une activité économique d’une façon indépendante. Ainsi, ces dispositions, prises isolément, ne s’opposeraient pas à l’activité de deux assujettis distincts au sein d’une même exploitation agricole, pour autant qu’ils exercent leur activité d’une façon indépendante. |
17 |
Toutefois, la juridiction de renvoi précise que, dans le cas des personnes physiques visées à l’article 15, paragraphes 4 et 5, de la loi sur la TVA, l’article 96 de cette loi prévoit que la déclaration d’enregistrement ne peut être remplie que par l’une des personnes au nom desquelles seront émises les factures d’achat de biens et de services et qui émettront les factures de vente de produits agricoles ou de prestations de services. Ainsi que l’a confirmé la jurisprudence nationale, il découlerait de ces dispositions que seule la personne ayant déposé la déclaration d’enregistrement peut avoir la qualité d’assujettie et que, par suite, le cumul de deux personnes assujetties au sein d’une même exploitation agricole n’est pas admis. |
18 |
Cette juridiction estime qu’aucune disposition de la directive TVA ne permet expressément d’introduire un tel régime, qui conduit à réserver un traitement particulier aux exploitations agricoles. Cela étant, ce régime permettrait de prévenir la survenance d’abus consistant à diviser une exploitation agricole en plusieurs entités et de mettre en œuvre des objectifs visés par le régime forfaitaire des producteurs agricoles, tels que la simplification des procédures administratives pour les agriculteurs. |
19 |
Ladite juridiction s’interroge en outre sur la pertinence du fait que W.G. et son conjoint avaient des comptes bancaires distincts aux fins des élevages exploités et qu’ils géraient séparément les ressources destinées à l’élevage. Ainsi, les élevages seraient distincts d’un point de vue économique, financier et organisationnel, chaque élevage fonctionnant comme une entreprise indépendante. |
20 |
Nourrissant, dès lors, des doutes quant à la conformité avec la directive TVA du régime prévu à l’article 15, paragraphes 4 et 5, de la loi sur la TVA, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes : « 1) Les dispositions de la directive [TVA], et notamment ses articles 9, 295 et 296, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la pratique nationale développée sur le fondement de l’article 15, paragraphes 4 et 5, de [la loi sur la TVA], qui exclut que des conjoints qui exercent une activité agricole, dans le cadre d’une exploitation agricole, en utilisant des biens faisant partie de la communauté conjugale, puissent être considérés comme des assujettis distincts à la TVA ? 2) Est-il pertinent, aux fins de la réponse à la première question, que, en vertu de la pratique nationale, le choix de l’un des conjoints de placer son activité sous le régime général de la TVA entraîne pour l’autre conjoint la perte de son statut d’agriculteur forfaitaire ? 3) Importe-t-il, aux fins de la réponse à la première question, qu’il soit possible de dissocier clairement les biens que chacun des conjoints utilise, de façon autonome et indépendante, pour les besoins de son activité économique ? » |
Sur les questions préjudicielles
21 |
Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 9, 295 et 296 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique d’un État membre qui exclut que des conjoints exerçant une activité agricole dans le cadre d’une même exploitation, en utilisant des biens faisant partie de la communauté conjugale, puissent être considérés comme étant des assujettis distincts à la TVA, y compris dans le cas où il est possible de dissocier les biens que chacun des conjoints utilise pour les besoins de sa propre activité, avec pour conséquence que, en vertu de cette pratique, dans des circonstances dans lesquelles les conjoints exercent une activité agricole sous le régime forfaitaire des producteurs agricoles, le choix de l’un des conjoints de placer son activité sous le régime normal de la TVA entraîne pour l’autre conjoint la perte du statut d’agriculteur forfaitaire. |
22 |
Aux fins de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, est considéré comme « assujetti » quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. |
23 |
À cet égard, il est de jurisprudence constante que l’article 9 de la directive TVA assigne un champ d’application très large à la TVA (arrêts du 21 avril 2005, HE, C-25/03, EU:C:2005:241, point 40, ainsi que du 13 juin 2018, Polfarmex, C-421/17, EU:C:2018:432, point 39 et jurisprudence citée). Une activité est, en règle générale, qualifiée d’« économique », au sens de cet article 9, lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (arrêt du 13 juin 2018, Polfarmex, C-421/17, EU:C:2018:432, point 38 et jurisprudence citée). Par ailleurs, pour constater l’indépendance de l’exercice d’une activité économique, il convient de contrôler si la personne concernée accomplit ses activités en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, et si elle supporte le risque économique lié à l’exercice de ces activités (arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C-340/15, EU:C:2016:764, point 28 ainsi que jurisprudence citée). Enfin, la qualité d’assujetti doit être exclusivement appréciée sur la base des critères énoncés audit article 9 (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, HE, C-25/03, EU:C:2005:241, point 41). |
24 |
Il découle de la jurisprudence rappelée au point précédent qu’une personne exerçant une activité agricole dans le cadre d’une exploitation qu’elle possède avec son conjoint au titre de la communauté conjugale a la qualité d’assujettie, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive TVA, lorsque cette activité est exercée de façon indépendante dès lors que la personne concernée agit en son propre nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, en assumant seule le risque économique lié à l’exercice de son activité. |
25 |
Peut constituer un indice pertinent à ce titre le fait que les conjoints gèrent séparément les ressources destinées aux élevages exploités, ces derniers étant distincts d’un point de vue économique, financier et organisationnel. En revanche, est dénuée de pertinence la seule circonstance que ces conjoints exercent leurs activités dans le cadre d’une même exploitation agricole que ceux-ci possèdent au titre de la communauté conjugale. |
