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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

6 octobre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Déductions de la TVA payée en amont – Biens et services utilisés par l’assujetti pour la création de biens d’investissement – Articles 184 à 187 – Régularisation des déductions – Obligation de régulariser les déductions de la TVA en cas de mise en liquidation de cet assujetti et de radiation de ce dernier du registre des assujettis à la TVA »

Dans l’affaire C-293/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 28 avril 2021, parvenue à la Cour le 7 mai 2021, dans la procédure

UAB « Vittamed technologijos », en liquidation,

contre

Valstybinė mokesčių inspekcija,

en présence de :

Kauno apskrities valstybinė mokesčių inspekcija,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. D. Gratsias et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement lituanien, par M. K. Dieninis et Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes J. Jokubauskaitė et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 184 à 187 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UAB  « Vittamed technologijos », en liquidation (ci-après « Vittamed »), à la Valstybinė mokesčių inspekcija prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (inspection fiscale nationale près le ministère des Finances de la République de Lituanie), au sujet de l’obligation de régulariser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de biens et de services à l’égard desquels le droit à déduction avait été exercé et qui avaient été acquis aux fins de créer des biens d’investissement qui n’ont finalement pas été et ne seront jamais utilisés pour l’activité économique taxée envisagée, en raison de la décision de mettre en liquidation l’assujetti et de la radiation de ce dernier du registre des assujettis à la TVA.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 167 de la directive TVA est libellé comme suit :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

4        L’article 168, sous a), de cette directive prévoit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ».

5        Le chapitre 5 du titre X de ladite directive, intitulé « Régularisation des déductions », contient, notamment, les articles 184, 185 et 187.

6        L’article 184 de la même directive prévoit :

« La déduction initialement opérée est régularisée lorsqu’elle est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer. »

7        L’article 185 de la directive TVA dispose :

« 1.      La régularisation a lieu notamment lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA, entre autres en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 16.

En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation. »

8        L’article 186 de cette directive énonce :

« Les États membres déterminent les modalités d’application des articles 184 et 185. »

9        L’article 187 de ladite directive énonce :

« 1.      En ce qui concerne les biens d’investissement, la régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

Toutefois, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.

En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être prolongée jusqu’à vingt ans.

2.      Chaque année, la régularisation ne porte que sur le cinquième ou, dans le cas où la période de régularisation a été prolongée, sur la fraction correspondante de la TVA dont les biens d’investissement ont été grevés.

La régularisation visée au premier alinéa est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis, fabriqué ou, le cas échéant, utilisé pour la première fois. »

 Le droit lituanien

10      L’article 58, paragraphe 1, point 1, de la Lietuvos Respublikos pridėtinės vertės mokesčio įstatymas (loi de la République de Lituanie relative à la taxe sur la valeur ajoutée), du 5 mars 2002 (Žin., 2002, no 35-1271), dans sa version applicable au litige au principal (ci–après la « loi relative à la TVA »), dispose :

« Un assujetti à la TVA a le droit de déduire la TVA acquittée en amont et/ou à l’importation sur des biens et/ou services, à condition que ces biens et/ou services soient destinés à être utilisés dans le cadre des activités suivantes de l’assujetti à la TVA :

[...] livraison des biens et/ou prestation des services sur lesquels la TVA est imposable [...] »

11      L’article 66, paragraphe 2, de la loi relative à la TVA prévoit :

« Lorsque les biens et/ou services sur lesquels la TVA (et, dans le cas de figure où ces biens et/ou services sont créés par la personne elle-même, la TVA appliquée sur ceux utilisés pour cette création) acquittée en amont et/ou la TVA à l’importation a été totalement ou partiellement déduite, sont utilisés pour une activité autre que celle visée à l’article 58, paragraphe 1, de la présente loi ou sont perdus, il y a lieu de procéder à la régularisation des déductions de la TVA, dans la déclaration de TVA correspondant à la période d’imposition au cours de laquelle les circonstances susmentionnées sont devenus connuesen augmentant le montant de la TVA payable au budget ou en réduisant le montant de la TVA remboursable à partir du budget en conséquence [...] »

