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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

6 octobre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Prestation de services effectuée à titre onéreux – Exonérations – Article 135, paragraphe 1, sous b) – Octroi de crédits – Contrat de sous-participation »

Dans l’affaire C-250/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 27 octobre 2020, parvenue à la Cour le 21 avril 2021, dans la procédure

Szef Krajowej Administracji Skarbowej

contre

O. Fundusz Inwestycyjny Zamknięty reprezentowany przez O S.A.,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, MM. S. Rodin, J.-C. Bonichot, Mmes L. S. Rossi et O. Spineanu-Matei (rapporteure), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mars 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour Szef Krajowej Administracji Skarbowej, par M. B. Kołodziej, Mme D. Pach et M. T. Wojciechowski,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme A. Kramarczyk-Szaładzińska et M. B. Majczyna, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia, B. Sasinowska et M. Siekierzyńska, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 12 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Szef Krajowej Administracji Skarbowej (chef de l’administration nationale des impôts, Pologne) (ci-après l’« autorité fiscale ») à O. Fundusz Inwestycyjny Zamknięty reprezentowany przez O S.A. (ci-après le « fonds O ») au sujet de la qualification, aux fins de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des services fournis en vertu d’un contrat de sous-participation.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

4        L’article 24, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Est considérée comme “prestation de services” toute opération qui ne constitue pas une livraison de biens. »

5        Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de ladite directive :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

b)      l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés ».

 Le droit national

 La loi sur la TVA

6        L’article 43, paragraphe 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur la TVA »), dispose :

« Sont exonérés de la taxe :

[...]

38)      les services d’octroi de crédits et de prêts financiers et les services de courtage concernant l’octroi de crédits ou de prêts financiers, ainsi que la gestion de crédits ou de prêts financiers effectuée par l’entité octroyant ces crédits ou ces prêts ;

39)      les services consistant à fournir des cautions, des garanties et toute autre sûreté pour des opérations financières et d’assurance et les services de courtage concernant ces services, ainsi que la gestion des garanties de crédit par l’entité octroyant ces crédits ou ces prêts 

[...] »

 La loi relative aux fonds d’investissement et à la gestion des fonds d’investissement alternatifs

7        L’article 183, paragraphe 4, de l’ustawa o funduszach inwestycyjnych i zarządzaniu alternatywnymi funduszami inwestycyjnymi (loi relative aux fonds d’investissement et à la gestion des fonds d’investissement alternatifs), du 27 mai 2004 (Dz. U. de 2004, no 146, position 1546), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Le contrat portant sur le transfert au fonds de toutes les prestations que l’initiateur de la titrisation ou le titulaire des créances titrisées a reçues au titre d’un panier de créances spécifié ou de créances spécifiées (contrat de sous-participation) doit prévoir l’obligation de ces derniers de transférer au fonds :

1)      les fruits des créances titrisées dans leur intégralité ;

2)      les montants en principal des créances titrisées ;

3)      les montants obtenus au titre de la réalisation des garanties des créances titrisées – lorsque le désintéressement de l’initiateur de la titrisation ou du titulaire des créances titrisées résulte de la réalisation des garanties. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        Le fonds O est un fonds de titrisation non standardisé, au sens des articles 183 et suivants de la loi relative aux fonds d’investissement et à la gestion des fonds d’investissement alternatifs, dans sa version applicable au litige au principal. Ayant envisagé la conclusion de contrats de sous-participation avec des banques ou des fonds d’investissement, il a adressé au ministre des Finances polonais une demande de rescrit fiscal, qui visait l’interprétation de l’article 43, paragraphe 1, points 38 et 39, de la loi sur la TVA, aux fins de savoir si les prestations qu’il devait fournir en qualité de sous-participant au titre de ces contrats pouvaient bénéficier d’une exonération de la TVA au regard de cette disposition.

9        Selon le fonds O, par la conclusion du contrat de sous-participation, l’initiateur s’engage à transférer au sous-participant tous les produits issus des créances spécifiées à ce contrat en échange d’un apport financier convenu contractuellement qu’il reçoit de la part de ce dernier, dès la conclusion dudit contrat. Les titres de créance restent dans les actifs de l’initiateur. La différence entre l’apport financier versé à l’initiateur et le montant obtenu, pendant la durée du contrat, par le sous-participant constitue sa rétribution. Le mécanisme de la sous-participation répondrait ainsi à une double fonction, à savoir, d’une part, celle d’instrument de crédit, l’initiateur recevant des liquidités à l’avance en contrepartie de son engagement de transférer au sous-participant les produits des créances concernées et, d’autre part, celle de couverture du risque, dans la mesure où ces liquidités seraient libérées du risque de crédit attaché auxdites créances.

