ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
5 octobre 2023 (*)
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Opérations imposables – Article 2, paragraphe 1, sous a) – Livraison de biens à titre onéreux – Livraison gratuite d’une tablette ou d’un téléphone intelligent en contrepartie de la souscription d’un nouvel abonnement à une revue – Notion de “prestation unique” – Critères – Article 16, second alinéa – Prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise dans le but de donner des cadeaux de faible valeur »
Dans l’affaire C-505/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], par décision du 22 juillet 2022, parvenue à la Cour le 25 juillet 2022, dans la procédure
Deco Proteste – Editores Lda
contre
Autoridade Tributária e Aduaneira,
LA COUR (septième chambre),
composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. N. Wahl (rapporteur) et J. Passer, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Deco Proteste – Editores Lda, par Me J. Espanha, advogado,
– pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, C. Bento et A. Rodrigues, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. L. Santiago de Albuquerque, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte, en substance, sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), ainsi que des principes de neutralité, d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Deco Proteste – Editores Lda à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la livraison, par Deco Proteste – Editores, en tant que cadeaux d’abonnement, de tablettes ou de téléphones intelligents aux nouveaux abonnés des revues que celle-ci commercialise.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 2 de la directive 2006/112 dispose :
« 1. Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :
a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;
[...] »
4 L’article 16 de cette directive prévoit :
« Est assimilé à une livraison de biens effectuée à titre onéreux le prélèvement, par un assujetti, d’un bien de son entreprise qu’il destine à ses besoins privés ou ceux de son personnel, qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA.
Toutefois, ne sont pas assimilés à une livraison de biens effectuée à titre onéreux les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons. »
Le droit portugais
5 Le Código do Imposto sobre o Valor Acrescentado (code de la taxe sur la valeur ajoutée), dans sa version résultant du Decreto-Lei n.° 102/2008 (décret-loi no 102/2008), du 20 juin 2008 (Diário da República, 1re série, no 118, du 20 juin 2008) (ci-après le « code de la TVA »), prévoit, à son article 3, intitulé « Concept de livraison de biens » :
« 1. Est considérée, d’une manière générale, comme livraison de biens la livraison de biens corporels à titre onéreux d’une manière correspondant à l’exercice du droit de propriété.
[...]
3. Sont également considérées comme livraisons de biens, aux termes du paragraphe 1 du présent article :
[...]
f) [...] l’affectation permanente des biens de l’entreprise, à l’usage propre du propriétaire, du personnel, ou en général à des fins étrangères à elle, ainsi que la livraison à titre gratuit de ces biens, lorsqu’ils ou les éléments qui les constituent ont fait l’objet d’une déduction totale ou partielle de la taxe ;
[...]
7. Sont exclus du régime établi au paragraphe 3, sous f), tel que défini par l’arrêté ministériel du ministère des Finances, les biens non destinés à une commercialisation ultérieure qui, en raison de leurs caractéristiques, ou de la taille ou du format différents du produit constituant l’unité de vente, visent, sous forme d’échantillon, à présenter ou à promouvoir des biens produits ou commercialisés par l’assujetti lui-même, ainsi que les cadeaux d’une valeur unitaire inférieure ou égale à 50 euros et dont la valeur globale annuelle n’excède pas cinq millièmes du chiffre d’affaires réalisé par l’assujetti au cours de l’année civile précédente, conformément aux usages commerciaux. »
6 L’article 18 du code de la TVA, intitulé « Taux de la TVA », prévoit que les livraisons de biens figurant sur les listes I et II annexées à ce code bénéficient d’un taux réduit de TVA, respectivement fixé à 6 % et à 13 %. Les autres livraisons de biens sont soumises au taux normal de TVA de 23 %. Les livraisons de tablettes et de téléphones intelligents relèvent de ce dernier taux.
7 La liste I annexée au code de la TVA, intitulée « Biens et services imposés au taux réduit », comprend un point 2.1 ainsi libellé :
« Journaux, magazines et autres périodiques en tant que tels, considérés dans la législation qui réglemente la matière à caractère culturel, éducatif, récréatif ou sportif [...] »
8 La Portaria n.o 497/2008 (arrêté ministériel no 497/2008), du 24 juin 2008 (Diário da República, 1re série, no 120, du 24 juin 2008), définit la notion de « cadeau » et détermine les procédures et les obligations comptables à respecter par les assujettis à la TVA, aux fins de l’application de l’article 3, paragraphe 7, du code de la TVA. L’article 3 de cet arrêté, intitulé « Délimitation du concept de cadeau », dispose :
« 1. Le cadeau peut être constitué de biens commercialisés ou produits par l’assujetti ou de biens achetés à des tiers.