12      L’article 69, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA dispose :

« Lorsqu’une personne est radiée du registre des assujettis à la TVA ou lorsqu’un assujetti à la TVA fait l’objet d’une liquidation, les déductions de TVA sont régularisées, conformément à la procédure établie aux articles 66 et 67 de la présente loi, dans la déclaration de TVA de la personne qui est radiée de ce registre ou qui est en liquidation, et la TVA acquittée en amont et/ou à l’importation déduite sur les biens et/ou services, y compris les biens d’investissement, qui ne seront plus utilisés dans le cadre des activités visées à l’article 58, paragraphe 1, de la présente loi, est réintégrée dans le budget ».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Vittamed est une société établie en Lituanie ayant pour activité la réalisation de recherches en sciences techniques et les applications pratiques de celles-ci.

14      À partir du 1er mars 2012, cette société n’a pas opéré la moindre livraison de biens ou prestation de services assujettie à la TVA.

15      Vittamed a acquis, en 2012 et en 2013, notamment, des biens et services dans le cadre de la réalisation d’un projet international financé par l’Union européenne, dont l’objectif était la création d’un prototype d’appareil médical de diagnostic et de surveillance ainsi que la commercialisation ultérieure de celui-ci sur le marché. Huit factures ont ainsi été émises à son égard. Elle a déduit 87 987 euros de TVA acquittée en amont relative à la livraison de ces biens et à ces prestations de services. Le projet concerné a été achevé le 31 décembre 2013.

16      Vittamed a utilisé lesdits biens et lesdits services en créant des biens d’investissement intangibles (licences) et tangibles (prototypes d’appareils). Elle souhaitait utiliser ces biens d’investissement dans le cadre de son activité future taxée.

17      Une fois ce projet terminé, Vittamed a connu des exercices déficitaires, en 2014 et en 2015, et les pertes antérieures enregistrées par cette société ont continuellement augmenté. Compte tenu de ces exercices déficitaires ainsi que de l’absence de commandes et de revenus potentiels, il a été décidé de ne plus poursuivre les activités de ladite société. Pour ce motif, l’unique actionnaire de Vittamed a pris la décision, au mois d’août 2015, de mettre en liquidation la même société, après avoir constaté que les activités scientifiques innovantes de cette dernière ne seraient pas rentables.

18      Le 10 septembre 2015, Vittamed a acquis le statut légal de « personne morale en liquidation ».

19      Le 23 septembre suivant, Vittamed a introduit une demande de radiation du registre des assujettis à la TVA et a déposé une déclaration de TVA à déposer par une personne radiée du registre des assujettis à la TVA, en ce qui concerne la dernière période d’imposition, allant du 1er septembre au 23 septembre 2015. Dans cette déclaration de TVA, Vittamed n’a pas régularisé la déduction de TVA à l’égard du solde de tous les biens ou services restant invendus.

20      Le même jour, Vittamed a été radiée du registre des assujettis à la TVA.

21      En vertu d’un ordre de contrôle du 28 décembre 2017, Vittamed a fait l’objet d’un contrôle fiscal par la Kauno apskrities valstybinė mokesčių inspekcija (inspection fiscale nationale du district de Kaunas, Lituanie).

22      Par une décision du 24 janvier 2019, l’inspection fiscale nationale du district de Kaunas a constaté, en substance, que, lorsque la décision de mettre en liquidation Vittamed a été prise, il incombait à cette dernière de régulariser les déductions de la TVA acquittée en amont et de réintégrer dans le budget la TVA relative aux biens ou aux services acquis qui ne seraient pas utilisés pour des activités assujetties à la TVA. Elle a, par conséquent, imposé à Vittamed le paiement d’un supplément de 87 987 euros de TVA, majoré d’un montant de 30 427 euros au titre des intérêts de retard, ainsi que celui d’une amende d’un montant de 8 798 euros, correspondant à 10 % de la TVA due.