10      Partant, de l’avis du fonds O, les services fournis au titre des contrats de sous-participation seraient exonérés de la TVA sur le fondement de l’article 43, paragraphe 1, points 38 et 39, de la loi sur la TVA soit en tant qu’instruments financiers analogues aux contrats de crédit, soit en tant que services assurant la prise en charge du risque d’insolvabilité des débiteurs.

11      Par rescrit fiscal du 30 décembre 2015, le ministre des Finances polonais a considéré au contraire, d’une part, qu’un contrat de sous-participation ne pouvait être assimilé à un contrat de crédit dans la mesure où, premièrement, la créance faisant l’objet du contrat reste dans les actifs de l’initiateur, deuxièmement, le contrat de sous-participation comporte, contrairement à un contrat de crédit, une spécification claire de l’origine des fonds qui serviront au désintéressement du sous-participant et, troisièmement, en cas de faillite du débiteur, le sous-participant ne jouit pas d’un droit de créance, à l’égard de l’initiateur, relatif au remboursement des montants restants dus. Dès lors, un contrat de sous-participation dont l’objet consiste en un droit de participation sur des paiements spécifiques que l’initiateur s’engage à transférer au sous-participant ne comporterait pas d’activités analogues à celles visées à l’article 43, paragraphe 1, point 38, de la loi sur la TVA.

12      D’autre part, de l’avis du ministre des Finances polonais, lorsque le sous-participant fournit ses services, aucune caution, garantie ou autre sûreté n’est constituée au profit de l’initiateur, de telle sorte que ses activités ne relèvent pas non plus de l’article 43, paragraphe 1, point 39, de la loi sur la TVA.

13      Par conséquent, selon le ministre des Finances polonais, les opérations décrites par le fonds O dans sa demande de rescrit fiscal ne relevaient d’aucune des exonérations de TVA prévues à l’article 43, paragraphe 1, points 38 et 39, de la loi sur la TVA et devaient être soumises au taux de base de 23 %.

14      Le fonds O a saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne) d’un recours dirigé contre le rescrit fiscal du 30 décembre 2015.

15      Par jugement du 25 mai 2017, cette juridiction a annulé ce rescrit. Elle a jugé que le contrat de sous-participation constituait un instrument financier analogue aux contrats de crédit, dont l’objet principal est celui de financer l’initiateur et de lui assurer l’accès immédiat à des capitaux avec l’obligation de les rembourser. Le fait que la créance reste dans les actifs de l’initiateur serait sans pertinence au regard de l’objectif économique du contrat. En contrepartie du transfert des fonds à l’initiateur, le sous-participant bénéficierait d’un avantage économique sous forme de revenus excédant le montant du capital engagé. Une telle opération serait exonérée de la TVA au titre de l’article 43, paragraphe 1, point 38, de la loi sur la TVA au motif qu’elle réunit les éléments essentiels d’un octroi de crédit. En revanche, dans la mesure où, en vertu d’un contrat de sous-participation, aucune caution, garantie ou autre sûreté n’est constituée au profit de l’initiateur, l’exonération prévue à l’article 43, paragraphe 1, point 39, de la loi sur la TVA ne trouverait pas à s’appliquer en l’occurrence.

16      L’autorité fiscale a formé un pourvoi contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne).

17      Cette juridiction précise que l’article 43, paragraphe 1, point 38, de la loi sur la TVA transpose, dans la législation polonaise, l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA.

18      Selon ladite juridiction, du point de vue économique, un contrat de sous-participation tel que celui en cause au principal constitue un service de financement dont l’objectif essentiel est celui d’assurer à l’initiateur l’utilisation des fonds mis à sa disposition, en contrepartie du versement au sous-participant des montants correspondant à la valeur des produits issus des créances concernées. Le contrat de sous-participation aurait ainsi une nature analogue à celle d’un contrat de crédit par lequel l’emprunteur acquiert des fonds auprès du prêteur qu’il serait en droit d’utiliser de son propre gré et s’engage à les rembourser pendant la durée du contrat. À l’instar d’un prêteur, le sous-participant recevra, outre le financement versé, un avantage sous forme de flux de trésorerie, excédentaire par rapport au capital engagé.

19      Néanmoins, la juridiction de renvoi fait valoir que le contrat de sous-participation présente certaines particularités qui le distinguent d’un contrat de crédit et qui sont, en substance, celles mises en exergue par le ministre des Finances polonais dans le rescrit fiscal. Elle se demande, dès lors, si ces particularités sont telles qu’elles empêchent de qualifier, aux fins de la TVA, les contrats de sous-participation de « contrats de crédit ».