2. Lorsque le cadeau consiste en un ensemble de biens, la valeur de 50 euros, visée à l’article 3, paragraphe 7, du code de la TVA, s’applique à cet ensemble.
3. Les primes de quantité accordées par l’assujetti à ses clients sont exclues de la notion de cadeau. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9 Deco Proteste – Editores est une société établie au Portugal qui édite et commercialise des magazines et d’autres textes d’information relatifs à la protection des consommateurs. Ces produits ne sont vendus que par abonnement. Dans le cadre de campagnes promotionnelles visant à attirer de nouveaux clients, elle offre aux nouveaux abonnés un cadeau d’abonnement, pouvant consister en une tablette ou un téléphone intelligent, d’une valeur unitaire toujours inférieure à 50 euros.
10 Le cadeau d’abonnement est envoyé par courrier à ces abonnés avec leur magazine après le paiement de la première mensualité d’abonnement, dont le montant est identique à celui des mensualités ultérieures. Aucune période minimale de souscription n’étant fixée, les abonnés conservent le cadeau d’abonnement sans pénalité, après paiement de la première mensualité, même en cas de résiliation de l’abonnement.
11 Les cadeaux d’abonnement sont achetés auprès de sociétés établies dans l’Union européenne, dans le cadre du régime d’autoliquidation de la TVA.
12 En 2019, à la suite d’un contrôle fiscal portant notamment sur la TVA relative aux années 2015 à 2018, l’autorité fiscale et douanière a constaté que les factures émises par la requérante au principal à l’occasion des nouveaux abonnements mentionnaient le montant de l’abonnement auquel était appliqué un taux réduit de TVA de 6 %. Ces factures ne comportaient, en revanche, aucune référence aux cadeaux d’abonnement.
13 L’autorité fiscale et douanière a considéré que les cadeaux d’abonnement constituaient des cadeaux au sens de l’article 3, paragraphe 7, du code de la TVA, mais a constaté que leur montant dépassait le plafond de cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’année civile précédente prévu à cette disposition. Elle a donc soumis à la TVA la livraison de ces cadeaux, en retenant comme base taxable leur prix d’achat et comme taux de TVA le taux normal de 23 %. Elle a évalué le montant de la TVA due à ce titre par la requérante au principal pour les années 2015 à 2018 à 3 472 125,38 euros. Cette dernière a accepté, dans le cadre du contrôle fiscal, de procéder, d’une part, à la régularisation de la TVA concernant l’année 2015 et, d’autre part, sur la base de déclarations fiscales rectificatives, à l’autoliquidation de la TVA pour les années 2016 à 2018, après déduction des crédits d’impôt en sa faveur. Elle a donc versé au total 2 851 551,41 euros, dont 270 936,70 euros d’intérêts.
14 Toutefois, la requérante au principal a, par la suite, formé un recours gracieux visant au remboursement de cette somme, qui a été rejeté le 11 mai 2021. À la suite de ce rejet, elle a demandé, le 6 août 2021, la réunion du Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], la juridiction de renvoi.
15 La requérante au principal a fait valoir, notamment, que la remise de cadeaux d’abonnement aux nouveaux abonnés ne constituait pas une libéralité, en l’absence d’intention d’agir à titre gratuit. Il s’agirait, en réalité, d’une offre commerciale constituée d’une prestation de services, à savoir l’abonnement, liée à une livraison de biens, celle du cadeau d’abonnement, comportant une contrepartie pécuniaire incluse dans la valeur de l’abonnement à la revue. En tout état de cause, même en considérant l’offre de cadeau d’abonnement comme une libéralité, sa valeur unitaire étant inférieure à 50 euros, elle relèverait de la notion de « cadeau de faible valeur », au sens de l’article 3, paragraphe 7, du code de la TVA. Elle soutient, à cet égard, que le plafond de cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’année précédente, prévu à cette disposition, est sans rapport avec cette notion. Ce plafond ne serait pas conforme à l’article 16 de la directive 2006/112 et violerait également les principes de proportionnalité, de neutralité et d’égalité de traitement.