23      Vittamed a contesté cette décision auprès de l’inspection fiscale nationale près le ministère des Finances de la République de Lituanie, au motif, que, selon la jurisprudence de la Cour, lorsque des frais sont encourus dans le cadre de la préparation d’une activité économique, la déduction de la TVA acquittée en amont peut être exigée même lorsque cette activité économique n’est pas poursuivie et que les opérations taxables prévues n’ont finalement pas lieu.

24      Par la décision du 19 avril 2019, l’inspection fiscale nationale près le ministère des Finances de la République de Lituanie a maintenu la décision de l’inspection fiscale nationale du district de Kaunas.

25      Vittamed a saisi d’une réclamation la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos Vyriausybės (commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie). Par une décision du 20 juin 2019, cette dernière a rejeté cette réclamation comme étant non fondée.

26      Vittamed a formé un recours contre cette décision devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), lequel a été rejeté par un arrêt du 10 octobre 2019.

27      Vittamed a formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), qui est la juridiction de renvoi.

28      La juridiction de renvoi expose ses doutes quant à l’existence d’une obligation de régulariser les déductions de la TVA dans le litige au principal, nonobstant le fait que l’actionnaire unique de l’assujetti ait décidé de mettre ce dernier en liquidation et que cet assujetti ait, en conséquence de cette décision, présenté une demande de radiation du registre des assujettis à la TVA, laquelle a été satisfaite. À cet égard, elle souligne une apparente contradiction dans la jurisprudence de la Cour.

29      D’une part, faisant référence, tout d’abord, au point 20 de l’arrêt du 9 juillet 2020, Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler (C-374/19, EU:C:2020:546), la juridiction de renvoi rappelle que le mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA a pour objectif d’établir une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval. Se fondant, ensuite, sur le point 38 de l’arrêt du 11 avril 2018, SEB bankas (C-532/16, EU:C:2018:228), cette juridiction relève que, dans le cadre du système commun de TVA, seules les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par les assujettis aux fins de leurs opérations taxées peuvent être déduites. À cet égard, ladite juridiction précise que, selon le point 56 de l’arrêt du 31 mai 2018, Kollroß et Wirtl (C-660/16 et C-661/16, EU:C:2018:372), l’article 185, paragraphe 1, de la directive TVA établit le principe selon lequel une telle régularisation doit notamment être opérée lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant de cette déduction sont intervenues postérieurement à la déclaration de TVA. La même juridiction cite enfin les points 44 à 46 de l’arrêt du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara (C-734/19, EU:C:2020:919), pour observer que cette relation étroite et directe devant exister entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et la réalisation d’opérations taxées envisagées est rompue si l’assujetti n’a plus l’intention d’utiliser les biens et les services concernés pour des opérations taxées en aval ou les utilise pour réaliser des opérations exonérées.

30      La juridiction de renvoi note à cet égard que l’adoption de la décision de l’actionnaire unique de l’assujetti concerné de mettre ce dernier en liquidation et la demande de radiation du registre des assujettis à la TVA présentée par cet assujetti confirment de manière objective que ledit assujetti ne souhaite plus utiliser les biens ou les services à l’égard desquels la TVA acquittée a été déduite dans le cadre d’activités économiques taxées, ce qui constituerait une modification, postérieure à la déclaration de TVA, des éléments pris en considération pour déterminer le montant des déductions, au sens de l’article 185, paragraphe 1, de la directive TVA. Cette juridiction relève qu’une telle appréciation est compatible avec l’article 69, paragraphe 1, de la loi relative à la TVA.