20      Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 135, paragraphe 1, sous b), de la [directive TVA] doit-il être interprété en ce sens que l’exonération prévue par cette disposition pour les opérations concernant l’octroi de crédits, la négociation de crédits ou la gestion de crédits est applicable au contrat de sous-participation décrit dans la procédure au principal ? »

 Sur la question préjudicielle

21      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, si la question préjudicielle énonce formellement les trois opérations exonérées de la TVA au titre de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, à savoir l’octroi, la négociation et la gestion de crédits, il ressort de la décision de renvoi que les doutes de la juridiction de renvoi portent essentiellement sur l’éventuelle qualification d’un contrat de sous-participation d’opération d’octroi de crédit, au sens de cette disposition.

22      Dans ces conditions, il convient de comprendre la question posée comme visant à savoir, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion d’octroi de crédit, au sens de cette disposition, les services fournis par un sous-participant au titre d’un contrat de sous-participation, consistant en la mise à disposition de l’initiateur d’un apport financier en échange du transfert au sous-participant des produits issus des créances spécifiées dans ce contrat, lesquelles restent dans les actifs de l’initiateur.

23      Pour répondre utilement à la juridiction de renvoi, il convient d’examiner, en premier lieu, si de telles prestations relèvent du champ d’application de la directive TVA.

24      L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA énonce que sont soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

25      À cet égard, il importe de rappeler qu’une prestation de services n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de cette disposition, et n’est dès lors assujettie à la TVA que s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue par l’assujetti. Un tel lien direct est établi lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire (arrêt du 22 octobre 2015, Hedqvist, C-264/14, EU:C:2015:718, point 27 et jurisprudence citée).

26      En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que, dans le cadre d’un contrat de sous-participation, le sous-participant et l’initiateur s’engagent réciproquement, s’agissant du premier, à mettre à la disposition de l’initiateur un apport financier et, s’agissant du second, à transférer au sous-participant les produits issus des créances spécifiées dans ledit contrat, tout en gardant dans ses actifs les titres de créance. L’initiateur bénéficie d’un service en échange d’une contrepartie qui correspond à la différence entre la valeur prévisionnelle des produits des créances et le montant de l’apport financier versé par le sous-participant.

27      Par conséquent, il y a lieu de considérer, à l’instar de Mme l’avocate générale au point 40 de ses conclusions, que les prestations fournies par un sous-participant au titre d’un contrat de sous-participation, tel que celui en cause au principal, constituent des prestations de services effectuées « à titre onéreux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA.

28      Est en effet dépourvu de pertinence, aux fins de la détermination du caractère onéreux d’une prestation de services, le fait que la rémunération ne prend pas la forme du versement d’une commission ou d’un paiement de frais spécifiques (arrêt du 22 octobre 2015, Hedqvist, C-264/14, EU:C:2015:718, point 29 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, en l’occurrence, la forme de la rémunération versée au sous-participant est sans incidence sur le caractère onéreux ou non de sa prestation.

29      Par ailleurs, si la Cour a, certes, jugé qu’un opérateur qui achète, à son propre risque, des créances douteuses à un prix inférieur à leur valeur nominale n’effectue pas une prestation de services « à titre onéreux », au sens de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), lorsque la différence entre la valeur nominale desdites créances et le prix d’achat de celles-ci reflète la valeur économique effective des créances en cause au moment de leur cession (arrêt du 27 octobre 2011, GFKL Financial Services, C-93/10, EU:C:2011:700, point 26), il n’en reste pas moins que, dans l’affaire au principal, le sous-participant n’acquiert pas à ses propres risques des créances douteuses à un prix inférieur à leur valeur nominale. De surcroît, ainsi que le précise également l’autorité fiscale dans sa réponse aux questions posées par la Cour, eu égard aux spécificités du contrat de sous-participation, le montant de l’apport financier mis à disposition de l’initiateur est généralement déterminé différemment du prix payé par un cessionnaire pour la cession de créances.

30      En second lieu, il convient d’examiner la question de savoir si les prestations du sous-participant relèvent de la notion d’octroi de crédit, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA. À cet égard, il importe, d’emblée, de rappeler que les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA constituent des notions autonomes du droit de l’Union qui ont pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à un autre (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, point 30 et jurisprudence citée).

31      Les termes employés pour désigner ces exonérations sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, point 31 et jurisprudence citée).

32      Toutefois, l’interprétation de ces termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées à ladite disposition doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, point 32 et jurisprudence citée).

33      En ce qui concerne, en particulier, l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, il y a lieu de rappeler que l’octroi de crédit, au sens de cette disposition, consiste, notamment, en la mise à disposition d’un capital contre rémunération (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, point 36 et jurisprudence citée).