16 La juridiction de renvoi se demande si, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, il peut être considéré que le cadeau d’abonnement, c’est-à-dire la tablette ou le téléphone intelligent, a été remis en contrepartie d’une valeur, même si celle-ci n’est pas identifiée ou individualisée. Elle s’interroge également sur la possibilité de définir la notion de « cadeau de faible valeur », au sens de l’article 16, deuxième alinéa, de la directive 2006/112, en recourant simultanément à la valeur unitaire de chaque cadeau et à un ratio de la valeur globale des cadeaux attribués par l’assujetti, calculé par rapport au chiffre d’affaires de l’année précédente. En cas de réponse affirmative, elle se demande si le plafond de cinq millièmes du chiffre d’affaires prévu à l’article 3, paragraphe 7, du code de la TVA n’est pas à ce point faible qu’il priverait d’effet utile l’article 16, deuxième alinéa, de cette directive.
17 C’est dans ces conditions que le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa, CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Dans les circonstances où, en souscrivant un abonnement à des périodiques, les nouveaux abonnés se voient remettre un cadeau (un gadget) en vertu de l’article 16 de la directive [2006/112], cette remise doit-elle être considérée :
a) comme une livraison réalisée à titre gratuit, distincte de l’opération d’abonnement aux périodiques ;
ou
b) comme faisant partie intégrante d’une seule opération effectuée à titre onéreux ;
ou encore
c) comme faisant partie intégrante d’une offre commerciale, constituée d’une opération principale (l’abonnement à la revue) et d’une autre opération accessoire (la remise du cadeau), ce dernier étant considéré comme livré à titre onéreux et comme conséquence de l’abonnement à la revue ?
2) Si la réponse à la première question est qu’il s’agit d’une livraison à titre gratuit, la détermination d’un plafond annuel de la valeur globale des cadeaux correspondant à un ratio de cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’assujetti au cours de l’année précédente (venant s’ajouter au plafond de la valeur unitaire) est-elle conforme à la notion de “prélèvements effectués [...] pour donner des cadeaux de faible valeur” prévue à l’article 16, deuxième alinéa, de la directive [2006/112] ?
3) En cas de réponse affirmative à la question précédente, un tel ratio de cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’assujetti au cours de l’année précédente est-il à ce point faible qu’il prive d’effet utile l’article 16, deuxième alinéa, de la directive [2006/112] ?
4) Le plafond précité de cinq millièmes du chiffre d’affaires de l’assujetti au cours de l’année précédente viole-t-il, compte tenu également des objectifs poursuivis, les principes de neutralité et d’égalité de traitement ou de non-discrimination et de proportionnalité ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous a), et l’article 16, premier alinéa, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que la remise d’un cadeau d’abonnement en contrepartie de la souscription à un abonnement à des périodiques relève de la notion de « livraison de biens effectuée à titre onéreux », au sens de ces dispositions, ou si ledit article 16, premier alinéa, doit être interprété en ce sens que la remise d’un tel cadeau, constituant une opération distincte de l’opération d’abonnement, doit être regardée comme une transmission de biens à titre gratuit, au sens de cette dernière disposition.
19 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux fins de la TVA, chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante. Toutefois, lorsqu’une opération comprend plusieurs éléments, se pose la question de savoir si elle doit être considérée comme étant constituée d’une prestation unique ou de plusieurs prestations distinctes et indépendantes devant être appréciées séparément du point de vue de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse, C-392/11, EU:C:2012:597, points 14 et 15 ainsi que jurisprudence citée).
20 Ainsi, premièrement, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. Il y a lieu de considérer qu’il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito, C-581/19, EU:C:2021:167, point 38 et jurisprudence citée).
21 Afin de déterminer si l’assujetti effectue plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique, il convient d’identifier les éléments caractéristiques de l’opération en cause, en se plaçant du point de vue du consommateur moyen. Le faisceau d’indices auquel il est recouru dans ce but comprend différents éléments, les premiers, d’ordre intellectuel et d’importance décisive, visant à établir le caractère indissociable ou non des éléments de l’opération en cause et sa finalité économique, unique ou non, les seconds, d’ordre matériel et n’ayant pas une importance décisive, venant, le cas échéant, au soutien de l’analyse des premiers éléments, tels que l’accès séparé ou conjoint aux prestations en cause ou l’existence d’une facturation unique ou distincte (arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito, C-581/19, EU:C:2021:167, point 39 et jurisprudence citée).
22 Deuxièmement, une opération économique constitue une prestation unique lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale (arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito, C-581/19, EU:C:2021:167, point 40 et jurisprudence citée).
23 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le premier critère à prendre en considération à cet égard est l’absence de finalité autonome de la prestation du point de vue du consommateur moyen. Ainsi, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito, C-581/19, EU:C:2021:167, point 41 et jurisprudence citée).