31      D’autre part, la juridiction de renvoi fait référence à la jurisprudence issue des arrêts du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, (C-37/95, EU:C:1998:1, points 19 et 20), du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, (C-672/16, EU:C:2018:134, points 40 et 42), ainsi que du 17 octobre 2018, Ryanair, (C-249/17, EU:C:2018:834, point 25), selon laquelle le droit à déduction reste, en principe, acquis même si, ultérieurement, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti ne fait pas usage des biens et services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées, soulignant qu’un assujetti conserve le droit à déduction, dès lors que ce droit a pris naissance, même si cet assujetti n’a pas pu, pour des raisons indépendantes de sa volonté, utiliser les biens ou les services à l’origine de la déduction dans le cadre d’opérations taxées. Elle estime qu’il est possible de considérer, en vertu de cette jurisprudence, que, sauf dans le cas de figure mentionné à l’article 185, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA, le droit à déduction de la TVA initiale est conservé et qu’il n’existe aucune obligation de procéder à une régularisation de TVA dans le cas de figure où des biens ou des services n’ont pas été utilisés au cours de l’activité économique concernée en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’assujetti.

32      La juridiction de renvoi s’interroge à cet égard sur le point de savoir si la décision de mise en liquidation de l’assujetti ainsi que la demande de radiation du registre des assujettis à la TVA, qui sont présentées, en principe, par cet assujetti, de sa propre initiative, permettent de caractériser l’existence de « circonstances indépendantes de la volonté » de l’assujetti, au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt. Elle observe que, en l’occurrence, Vittamed a indiqué que la décision de la mettre en liquidation avait été prise en raison de pertes en constante augmentation, de l’absence de commandes et de revenus potentiels ainsi que des doutes de l’actionnaire unique quant à la rentabilité de l’activité économique envisagée. L’administration fiscale et les autres institutions saisies du litige au principal ont considéré que la décision de l’actionnaire unique de Vittamed de mettre en liquidation celle-ci avait été adoptée sans fournir la moindre preuve du fait que les activités de Vittamed ne seraient pas rentables et que cette décision ainsi que la demande de radiation du registre des assujettis à la TVA ne constituaient pas des « circonstances indépendantes de la volonté » de Vittamed, au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt.

33      Toutefois, faisant référence au point 35 de l’arrêt du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara (C-734/19, EU:C:2020:919), la juridiction de renvoi rappelle qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’il n’appartient pas à l’administration fiscale d’apprécier le bien-fondé des motifs qui ont amené un assujetti à renoncer à l’activité économique initialement envisagée, dès lors que le système commun de TVA garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que ces activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA.

34      Par conséquent, la juridiction de renvoi se demande comment déterminer l’existence de « circonstances indépendantes de la volonté d’un assujetti », au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt, dans les circonstances du litige au principal. En particulier, elle souhaite savoir si une simple déclaration de l’assujetti est suffisante aux fins d’une telle qualification ou s’il est généralement nécessaire d’apprécier ces circonstances lorsque les biens ou les services n’ont pas été utilisés et ne seront jamais utilisés en raison de la mise en liquidation de cet assujetti.

35      Enfin, la juridiction de renvoi fait observer que la Cour a indiqué, au point 25 de l’arrêt du 17 octobre 2018 Ryanair (C-249/17, EU:C:2018:834), que le droit à déduction, une fois né, reste acquis même si, ultérieurement, l’activité économique envisagée n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas donné lieu à des opérations taxées « ou » que l’assujetti n’a pu utiliser les biens ou les services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxables en raison de circonstances étrangères à sa volonté. Selon la juridiction de renvoi, l’emploi de la conjonction de coordination « ou » à ce point 25 vise à opérer une distinction entre deux situations distinctes : d’une part, celle où des activités économiques n’ont pas été réalisées après que le droit à déduction est né et, d’autre part, celle où des biens ou des services à l’égard desquels le droit à déduction a été exercé n’ont pas été utilisés dans le cadre d’activités économiques. Or, le fait que des biens ou des services n’ont pas été utilisés « en raison de circonstances indépendantes de la volonté d’un assujetti » ne serait mentionné que dans le second cas de figure, lequel ne couvre pas la mise en liquidation d’un assujetti, selon la juridiction de renvoi. Cette dernière se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 29 février 1996, INZO (C-110/94, EU:C:1996:67).