26 |
La conclusion tirée au point 24 du présent arrêt n’est pas remise en cause par les articles 295 et 296 de la directive TVA, qui font partie des dispositions de cette directive relatives au régime commun forfaitaire des producteurs agricoles. |
27 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, tandis que l’article 295, paragraphe 1, de cette directive définit des notions pertinentes en vue de l’application de ce régime, l’article 296 de ladite directive prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres peuvent appliquer aux producteurs agricoles pour lesquels l’assujettissement notamment au régime normal de la TVA se heurterait à des difficultés, un régime forfaitaire visant à compenser la charge de la TVA payée sur les achats de biens et services des agriculteurs forfaitaires, et ajoute, à son paragraphe 2, que chaque État membre peut exclure du régime forfaitaire certaines catégories de producteurs agricoles ainsi que les producteurs agricoles pour lesquels l’application notamment du régime normal de la TVA ne présente pas de difficultés administratives. |
28 |
Or, il ne saurait être déduit de ces dispositions qu’un État membre peut restreindre, dans le cas d’une activité exercée dans le cadre d’une exploitation agricole, la possibilité pour une personne de s’enregistrer comme assujetti à la TVA au seul motif que son conjoint utilise cette même exploitation pour ses propres activités soumises à la TVA. |
29 |
Partant, n’est, en principe, pas compatible avec la directive TVA une pratique d’un État membre qui exclut que des conjoints exerçant une activité agricole dans le cadre d’une même exploitation, en utilisant des biens faisant partie de la communauté conjugale, puissent être considérés comme étant des assujettis distincts à la TVA. |
30 |
Cela étant, la particularité de l’affaire au principal réside dans le fait que l’un des conjoints exerce son activité sous le régime normal de la TVA tandis que l’autre conjoint entend demeurer sous le régime forfaitaire des producteurs agricoles. Dès lors, il y a lieu d’examiner si un État membre peut, afin d’éviter l’existence concomitante de deux statuts différents dans le chef de conjoints, prévoir que la renonciation, par l’un des conjoints, au régime forfaitaire des producteurs agricoles a pour effet de faire perdre à l’autre conjoint son statut d’agriculteur forfaitaire. |
31 |
La juridiction de renvoi précise que la pratique en cause au principal vise à prévenir des abus qui peuvent être liés à la division d’une exploitation agricole en plusieurs entités dans le but que l’un des conjoints bénéficie du régime forfaitaire des producteurs agricoles alors que l’autre a, sous le régime normal de la TVA, droit à la déduction de la taxe payée en amont. |
32 |
À cet égard, il convient de relever que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale ainsi que les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive TVA [arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C-430/19, EU:C:2020:429, point 42 et jurisprudence citée]. Cependant, la pratique en cause au principal, en ce qu’elle a, en cas d’enregistrement de l’un des conjoints au régime normal de la TVA, en tout état de cause pour conséquence que l’autre conjoint perd le statut d’agriculteur forfaitaire, revient, en définitive, à une présomption générale de fraude devant être considérée comme disproportionnée pour atteindre l’objectif consistant à prévenir la fraude (voir, par analogie, arrêts du 11 juin 2020, SCT, C-146/19, EU:C:2020:464, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C-868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 63). |
33 |
Par conséquent, dans des circonstances telles que celles au principal, il incombe à l’administration fiscale compétente d’examiner si, compte tenu de la situation concrète, la perte du statut d’agriculteur forfaitaire de l’autre conjoint s’avère nécessaire pour contrer des risques d’abus et de fraude qui ne peuvent être écartés par la production, par les conjoints, d’éléments de preuve appropriés démontrant, notamment, que chacun d’eux exerce son activité de façon indépendante. |
34 |
Il convient d’ajouter, ainsi qu’il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, que l’article 296 de la directive TVA prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres « peuvent appliquer » aux producteurs agricoles pour lesquels l’assujettissement au régime normal de la TVA se heurterait à des difficultés un régime forfaitaire, et précise, à son paragraphe 2, que chaque État membre « peut exclure » du régime forfaitaire, notamment, les producteurs agricoles pour lesquels l’application du régime normal de la TVA ne présente pas de difficultés administratives. |
35 |
Par ailleurs, la Cour a jugé que le régime commun forfaitaire des producteurs agricoles est un régime dérogatoire qui constitue une exception au régime normal de la TVA et qui, dès lors, ne doit être appliqué que dans la mesure nécessaire pour atteindre son objectif. Parmi les deux objectifs assignés à ce régime figure celui tenant à un impératif de simplification, lequel doit être concilié avec celui de la compensation de la charge de TVA supportée en amont par les agriculteurs (arrêt du 12 octobre 2016, Nigl e.a., C-340/15, EU:C:2016:764, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée). |
36 |
Partant, si l’examen d’une situation concrète telle que celle en cause au principal révèle que l’exercice par des conjoints d’une activité agricole dans le cadre d’une même exploitation et en utilisation des biens faisant partie de la communauté conjugale, de façon indépendante et chacun dans le cadre du régime normal de la TVA, ne présente pas de difficultés administratives par rapport à la situation où l’un serait placé sous ce régime normal et l’autre sous le régime forfaitaire, l’État membre concerné peut valablement décider que la renonciation, par l’un des conjoints, au régime forfaitaire a pour effet de faire perdre à l’autre conjoint son statut d’agriculteur forfaitaire. |
37 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 9, 295 et 296 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens :
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Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit : |
Les articles 9, 295 et 296 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le polonais.