24 Le second critère, qui constitue en réalité un indice du premier, tient à la prise en compte de la valeur respective de chacune des prestations composant l’opération économique, l’une s’avérant minime, voire marginale, par rapport à l’autre (arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito, C-581/19, EU:C:2021:167, point 42 et jurisprudence citée).
25 En l’occurrence, il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi, résumés aux points 9 à 11 du présent arrêt, que la remise de cadeaux d’abonnement pour toute souscription d’un nouvel abonnement fait partie intégrante de la stratégie commerciale de la requérante au principal. De plus, selon cette juridiction, les souscriptions aux abonnements sont considérablement plus élevées lorsqu’elles sont assorties de cadeaux d’abonnement.
26 Il existe donc un lien clair entre la remise d’un cadeau et l’abonnement aux revues de la requérante au principal. Toutefois, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ce lien ne paraît pas, d’une part, systématique et, d’autre part, suffisamment étroit pour que ces prestations soient considérées comme indissociablement liées, au sens de la jurisprudence citée aux points 20 et 21 du présent arrêt. À cet égard, les circonstances que le renouvellement d’un abonnement ne donne pas lieu à la remise d’un nouveau cadeau et que, par ailleurs, la requérante au principal ait mené des campagnes promotionnelles sans offrir de cadeaux d’abonnement tendent à démontrer que lesdites prestations ne sont pas indissociables.
27 En revanche, les circonstances de l’affaire au principal paraissent illustrer, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer, une prestation principale assortie d’une prestation accessoire, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 22 à 24 du présent arrêt. En effet, la remise d’un cadeau d’abonnement par la requérante au principal aux nouveaux abonnés constitue une incitation à l’abonnement. Elle n’a d’autre finalité que d’augmenter le nombre d’abonnés aux revues que cette requérante publie et, partant, d’accroître les bénéfices que celle-ci réalise. D’ailleurs, il résulte de la décision de renvoi que la requérante au principal, dans son calcul commercial, tient compte du fait que certains abonnés résilieront leur abonnement après le paiement de la première mensualité, lequel leur permet de conserver le cadeau sans obligation de rester abonnés. Il n’en demeure pas moins que la remise d’un cadeau d’abonnement permet à la requérante au principal d’augmenter, chaque année, significativement le nombre de ses abonnés. La remise d’un tel cadeau n’a donc pas de finalité autonome du point de vue du consommateur moyen, qui accepte de payer au moins un mois d’abonnement pour obtenir ledit cadeau.
28 En outre, la requérante au principal comme la Commission européenne soulignent à juste titre, dans leurs observations, que le cadeau d’abonnement offert au titre des années 2015 à 2018 a permis aux nouveaux abonnés de bénéficier, dans les meilleures conditions, du service principal du prestataire, à savoir la lecture des magazines pour lesquels l’abonnement a été souscrit, dans la mesure où une tablette ainsi qu’un téléphone intelligent permettent, par exemple, de consulter une version numérique de ces magazines.
29 Par conséquent, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaît que l’abonnement auxdits magazines, d’une part, et l’offre d’une tablette ou d’un téléphone intelligent d’une valeur unitaire inférieure à 50 euros pour tout nouvel abonnement, d’autre part, forment un tout, l’abonnement constituant la prestation principale et le cadeau une prestation accessoire qui n’a pour seul objet que d’inciter à la souscription d’un abonnement.
30 Il convient donc de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 1, sous a), et l’article 16, premier alinéa, de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que la remise d’un cadeau d’abonnement en contrepartie de la souscription à un abonnement à des périodiques constitue une prestation accessoire à la prestation principale consistant en la livraison de périodiques, qui relève de la notion de « livraison de biens effectuée à titre onéreux », au sens de ces dispositions, et ne doit pas être regardée comme une transmission de biens à titre gratuit, au sens dudit article 16, premier alinéa.
Sur les deuxième à quatrième questions
31 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux autres questions posées.
Sur les dépens
32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
L’article 2, paragraphe 1, sous a), et l’article 16, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,
doivent être interprétés en ce sens que :
la remise d’un cadeau d’abonnement en contrepartie de la souscription à un abonnement à des périodiques constitue une prestation accessoire à la prestation principale consistant en la livraison de périodiques, qui relève de la notion de « livraison de biens effectuée à titre onéreux », au sens de ces dispositions, et ne doit pas être regardée comme une transmission de biens à titre gratuit, au sens dudit article 16, premier alinéa.
Signatures
* Langue de procédure : le portugais.