36      Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 184 à 187 de la directive [TVA] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un assujetti est (ou n’est pas) obligé de régulariser des déductions de la TVA imposée au titre de l’acquisition de biens et de services aux fins de produire des biens d’investissement dans le cas de figure où ces biens d’investissement ne sont plus destinés à être utilisés dans le cadre d’activités économiques taxées, parce que le propriétaire (l’actionnaire) de cet assujetti décide de mettre en liquidation ce dernier et que ledit assujetti demande sa radiation du registre des assujettis à la TVA ?

La réponse à cette question est-elle affectée par les motifs permettant de décider de mettre en liquidation le même assujetti, à savoir le fait que la décision de mettre en liquidation ce dernier a été prise en raison de pertes en augmentation, de l’absence de commandes et des doutes de l’actionnaire de celui-ci quant à la rentabilité de l’activité économique programmée (envisagée) ? »

 Sur la question préjudicielle

37      Par sa question, d’une part, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 184 à 187 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti a l’obligation de régulariser les déductions de la TVA acquittée en amont et afférente à l’acquisition de biens ou de services destinés à produire des biens d’investissement, dans le cas de figure où, en raison de la décision du propriétaire ou de l’actionnaire unique de cet assujetti de mettre ce dernier en liquidation, ainsi que de la demande et de l’obtention de la radiation dudit assujetti du registre des assujettis à la TVA, les biens d’investissement créés n’ont pas été utilisés dans le cadre d’activités économiques taxées et ne le seront jamais. D’autre part, elle demande, en substance, si les motifs permettant de justifier la décision de mise en liquidation du même assujetti et, partant, l’abandon de l’activité économique taxée envisagée, tels que des pertes en constante augmentation, l’absence de commandes et les doutes de l’actionnaire de l’assujetti quant à la rentabilité de l’activité économique envisagée, ont une incidence à l’égard de l’obligation de ce dernier de régulariser les déductions de TVA concernées. Elle demande, enfin, si la simple déclaration par l’assujetti concerné de l’existence de ces motifs est suffisante ou si, au contraire, l’existence desdits motifs doit être établie par des éléments de preuve.

38      En premier lieu, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation de l’Union (arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens, C-8/17, EU:C:2018:249, point 27 et jurisprudence citée).

39      Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’assujetti du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 9 juillet 2020, Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler, C-374/19, EU:C:2020:546, point 18).

40      Ainsi que la Cour l’a itérativement souligné, le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive TVA fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. En particulier, ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (arrêt du 12 avril 2018, Biosafe – Indústria de Reciclagens, C-8/17, EU:C:2018:249, points 29 et jurisprudence citée).

41      Dans le système commun de TVA, seules les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par les assujettis aux fins de leurs opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval (arrêt du 9 juillet 2020, Finanzamt Bad Neuenahr-Ahrweiler, C-374/19, EU:C:2020:546, point 21 et jurisprudence citée).

42      Il importe de rappeler que c’est l’acquisition des biens ou des services par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l’application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction. L’utilisation qui est faite des biens ou des services, ou qui est envisagée pour ceux-ci, ne détermine que l’étendue de la déduction initiale à laquelle cet assujetti a droit en vertu de l’article 168 de la directive TVA et l’étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes, mais n’affecte pas la naissance du droit à déduction (arrêt du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara, C-734/19, EU:C:2020:919, point 33 et jurisprudence citée).

43      La Cour a également itérativement jugé que le droit à déduction, une fois né, reste acquis même si, ultérieurement, l’activité économique envisagée n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas donné lieu à des opérations taxées (arrêts du 29 février 1996, INZO, C-110/94, EU:C:1996:67, point 20, et du 17 octobre 2018, Ryanair, C-249/17, EU:C:2018:834, point 25), ou si, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti n’a pas pu utiliser les biens ou les services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées (arrêts du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, EU:C:1998:1, point 20 ; du 17 octobre 2018, Ryanair, C-249/17, EU:C:2018:834, point 25, ainsi que du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara, C-734/19, EU:C:2020:919, point 34 et jurisprudence citée).