34      À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, si cette rémunération est en principe assurée moyennant le versement d’intérêts, d’autres formes de contrepartie ne sauraient empêcher qu’une opération soit qualifiée d’octroi de crédit, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA. En effet, la Cour a déjà jugé que constituait une opération financière s’apparentant à l’octroi d’un crédit et, partant, exonérée de la TVA en vertu de cette disposition, le financement à l’avance de l’achat de marchandises en contrepartie d’une majoration du montant remboursé par le bénéficiaire de ce financement (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2019, Vega International Car Transport and Logistic, C-235/18, EU:C:2019:412, points 47 et 48).

35      Par ailleurs, les opérations exonérées en vertu de ladite disposition sont définies en fonction de la nature des prestations de services fournies et non en fonction du prestataire ou du destinataire du service, de telle sorte que l’application de ces exonérations ne dépend pas du statut de l’entité qui fournit ces services. Partant, la portée de l’expression « octroi [...] de crédits » figurant à l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA ne saurait être limitée aux seuls prêts et crédits octroyés par des organismes bancaires et financiers (arrêt du 17 décembre 2020, Franck, C-801/19, EU:C:2020:1049, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

36      En l’occurrence, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que le service fourni par le sous-participant à l’initiateur au titre du contrat conclu entre eux est constitué d’une seule prestation qui consiste, pour l’essentiel, en un versement d’un capital en échange d’une rémunération. Il y a lieu d’examiner si, appréciée de façon globale, une telle prestation a la nature d’un octroi de crédit, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA.

37      À cet égard, ainsi qu’il a été précisé au point 26 du présent arrêt, le contrat de sous-participation donne lieu, dès sa conclusion, à une mise à disposition, par le sous-participant, d’un capital à l’initiateur en échange d’une rémunération qui consiste en la différence entre le capital versé à l’initiateur et les montants perçus par le sous-participant pendant la durée du contrat de sous-participation au titre des produits issus des créances spécifiées dans ce contrat. Les titres de créance demeurant dans les actifs de l’initiateur, le sous-participant ne dispose pas d’un droit de recours contre ce dernier en cas de défaillance des débiteurs des créances concernées.

38      La circonstance que le sous-participant soit exposé à des pertes potentielles et supporte ainsi le risque de crédit est inhérente à toute opération d’octroi de crédit, peu important que ce risque découle du défaut de paiement des débiteurs des créances dont les produits lui sont transférés ou de l’insolvabilité de son cocontractant direct.

39      De même, l’absence de garanties constituées en faveur du sous-participant n’est pas déterminante pour la qualification du contrat de sous-participation en cause d’opération d’octroi de crédit. En effet, les mesures prises pour atténuer le risque de crédit, qui consistent généralement en la constitution de garanties, immobilières ou autres, peuvent varier en fonction du type de financement et ne revêtent pas un caractère essentiel pour une telle qualification, celle-ci étant uniquement subordonnée à la réunion des deux éléments rappelés au point 33 du présent arrêt, à savoir la mise à disposition d’un capital et le versement d’une rémunération.

40      Partant, le fait que le sous-participant ne dispose d’aucun recours contre l’initiateur en cas de défaillance des débiteurs des créances dont les produits lui sont transférés et le fait que les titres de créance restent dans les actifs de l’initiateur, ou encore que l’origine des capitaux qui serviront au désintéressement du sous-participant soit mentionnée dans le contrat de sous-participation ne portent pas atteinte à la nature essentielle d’une opération de sous-participation qui consiste à financer les prêts initiaux.

41      Une telle interprétation de la notion d’octroi de crédit, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, qui ne remet pas en cause le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA, est conforme à l’objectif poursuivi par cette disposition qui consiste, notamment, à éviter une augmentation du coût du crédit à la consommation (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Skandinaviska Enskilda Banken, C-540/09, EU:C:2011:137, point 21 et jurisprudence citée).

42      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion d’octroi de crédit, au sens de cette disposition, les services fournis par un sous-participant au titre d’un contrat de sous-participation, consistant en la mise à disposition de l’initiateur d’un apport financier en échange du versement des produits issus des créances spécifiées dans ce contrat, lesquelles restent dans les actifs de l’initiateur.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 135, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doit être interprété en ce sens que :

relèvent de la notion d’octroi de crédit, au sens de cette disposition, les services fournis par un sous-participant au titre d’un contrat de sous-participation, consistant en la mise à disposition de l’initiateur d’un apport financier en échange du versement des produits issus des créances spécifiées dans ce contrat, lesquelles restent dans les actifs de l’initiateur.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.