44      Une autre interprétation serait contraire au principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l’entreprise. Elle serait susceptible de créer, lors du traitement fiscal de mêmes activités d’investissements, des différences non justifiées entre des entreprises réalisant déjà des opérations imposables et d’autres qui cherchent, par des investissements, à commencer des activités qui seront source d’opérations taxables. De même, des différences arbitraires seraient établies entre ces dernières entreprises en ce que l’acceptation définitive des déductions dépendrait de la question de savoir si de tels investissements aboutissent ou non à des opérations taxées (arrêts du 29 février 1996, INZO, C-110/94, EU:C:1996:67, point 22, ainsi que du 17 octobre 2018, Ryanair, C-249/17, EU:C:2018:834, point 25).

45      Toutefois, pour ce qui est de la question de savoir comment le principe souligné dans l’arrêt du 29 février 1996, INZO (C-110/94, EU:C:1996:67), selon lequel le droit à déduction est acquis même s’il est mis fin à une activité avant qu’elle ne donne lieu à des opérations assujetties, doit être combiné avec les règles de la directive TVA relatives à la régularisation des déductions, il convient de rappeler que la Cour a, d’une part, jugé que le mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA fait partie intégrante du régime de déduction de la TVA établi par cette directive et a pour objectif d’établir une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées en aval. D’autre part, la Cour a rappelé que, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de la taxe en aval ni déduction de la taxe en amont (ordonnance du 18 mai 2021, Skellefteå Industrihus, C-248/20, EU:C:2021:394, point 42 et jurisprudence citée).

46      La Cour a, en outre, rappelé que l’article 184 de la directive TVA définit la naissance de l’obligation de régularisation de la TVA de la manière la plus large possible et que sa formulation n’exclut a priori aucune hypothèse envisageable de déduction indue, la portée générale de l’obligation de régularisation étant confortée par l’énumération expresse des exceptions prévues à l’article 185, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, ordonnance du 18 mai 2021, Skellefteå Industrihus, C-248/20, EU:C:2021:394, point 43 et jurisprudence citée).

47      La Cour a par ailleurs indiqué que, lorsque, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l’assujetti ne fait pas usage d’un service ou d’un bien, tel un immeuble, ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxées, il ne suffit pas, pour établir l’existence de « modifications », au sens de l’article 185 de la directive TVA, qu’un tel immeuble soit resté vide, après la résiliation d’un contrat de bail dont il était l’objet, alors même qu’il est prouvé que cet assujetti a toujours l’intention de l’exploiter aux fins d’une activité taxée et entreprend les démarches nécessaires à cet effet, car cela reviendrait à restreindre le droit à déduction au moyen des dispositions applicables en matière de régularisations (arrêt du 28 février 2018, Imofloresmira – Investimentos Imobiliários, C-672/16, EU:C:2018:134, point 47 ; ordonnance du 18 mai 2021, Skellefteå Industrihus, C-248/20, EU:C:2021:394, point 44).

48      Ainsi, si l’assujetti n’envisage plus d’utiliser les biens ou les services concernés pour réaliser des opérations taxées en aval ou les utilise pour effectuer des opérations exonérées, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la relation étroite et directe devant exister entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et la réalisation d’opérations taxées envisagées est rompue, et elle doit donner lieu à l’application du mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA (voir, en ce sens, ordonnance du 18 mai 2021, Skellefteå Industrihus, C-248/20, EU:C:2021:394, points 45 et 46 et jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, en raison de sa mise en liquidation, d’une part, et de sa radiation du registre des assujettis de la TVA, d’autre part, l’assujetti concerné n’a plus aucune intention d’utiliser les biens d’investissement créés aux fins d’opérations taxées, et ce de manière définitive. Dès lors que cette situation est confirmée, ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, il convient de constater que la « relation étroite et directe », au sens de la jurisprudence rappelée au point 45 du présent arrêt, devant exister entre le droit à déduction de la TVA payée en amont et la réalisation d’opérations taxées en aval, est rompue, et que le mécanisme de régularisation prévu aux articles 184 à 187 de la directive TVA doit s’appliquer.

50      Toutefois, il convient de souligner qu’il pourrait en être autrement dans le cas de figure où la mise en liquidation de l’assujetti concerné a néanmoins entraîné la réalisation d’opérations taxées, par exemple la vente d’actifs aux fins de l’apurement des dettes de celui-ci, même si cela ne relève pas de l’activité économique initialement envisagée par cet assujetti.

51      À cet égard, la Cour a jugé que l’activité devant être considérée en elle-même, indépendamment de ses buts ou de ses résultats, le simple fait que l’ouverture d’une procédure de faillite à l’égard d’un assujetti change, en vertu des modalités prévues à cet égard dans le droit interne, les finalités des opérations de cet assujetti, en ce sens que ces finalités ne comprennent plus l’exploitation durable de son entreprise, mais portent uniquement sur sa liquidation aux fins de l’apurement des dettes suivie de sa dissolution, ne saurait, en soi, affecter le caractère économique des opérations effectuées dans le cadre de cette entreprise (arrêt du 3 juin 2021, Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Suceava e.a., C-182/20, EU:C:2021:442, point 38).

52      La Cour a, dès lors, dit pour droit que les articles 184 à 186 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique nationale selon laquelle l’ouverture d’une procédure de faillite à l’égard d’un opérateur économique, impliquant la liquidation de ses actifs au bénéfice de ses créanciers, entraîne automatiquement l’obligation pour cet opérateur de régulariser les déductions de la TVA qu’il a effectuées pour des biens ou des services acquis antérieurement à sa mise en faillite, lorsque l’ouverture d’une telle procédure n’est pas de nature à faire obstacle à ce que l’activité économique dudit opérateur, au sens de l’article 9 de cette directive, soit poursuivie, notamment aux fins de la liquidation de l’entreprise concernée (arrêt du 3 juin 2021, Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Suceava e.a., C-182/20, EU:C:2021:442, point 45).

53      En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que les biens ou services de l’assujetti sont restés « invendus », ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première partie de la question posée que les articles 184 à 187 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti a l’obligation de régulariser les déductions de la TVA acquittée en amont et afférente à l’acquisition de biens ou de services destinés à produire des biens d’investissement, dans le cas de figure où, en raison de la décision du propriétaire ou de l’actionnaire unique de cet assujetti de mettre ce dernier en liquidation, ainsi que de la demande et de l’obtention de la radiation dudit assujetti du registre des assujettis à la TVA, les biens d’investissement créés n’ont pas été utilisés dans le cadre d’activités économiques taxées et ne le seront jamais, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier.

55      En second lieu, selon la jurisprudence de la Cour, les articles 167, 168, 184 et 185 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que le droit à déduction de la TVA en amont sur des biens ou des services acquis en vue d’effectuer des opérations taxées est maintenu lorsque les projets d’investissement initialement prévus ont été abandonnés en raison de circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti et qu’il n’y a pas lieu de procéder à une régularisation de cette TVA si l’assujetti a toujours l’intention d’exploiter ces biens aux fins d’une activité taxée (arrêt du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara, C-734/19, EU:C:2020:919, point 46).

56      L’application de cette jurisprudence suppose que l’assujetti ait toujours l’intention d’utiliser lesdits biens ou services aux fins d’opérations taxées, condition qui n’apparaît pas satisfaite dans un cas de figure tel que celui du litige au principal, où, ainsi que cela ressort de la demande de décision préjudicielle, l’assujetti a été mis en liquidation et a été radié du registre des assujettis à la TVA.

57      Dès lors, le fait que la mise en liquidation de l’assujetti et, partant, l’abandon de l’activité économique taxée envisagée puissent éventuellement être justifiés par des motifs susceptibles d’être qualifiés de circonstances étrangères à sa volonté est sans incidence sur l’obligation de ce dernier de régulariser les déductions de TVA.

58      En outre, il n’appartient pas à l’administration fiscale d’apprécier le bien-fondé des motifs qui ont amené un assujetti à renoncer à l’activité économique initialement envisagée, dès lors que le système commun de TVA garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que ces activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 12 novembre 2020, ITH Comercial Timişoara, C-734/19, EU:C:2020:919, point 35 et jurisprudence citée).

59      Au vu de cette jurisprudence, il n’est pas nécessaire d’examiner la seconde partie de la question pour le surplus, soit le point de savoir si la simple déclaration des motifs ayant justifié la décision de mettre l’assujetti en liquidation, est suffisante.

60      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde partie de la question posée que les motifs permettant de justifier la décision de mise en liquidation du même assujetti, et, partant, l’abandon de l’activité économique taxée envisagée, tels que des pertes en constante augmentation, l’absence de commandes et les doutes de l’actionnaire de l’assujetti quant à la rentabilité de l’activité économique envisagée, sont sans incidence à l’égard de l’obligation de ce dernier de régulariser les déductions de TVA concernées, dès lors que cet assujetti n’a plus l’intention, et ce de manière définitive, d’utiliser lesdits biens d’investissement aux fins d’opérations taxées.

61      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 184 à 187 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’un assujetti a l’obligation de régulariser les déductions de la TVA acquittée en amont et afférente à l’acquisition de biens ou de services destinés à produire des biens d’investissement, dans le cas de figure où, en raison de la décision du propriétaire ou de l’actionnaire unique de cet assujetti de mettre ce dernier en liquidation, ainsi que de la demande et de l’obtention de la radiation dudit assujetti du registre des assujettis à la TVA, les biens d’investissement créés n’ont pas été utilisés dans le cadre d’activités économiques taxées et ne le seront jamais. Les motifs permettant de justifier la décision de mise en liquidation du même assujetti, et, partant, l’abandon de l’activité économique taxée envisagée, tels que des pertes en constante augmentation, l’absence de commandes et les doutes de l’actionnaire de l’assujetti quant à la rentabilité de l’activité économique envisagée, sont sans incidence à l’égard de l’obligation de ce dernier de régulariser les déductions de TVA concernées, dès lors que cet assujetti n’a plus l’intention, et ce de manière définitive, d’utiliser lesdits biens d’investissement aux fins d’opérations taxées.

 Sur les dépens

62      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

Les articles 184 à 187 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doivent être interprétés en ce sens que :

un assujetti a l’obligation de régulariser les déductions de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont et afférente à l’acquisition de biens ou de services destinés à produire des biens d’investissement, dans le cas de figure où, en raison de la décision du propriétaire ou de l’actionnaire unique de cet assujetti de mettre ce dernier en liquidation, ainsi que de la demande et de l’obtention de la radiation dudit assujetti du registre des assujettis à la TVA, les biens d’investissement créés n’ont pas été utilisés dans le cadre d’activités économiques taxées et ne le seront jamais. Les motifs permettant de justifier la décision de mise en liquidation du même assujetti, et, partant, l’abandon de l’activité économique taxée envisagée, tels que des pertes en constante augmentation, l’absence de commandes et les doutes de l’actionnaire de l’assujetti quant à la rentabilité de l’activité économique envisagée, sont sans incidence à l’égard de l’obligation de ce dernier de régulariser les déductions de TVA concernées, dès lors que cet assujetti n’a plus l’intention, et ce de manière définitive, d’utiliser lesdits biens d’investissement aux fins d’opérations taxées.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.